Le règlement des dettes et des créances de la cible et de ses actionnaires dans le cadre des opérations de cession

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Lorsque le contrôle d’une société est cédé et qu’il existe des dettes ou des créances entre la  société cible et ses actionnaires, les parties à l’opération doivent statuer sur le sort de ces créances ou  de ces dettes.  Au-delà, l’acquéreur peut être sollicité pour régler certaines dettes de la société cédée ou de ses  actionnaires.

Lorsque le contrôle d’une société est cédé et qu’il existe des dettes ou des créances entre la société cible et ses actionnaires, les parties à l’opération doivent statuer sur le sort de ces créances ou de ces dettes.  

Au-delà, l’acquéreur peut être sollicité pour régler certaines dettes de la société cédée ou de ses actionnaires, notamment parce que la société cédée ou ses actionnaires ne disposent pas toujours de  la trésorerie nécessaire. Ces paiements viennent alors en déduction du prix de cession. 

Il nous a paru intéressant d’examiner les différentes modalités juridiques possibles de règlement de ces créances et de ces dettes, dont l’effet juridique, et parfois les conséquences fiscales, peuvent être  différents. 

On n’abordera pas ici le cas des opérations de LBO dans lesquelles la dette de la holding est entièrement refinancée. 

1. Le règlement des créances de comptes courants d’actionnaires  

Le règlement des créances de comptes courants d’actionnaires peut intervenir de plusieurs  manières. 

Tout d’abord, il est envisageable de procéder au remboursement du compte courant. Cette opération ne présente pas de difficulté juridique particulière et c’est souvent la solution retenue  lorsque le débiteur dispose de la trésorerie nécessaire. Mais cela n’est pas toujours le cas. 

Il est possible de prévoir des délais de règlement. Dans ce cas, le compte courant non remboursé à la  date de réalisation de l’opération de cession peut servir de « garantie de la garantie », c’est-à-dire que  lorsqu’une garantie de passif a été consentie, les parties peuvent prévoir que le montant du compte courant non remboursé permettra d’indemniser la société en cas de mise en œuvre de la garantie de  passif, par un mécanisme de compensation conventionnelle. 

Il est également envisageable que les comptes courants d’actionnaires fassent l’objet d’une  cession.  

Lorsque les parties ont fait de la cession des droits sociaux et du compte courant un tout indivisible, le prix peut être global et forfaitaire.1 

Cependant, il est recommandé de procéder à une ventilation du prix des parts ou actions et du compte courant car le prix de cession du compte courant, lorsqu’il est dissocié du prix de vente des parts ou actions, n’est pas soumis au droit proportionnel d’enregistrement portant sur les ventes de parts ou d’actions. 

Le prix de cession du compte courant est en principe sa valeur nominale. Cependant, il peut être cédé  pour une valeur moindre lorsque le débiteur est en difficulté et que le remboursement du compte courant apparaît comme incertain.  

On rappellera en outre que depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du  droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations que la signification par voie d’huissier de la créance (prévue par l’article 1690 du code civil) n’est plus nécessaire pour la rendre  opposable et que la cession est opposable au débiteur s’il y a consenti, si elle lui a été notifiée ou s’il  en a pris acte2, et qu’elle est opposable aux tiers à la date de l’acte. 

Une autre possibilité de règlement des comptes courants est le remboursement des comptes  courants des associés cédants par l’acquéreur lors du transfert de propriété des actions ou des parts  sociales cédées contre quittance subrogative. Conformément à l’article 1346-1 du code civil, cette  subrogation - dite conventionnelle - s'opère à l'initiative du créancier lorsque celui-ci, recevant son  paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits contre le débiteur. L’acquéreur paie le  montant des comptes courants aux cédants, tandis que ces derniers subrogent alors l’acquéreur dans  leurs droits à l’encontre de la société cédée. Le paiement effectué est ici translatif et non extinctif.  L’acquéreur devient alors le créancier de la société cédée. Cette subrogation doit être expresse3

Le mécanisme juridique est alors celui de la subrogation personnelle. En matière de subrogation  personnelle, le transfert de créance intervient à titre accessoire à un paiement alors qu’en matière de  cession de créance, le transfert de créance constitue l’objet principal de l’opération. La subrogation  consiste en un paiement par une personne autre que le débiteur de sa dette qui, du fait de ce  paiement, devient titulaire dans la limite de ce qu’il a payé, de la créance et ses accessoires.4 

Il en résulte notamment les différences suivantes entre subrogation et cession de créance : 

- contrairement à la subrogation, dans la cession de créance, le paiement peut ne pas être  immédiat et la créance peut servir par exemple de garantie à la garantie de passif (cf. supra), - alors que la subrogation n’opère qu’à concurrence de ce qui a été payé par le subrogé, une créance peut être cédée pour un prix inférieur à sa valeur nominale et, dans ce cas, le cessionnaire détient une créance supérieure au prix qu’il a payé (cf. supra). 

Enfin, il est possible que les comptes courants soient abandonnés. Toutefois, cette modalité est  rarement retenue, notamment pour des raisons fiscales, puisque l’abandon génère un profit  imposable pour la société bénéficiaire de l'abandon.  

