Les avocats vent debout contre la Conférence des premiers présidents de Cour d’appel

Institutions
Outils
TAILLE DU TEXTE

Une délibération de la Conférence des premiers présidents de Cour d'appel  sur l’accès au droit, l’office du juge et l’organisation judiciaire et processuelle a provoqué l'ire de la profession d'avocats.

La Conférence des premiers présidents de Cour d'appel, réunie le 31 mai 2013, a adopté une délibération sur l'accès au droit, l'office du juge et l'organisation judiciaire et processuelle.

Elle propose de procéder à des transferts de charges vers d'autres professionnels ou structures compétentes (officiers d'état civil, notaires, huissiers, administrations, assureurs) afin de recentrer le juge vers son coeur de métier qui " ne devrait être que de trancher les litiges lorsque d'autres procédures n'ont pas permis de parvenir à une solution acceptée".

Ainsi, les divorces par consentement mutuel ou après rupture de la vie commune ainsi que la résiliation des pactes civils de solidarité (PACS) seraient actés par les notaires, les parties étant chacune représentée par un avocat au vu d'un projet de répartition des biens établis par un notaire en cas de patrimoine communautaire ou indivis.
Les partages de succession seraient directement traités par les notaires à la demande d'un héritier même en cas de désaccord initial.
Il en serait de même de la liquidation des régimes matrimoniaux.
Par ailleurs, les accidents de la circulation, le surendettement, les procédures de redressement personnel et "les comportements susceptibles d’être transigés, sanctionnés administrativement ou financièrement" ne seraient plus de la compétence du juge.
La Conférence des premiers présidents envisage également une réforme du régime de la représentation ou de l’assistance obligatoire devant toutes catégories de juridictions et officiers publics en fonction de la nature et du quantum de la demande à l'exception des contentieux relevant des pôles de proximité du TPI.
Elle préconise l'abandon de l'appel voie d'achèvement et le retour de la tradition française de l'appel réformation.
Enfin, elle souhaite également la codification de l'obligation de structurer les écritures, nouvelle obligation qui serait sanctionnée par une irrecevabilité.
Ces propositions ont provoqué l'ire des avocats.

Les premiers présidents de cour d'appel sont-ils hostiles aux avocats ?

Ainsi, Christian Charrière-Bournazel, Président du Conseil national des barreaux, dans un éditorial du 2 juillet 2013, se demande si les premiers présidents de cour d'appel sont hostiles aux avocats.
Selon lui, "cette délibération manifeste une hostilité ou à tout le moins une défiance à l’encontre de notre profession".
Il ajoute que, "le recours au juge deviendrait donc l’exception et l’avocat tenu fermement en bride."
Il invite ainsi les avocats à soutenir leurs Ordres et leurs bâtonniers à qui il demande de formuler "les plus vives protestations auprès des premiers présidents des Cours d’appel".

Les avocats, pour leur part, ne participeront pas à une œuvre destructrice de ce qui est l’un des plus beaux acquis de notre histoire, c’est-à-dire une Justice ouverte, accessible à tous et qui a la confiance des citoyens.

De son côté, Christiane Féral-Schuhl, Bâtonnier de Paris, a lancé "Halte au feu" dans son édito du 2 juillet 2013, en affirmant qu'il n’est dans le rôle de personne de dire ce que les maires, les notaires, les avocats ou les huissiers, pour ne citer qu'eux, doivent faire pour alléger la tâche du juge".
Le Barreau de Paris a voté une motion le 2 juillet 2013 dans laquelle il "confirme la nécessité de développer l’accès au droit, mais s’oppose avec la plus grande fermeté à la préconisation d’une délibération qui conduirait, si elle devait être suivie d’effet, à « un transfert de charges » systématique du Juge vers « d’autres professionnels ou structures » dits « compétents», qui ne sont en fait que des acteurs de la société civile (services administratifs, élus municipaux, officiers d’état civils, assureurs, notaires etc.) et dont certains ne peuvent pas toujours se prévaloir ni de la compétence, ni de la formation, ni des garanties d’indépendance et d’impartialité requises pour se substituer au Juge"
Pour le Bâtonnier de Paris, c'est "une contribution certainement intéressante mais qui ne peut être considérée que comme une participation au débat d'idées". 
Ce "n’est dans le rôle de personne de dire ce que les maires, les notaires, les avocats ou les huissiers, pour ne citer qu'eux, doivent faire pour alléger la tâche du juge."
Christiane Féral-Schuhl conclut en indiquant que "les avocats, pour leur part, ne participeront pas à une œuvre destructrice de ce qui est l’un des plus beaux acquis de notre histoire, c’est-à-dire une Justice ouverte, accessible à tous et qui a la confiance des citoyens".

Les avocats, parce que professionnels libres et indépendants, assistent, conseillent et défendent tous les justiciables en tous les lieux. Envisager l’accès au droit ou l’organisation judiciaire et processuelle sans les avocats n'est tout simplement pas imaginable.

La Conférence des Bâtonniers a également réagi par un communiqué du 3 juillet 2013 du Président Jean-Luc Forget Forget adresse à l’ensemble des Bâtonniers dans lequel il fustige les propositions de Conférence des premiers présidents et appelle à l’organisation des "Assises de la Justice" où chacun viendrait, certainement protester ou réagir, mais encore débattre et surtout proposer des solutions concrètes.
Jean-Luc Forget se dit "étonné" car
 "ces soudaines propositions ne reflètent pas l’opinion exprimée par l'immense majorité des magistrats que nous rencontrons dans nos exercices quotidiens".
Selon lui, "
c'est bien l'intérêt du justiciable et lui seul qui commande la réaction des avocats qui sont force de  proposition. Les 56.000 avocats de France constituent les premiers points d'accès au droit et à la justice. Ce sont bien eux qui ont en charge d'accompagner chaque justiciable en utilisant les procédures et modes alternatifs de règlement des différents tels que la transaction, la médiation, la conciliation jusqu’à l'arbitrage. Dans ces contextes ce sont encore les avocats qui ont imaginé de nouveaux instruments, la procédure participative ou l'acte d'avocat. Mais saisir le juge ne peut être la dernière perspective offerte au justiciable, comme si elle n'était que la « dernière chance » : le recours au juge pour que celui-ci statue dans un délai raisonnable aux termes d'un procès équitable est une exigence au regard des droits de chacun dans une société démocratique. Les avocats, parce que professionnels libres et indépendants, assistent, conseillent et défendent tous les justiciables en tous les lieux. Envisager l’accès au droit ou l’organisation judiciaire et processuelle sans les avocats n'est tout simplement pas imaginable".

 


Lex Inside du 18 avril 2024 :

Lex Inside du 15 avril 2024 :

Lex Inside du 5 avril 2024 :