Laurence Kiffer, Associée, Teynier Pic & Associés

Interviews
Outils
TAILLE DU TEXTE

Laurence Kiffer - Avocate - Teynier, Pic & AssociésLe Monde du Droit a rencontré Laurence Kiffer, Avocate, Teynier, Pic & Associés à propos d'une procédure de recours en annulation introduite par le Gouvernement du Pakistan contre trois sentences arbitrales rendues en France et dont Dallah, conseillée par Teynier, Pic & Associés recherchait l'exécution.

Pouvez-vous nous rappeler le contexte de cette décision ?

Dallah, société saoudienne, souhaitait obtenir l’exécution en France d’une sentence arbitrale finale condamnant l’État du Pakistan au paiement d’une somme de 20.000.000 USD en sa faveur. Cette sentence finale, comme les deux sentences partielles, a été rendue à Paris sous l’égide de la Cour Internationale d'Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale de Paris. Dallah avait en premier lieu recherché l’exécution de cette sentence en Angleterre. Mais tant la High court que la Supreme court ont refusé d’autoriser son exécution sur leur territoire. Dallah a cependant obtenu l'exequatur en France. Le Gouvernement du Pakistan a introduit un recours en annulation devant la Cour d'appel de Paris en s'appuyant sur la situation anglaise. L’affaire a été plaidée le 18 janvier 2011 et par un arrêt du 17 février dernier, la Cour a rejeté ces recours en annulation.

Quel a été votre rôle aux côtés de Dallah ?

Dallah nous a consultés sur les chances de succès d’une procédure d’exécution en France. Nous avons d’abord demandé l’exequatur de la sentence finale en France. Puis Dallah nous a confié sa défense quand le Gouvernement du Pakistan a introduit un recours en annulation des sentences.

Quelles sont les différences entre les juridictions anglaises et françaises en matière d'arbitrage ?

Cette affaire met en effet en exergue la profonde différence d’approche entre les juridictions anglaises et les juridictions françaises.
La position traditionnelle des juges français, traditionnellement libérale, est de ne jamais interférer dans la décision arbitrale en elle-même. Les magistrats partent du postulat que l'instruction de la cause par l'arbitre est bonne. Ils s'assurent simplement que les arbitres ont bien établi la volonté de recourir à l'arbitrage, donc de déroger au droit commun des voies judiciaires. Cette démarche nourrie par les pratiques et usages internationaux ne s'inscrit pas dans la logique des juges britanniques. Bien qu’elles aient prétendu appliquer le droit français, les juridictions anglaises ont procédé à une réouverture des débats, réouverture qui est donc exclue devant le Juge Français qui prend pour acquise l’instruction à laquelle a procédé l’arbitre.
Ensuite, le Juge Français, pour apprécier si un tiers non signataire de la clause d’arbitrage peut être liée par celle-ci, recherche si ce tiers s’est comporté comme une partie au contrat et ainsi peut être considéré comme partie à la clause d’arbitrage.

Quelles sont les conséquences de cette décision ?

C'est une affaire à l'enjeu financier important, environ 20.000.000 USD, mais dont la portée juridique est fondamentale, tant en droit que pour la place de Paris.
La Cour d'Appel de Paris a fait prévaloir les propres critères du droit français, et a donc pris en France une décision contraire à celles existant en Angleterre.
Cette décision vient nous rappeler combien sont grandes les disparités entre les droits de l'arbitrage dans les pays européens.


Lex Inside du 15 avril 2024 :

Lex Inside du 5 avril 2024 :

Forum des Carrières Juridiques 2024 : interview de Vanessa Bousardo, vice-bâtonnière de Paris