En outre, lorsque l'abandon n'a pas de caractère commercial, il n'est en principe pas déductible pour  la société ayant consenti l’abandon, sauf s’il est accordé dans le cadre d'une procédure de sauvegarde ou de redressement ou liquidation judiciaires, ou lors d'une procédure de conciliation en application d'un accord constaté ou homologué par le juge.5 

2. Intervention de l’acquéreur pour régler des dettes de la société cible ou de certains associés 

Au-delà de la question des comptes courants d’associés, l’acquéreur est parfois sollicité pour  régler des dettes de la société cible ou de certains de ses associés afin d’éviter à ces derniers de  procéder à ces paiements, notamment lorsqu’ils ne disposent pas de la trésorerie nécessaire. Le  montant payé par l’acquéreur vient alors en déduction du prix de vente des parts ou actions de la  société cible. 

Il n’est pas rare que dans les opérations de cession, l’acquisition de la société cible soit conditionnée à l’acquisition par cette dernière d’un actif, par exemple un droit de propriété intellectuelle, détenu par l’un de ses dirigeant, l’un de ses actionnaires ou un tiers considéré par l’acquéreur comme nécessaire au fonctionnement autonome de la cible. 

Dans ce cas, la société cible peut demander à l’acquéreur de payer le prix d’acquisition de l’actif qu’elle  acquiert. L’acquéreur devient alors créancier de la société cible à hauteur du montant payé et il est  tenu compte de ce paiement (ou de cette dette) dans le prix d’acquisition de la société cible. 

Le mécanisme généralement utilisé est celui de la délégation de paiement ou de l’indication de paiement. 

La délégation de paiement est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d'une autre, le délégué, qu'elle s'oblige envers une troisième, le délégataire, qui l'accepte comme débiteur.6 

Contrairement à la cession de créance qui ne suppose pas le consentement du débiteur cédé, tiers à l’opération, la délégation exige toujours le consentement des trois parties à l’opération, notamment  du délégataire qui doit accepter un nouveau débiteur. 

On distingue la délégation simple ou imparfaite de la délégation parfaite ou novatoire. Dans la  délégation imparfaite, le délégant est déchargé de son obligation envers le délégataire qui accepte de n’avoir comme seul débiteur le délégué alors que dans la délégation imparfaite le délégant n’est pas  déchargé de son obligation envers le délégataire, ce qui confère à ce dernier deux débiteurs.7 

Outre la délégation de paiement, le paiement par l’acquéreur d’une dette de la société cible peut  intervenir au travers d’une simple « indication de paiement ». L’indication de paiement consiste ainsi  pour un débiteur ou un créancier à désigner une tierce personne pour effectuer le paiement de la  dette. Elle n’emporte ni novation ni délégation. Elle est prévue par l’article 1340 du code civil qui  énonce que « La simple indication faite par le débiteur d'une personne désignée pour payer à sa place  n'emporte ni novation, ni délégation. Il en est de même de la simple indication faite, par le créancier,  d'une personne désignée pour recevoir le paiement pour lui ». Elle peut paraitre moins sécurisée pour  le créancier que la délégation de paiement dans la mesure où il n’y a pas d’engagement contractuel  de la personne désignée pour payer vis-à-vis du créancier. Néanmoins, dans le cas où les flux sont  concomitants, une simple indication de paiement peut s’avérer suffisante et permet de traiter les flux du « closing ». 

Il peut enfin être utilisé la stipulation pour autrui ou la cession de dette (C. cv., art. 1327 et s.)  pour faire acquitter par l’acquéreur des dettes de la société cible.  

L’acquéreur peut également être sollicité pour payer la dette d’un actionnaire ou d’un tiers vis-à-vis de la société cible. Tel est par exemple le cas Iorsque des salariés ou dirigeants sont titulaires  de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE). Les titulaires de BSPCE doivent  exercer leurs bons et payer le prix d’exercice des bons à la société émettrice avant de pouvoir céder  les actions souscrites au moyen de ces bons à l’acquéreur et de pouvoir percevoir le prix de cession de  leurs actions.  

Afin que les titulaires de BSPCE n’aient pas à décaisser le prix d’exercice des BSPCE, il est possible que les titulaires de BSPCE demandent à l’acquéreur de verser le prix d’exercice des BSPCE à la société  émettrice, ce prix d’exercice étant ensuite déduit du prix de vente des actions émises en exercice des  BSPCE et cédées à l’acquéreur. Il s’opère ainsi une compensation de créance entre la créance du prix  d’exercice des BSPCE payé par l’acquéreur et la créance du prix de vente des actions dû par l’acquéreur au titulaire ayant exercé ses BSPCE. 

Guillaume Morineaux, Avocat, Associé et Marie-Hélène Périn, Avocat, Senior Manager

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1 Cass. com. 12-2-1976 : Bull. civ. IV n° 121

 2 Article 1324 du code civil 

3 Article 1346-1 du code civil 

4 Le régime juridique de la subrogation (légale et conventionnelle): notion, conditions, effets By Aurélien Bamdé 

In Droit commercial, Droit des obligations, Réforme du droit des obligations, Régime des obligations, Régime  général des obligations - Posted Jan 28, 2018 

5 Article 39.13 du code général des impôts

6 Article 1336 du code civil

7 Articles 1337 et 1338 du code civil

 


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