Les entreprises peinent à intégrer les questions ESG dans leurs programmes de conformité

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L'*enquête Navigating Deep Waters publiée par le cabinet d'avocats d'affaires international Hogan Lovells met en exergue que si les entreprises souhaitent donner la priorité à la conformité RSE, elles rencontrent de nombreux obstacles.

Les questions environnementales, sociales et de gouvernance (ou ESG) sont devenues une préoccupation majeure en matière de conformité pour les entreprises du monde entier et dans la plupart des secteurs d’activité. Pourtant, la réalité montre que les entreprises ont du mal à intégrer les questions ESG dans leurs programmes de conformité existants. Selon une enquête menée auprès de 600 entreprises multinationales, pour relever les défis ESG il faudra améliorer la connaissance des préoccupations ESG, renforcer l'engagement de l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise, mieux surveiller les risques présentés par des tiers et rester vigilant face à la corruption tout au long de la chaîne d'approvisionnement.

« Les entreprises cherchent à travers leur organisation à gérer la question de leur impact sur l'environnement et la société. Alors qu'elles doivent faire face à des attentes de plus en plus élevées en matière d'ESG, les entreprises peuvent utiliser les mesures de conformité anti-corruption existantes pour faciliter la gestion des risques ESG. Les deux questions sont inextricablement liées et les entreprises n'ont pas besoin - et ne doivent pas - donner la priorité à l'une au détriment de l'autre. Notre enquête donne une vue d'ensemble de la situation des entreprises en termes de développement de programmes ESG matures - et des risques qui restent à traiter. Par exemple, nous avons identifié le risque lié aux tiers comme un domaine qui devrait être au premier plan des stratégies de conformité ESG des entreprises » explique Stephanie Yonekura, responsable mondiale du département Investigations, Droit pénal des affaires et Fraude (IWCF) de Hogan Lovells, a déclaré : 

Les multinationales s'inquiètent davantage des questions ESG

Jusqu'à récemment, les principaux risques externes pour de nombreuses entreprises étaient liés à la lutte contre la corruption, mais avec l'intérêt croissant pour les questions ESG, leurs principales préoccupations ont changé. Parmi les entreprises interrogées, 82 % estiment que le risque ESG est leur priorité actuelle et future en matière de stratégie commerciale.

« Il est clair que les entreprises veulent faire ce qui est juste en matière d'ESG. Cependant, il peut être difficile de s'y retrouver dans le labyrinthe complexe des nouvelles exigences juridiques et des risques réputationnels, notamment lorsqu'il s'agit de savoir comment les obligations en matière de chaîne d'approvisionnement et de droits humains interagissent avec les obligations éthiques existantes telles que la lutte contre la corruption. Les responsables de la conformité et les juristes d'entreprise qui ont déjà une expérience de la conformité dans les affaires joueront un rôle de plus en plus important en ce qui concerne les programmes ESG » observe Liam Naidoo, associé au sein du département IWCF à Londres.

Si les entreprises reconnaissent l'importance de la conformité ESG, elles peinent à identifier une approche qui englobe toutes les questions en jeu. Moins de la moitié des entreprises interrogées (42 %) déclarent avoir mis en place un programme ESG mature défini comme un programme où la gestion de l'ESG est attribuée en dehors du management, où la culture ESG est totalement ancrée dans l'entreprise et où l’ESG influe sur les décisions stratégiques et opérationnelles, y compris pour les programmes de lutte contre la corruption.

Les responsables de la conformité ont cité les principales préoccupations suivantes :

- 82 % ont déclaré que l'ESG n'était pas intégré dans les pratiques de risque existantes.

- 78 % ont signalé un manque de connaissances et de compétences en matière d'ESG et

- 57 % ont cité un manque d'engagement.

En France, les responsables de la conformité sont les plus susceptibles (66 %) d'affirmer que leur programme ESG a conduit à une augmentation du chiffre d'affaires de leur entreprise au cours de l'année écoulée, et un peu plus de la moitié (52 %) pense que, lorsqu'il y a des priorités concurrentes, leur entreprise donne toujours la priorité à la fois à l'ESG et à la lutte contre la corruption - ce qui soutient l'idée que les politiques ESG et de lutte contre la corruption intégrées peuvent avoir un impact financier positif.

