Les clauses de non-concurrence : ce qu'il faut savoir

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Pendant toute la durée de l'exécution de son contrat de travail, le salarié est tenu de ne pas exercer d'activité concurrente de celle de l'entreprise qui l'emploie en vertu de l’obligation de loyauté inhérente à son contrat de travail.

Après la rupture de son contrat, le salarié retrouve en principe sa liberté ce qui lui permet soit de travailler auprès d'une autre entreprise soit de s'établir à son propre compte.

Toutefois, l'employeur peut avoir intérêt à se protéger d'éventuels risques concurrentiels de son ancien salarié après la rupture de son contrat de travail. C'est la raison pour laquelle il est fréquent qu'un contrat de travail prévoit une clause de non-concurrence qui prend effet après la rupture du contrat de travail. Celle-ci interdit au salarié, après son départ de l’entreprise, d'exercer des fonctions équivalentes chez un concurrent ou à son propre compte. Bien évidemment, une telle clause n’est opposable au salarié que si l’employeur dispose de la preuve que le salarié a effectivement signé son contrat ou avenant comportant ladite clause.

Réglementation :

Il n'existe aucun texte légal ou réglementaire définissant les conditions de validité et d'application des clauses de non-concurrence : celles-ci sont prévues soit par les contrats individuels de travail, soit par les conventions collectives. Outre la rédaction d’une telle clause dans les contrats de travail, il convient de vérifier que la convention collective applicable ne comporte pas de disposition sur la clause de non-concurrence.

Dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle c'est le Code du commerce local qui réglemente les clauses de non-concurrence pouvant être imposées aux « commis ». 

Conditions de validité :

En l'absence de texte légal, c’est la jurisprudence qui définit le régime juridique des clauses de non-concurrence et en assure le contrôle. Les conditions sont strictes et cumulatives. La clause doit :

-  être limitées dans le temps, dans l'espace et quant à la nature des activités que le salarié ne peut pas exercer ;

-  tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié, afin de lui permettre de continuer à exercer une activité professionnelle conforme à sa formation et à son expérience professionnelle ;

-  prévoir le versement par l'employeur d'une contrepartie financière (sous la forme d'une rente ou d'un capital) après la rupture du contrat ;

-  et être indispensables à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise.

Le défaut ou non-respect de l’une d’elles, entraîne la nullité de la clause.

Pour contrevenir au principe fondamental du libre exercice d’une activité professionnelle, la clause de non-concurrence doit donc être justifiées par les intérêts de l’entreprise et proportionnée notamment en temps et espace.

En cas de disposition conventionnelle, le contrat de travail ne peut valablement contenir des dispositions plus contraignantes pour le salarié que celles de la convention collective.

En pratique, la durée de 2 ans est souvent retenue par référence à de nombreuses conventions collectives.

D'une façon générale, la clause doit être limitée aux secteurs géographiques dans lesquels le salarié, du fait de son activité nouvelle, est susceptible de concurrencer son employeur.

Enfin, pour rappel, la clause peut prévoir la faculté pour l'employeur de renoncer à son application selon des modalités qu'elle définit.

Contrepartie financière

De plus, depuis 2002, la Cour de cassation exige que la clause de non-concurrence s’accompagne d’une contrepartie financière au profit du salarié. Les modalités de calcul, la périodicité et la durée de versement de l'indemnité de non-concurrence sont fixées par le contrat de travail ou, lorsque le contrat s'y réfère expressément, par la convention collective (Cass. Soc. 10-3-2004 n° 02-40.108 F-PB ; 1-2-2011 n° 09-40.542 F-D).

En l'absence de dispositions conventionnelles relatives à cette contrepartie, son montant est librement déterminé par les parties. 

Ont été jugées dérisoires :

  • une contrepartie financière d’un montant égal à 1/10ème du salaire mensuel brut perçu par le salarié
  • une contrepartie financière qui ne s'élevait qu'à 2,4 mois de salaire pour une durée de non-concurrence de 24 mois. 
  • une indemnité de 15 % du salaire mensuel moyen des 12 derniers mois

À l’inverse, ont été jugées valides :

  • la contrepartie financière versée pendant une durée de deux ans, égale à 20% de la moyenne mensuelle brute de la rémunération du salarié la première année, puis de 10% la deuxième année
  • la contrepartie financière de 20 % du salaire mensuel moyen des 12 derniers mois
  • l’indemnité mensuelle égale à 40 % du salaire moyen des douze derniers mois 

Le juge est venu préciser que la clause de non-concurrence ne peut pas être minorée en fonction du mode et du type de rupture du contrat de travail.

Non respect de la clause de non-concurrence

Le non-respect d'une clause de non-concurrence par le salarié entraîne l'annulation du versement de l'indemnité compensatrice. Le juge peut également condamner le salarié au versement de dommages et intérêts.

Enfin, la responsabilité du nouvel employeur est automatiquement engagée s’il embauche un salarié qu’il sait lié par une clause de non-concurrence, même si la similitude de clientèle ou un détournement effectif de la clientèle ne sont pas établis. Il peut donc être condamné à verser des dommages-intérêts à l’ancien employeur.

En cas de litige, la charge de la preuve pèse sur l’employeur qui doit démontrer la violation de cette clause par le salarié.

En l'absence de clause de non-concurrence, c'est le principe de liberté du travail qui s'applique. Le salarié est alors libre de se faire embaucher dans une entreprise concurrente ou de créer une entreprise concurrente. Toutefois, l’ancien salarié reste tenu par une obligation de non-concurrence déloyale.

À l’issue de la rupture de son contrat de travail, l’ancien salarié peut entrer directement au service d’un nouvel employeur ou créer son entreprise concurrentielle mais il ne peut pas procéder à des actes de concurrences déloyales comme notamment :

- le dénigrement des services,

- le détournement de clientèle,

- le débauchage de salariés.

Pour que la concurrence déloyale soit reconnue, il faut que les agissements soient considérés comme fautifs et que cela entraîne une véritable désorganisation au sein de l’entreprise.

S’il est établi que l’ancien salarié employé peut solliciter la clientèle de son ancien employeur ou démarcher la clientèle, il ne peut le faire en procédant à des manœuvres frauduleuses en utilisant des informations confidentielles contenues dans le logiciel de gestion du fichier des clients. Dans ce cas, une action en concurrence déloyale visant à obtenir des dommages-intérêts à la suite du préjudice subi peut être intentée devant les tribunaux.

Julie Baudet, associée chez Oratio


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