Le ralentissement économique remet en question l’évaluation des risques liés aux tiers

Alors que les préoccupations économiques occupent le devant de la scène, les responsables de la conformité sont confrontés à des défis supplémentaires. Par exemple, l'aggravation de la crise de la chaîne d'approvisionnement amène les entreprises à réévaluer les relations avec leurs fournisseurs. Pourtant, seules 29 % des entreprises font part de leurs préoccupations concernant les risques ESG posés par des tiers. Ces risques peuvent aller de l'écoblanchiment aux violations des droits humain, comme des conditions de travail inacceptables dans les usines de la chaîne d'approvisionnement de l'entreprise. Lorsque la responsabilité des licences, des permis, des contrats, de la surveillance ou de la supervision incombe à un tiers, les actions d'un fournisseur pourraient lier juridiquement l'organisation au nom de laquelle il agit.

Il est frappant de constater qu'à peine 1 % des dirigeants considèrent que les relations avec les tiers posent actuellement un grand risque de conformité ESG pour leur entreprise. Toutefois, 22 % des dirigeants considèrent que le risque lié aux tiers augmentera au cours des 12 prochains mois, 34 % au cours des 18 prochains mois et 18 % au cours des 24 prochains mois.

« Avec l'augmentation des enquêtes réglementaires ESG et la pression publique accrue des parties prenantes internes et externes aux entreprises, il est important que les organisations évaluent les décisions commerciales au travers du prisme ESG pour renforcer les normes de l'entreprise en matière de conduite des affaires et atténuer de manière proactive les risques ESG » souligne Arthur Dethomas, associé au sein du département Contentieux à Paris.

La corruption et les risques ESG assombrissent les perspectives des entreprises

La corruption - sous toutes ses formes - est l'un des plus grands défis de la conformité ESG et un problème réellement substantiel pour les investisseurs, surtout en temps de crise. Selon les répondants :

- 74 % ont cité les pays dans lesquels ils (ou des tiers) opèrent, et le risque de corruption associé, comme une préoccupation majeure en matière de conformité ESG.

- Pourtant, 62 % d'entre eux affirment que le lien évident entre infractions à la lutte contre la corruption et abus ESG n’est pas pris en compte.

Qu'il s'agisse de corruption d'agents publics, de détournement de fonds, de népotisme ou de structures de contrôle laxistes ou inexistantes, la corruption est capable d’ébranler tous les piliers de l'ESG. Il est intéressant de noter que 81 % des responsables de la conformité pensent que les programmes intégrés auront un impact positif sur leur réputation.

« La mise en œuvre efficace de la conformité ESG nécessite un alignement complet avec une stratégie efficace de lutte contre la corruption. La collaboration entre les experts en conformité concernés est le meilleur moyen de garantir l'efficacité des deux programmes et la formation ESG peut contribuer à informer les employés sur les risques et sur la manière de les atténuer pour éviter toute responsabilité. Les entreprises dotées de solides politiques et contrôles anti-corruption disposent d'un cadre robuste sur lequel elles peuvent construire la gouvernance d'un programme ESG. Bien que les entreprises soient confrontées à de nombreux défis dans la mise en œuvre de leurs programmes ESG, les avantages potentiels d'une bonne conformité ESG sont énormes » indique Christelle Coslin, associée au sein du département Contentieux à Paris. 

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*À propos de l'enquête :

Cette enquête mondiale, menée par Coleman Parkes, suit la réflexion et les actions des responsables de la conformité représentant un grand nombre des organisations les plus grandes et les plus influentes du monde. Elle explore les eaux profondes du risque tiers à travers le prisme de la lutte anti-corruption et de l'ESG, alors que les organisations sont confrontées à des priorités concurrentes. Une étude d'opinion a été menée par une société de recherche indépendante en avril 2022 auprès de 600 responsables de la conformité (CCO), responsables juridiques ou équivalents (désignés collectivement comme "responsables de la conformité" dans le rapport), à travers le monde. Les personnes interrogées étaient basées au Royaume-Uni, aux États-Unis, en France, en Allemagne, en Asie (Chine, Singapour et Japon) et au Brésil. Un large éventail de secteurs a également été couvert par l'étude, notamment les technologies et les télécommunications, le style de vie et la consommation, les industries diversifiées, l'énergie, l'automobile/le transport et les sciences de la vie. 73 % des personnes interrogées appartiennent à des entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est supérieur à 1 milliard de dollars, dont 30 % ont un chiffre d'affaires compris entre 20 et 50 milliards de dollars et 7 % un chiffre d'affaires supérieur à 50 milliards de dollars.

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