L’arbitrage et la médiation en ligne dorénavant encadrés

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Sophie Henry. Déléguée générale du CMAP et Marjolaine Ratier, Responsable Communication & Marketing du CMAP reviennent sur la certification des plateformes de médiation, de conciliation et d'arbitrage.

Le Ministère de la Justice a créé en 2020 un groupe de travail en vue de définir un référentiel de certification des services en ligne de conciliation, médiation et d’arbitrage. 

Le CMAP a pu contribuer de manière active aux travaux, aux côtés d’Organismes certificateurs ainsi que de plusieurs Institutions telles qu’OPENLAW et le Conseil National des Barreaux.

A l’issue de ces travaux, un décret a été publié le 23 décembre 2020, qui prévoit en son article 5 la publication d’un référentiel sous forme d’arrêté, daté également du 23 décembre.
L’annexe 1 de l’arrêté concerne les organismes de certification
L’annexe 2 de l’arrêté concerne les critères de certification auxquels seront soumis les services de conciliation, médiation et arbitrage.

Le contexte

La médiation tend à se démocratiser, au travers de différentes initiatives des pouvoirs publics, et notamment depuis le 1er janvier 2020, avec l’obligation d’y recourir pour les litiges inférieurs à 5 000€. 
Certains y ont vu une opportunité et de nouvelles plateformes de médiation en ligne se sont créées.
L’arbitrage en ligne se développe également et existe déjà depuis quelques années, au travers de différentes plateformes.

Les acteurs de ce marché en ligne sont multiples: Professions réglementées, Institutions, legaltech… Les procédés utilisés le sont également: mise en relation, procédure dématérialisée, ou encore résolution du litige par des algorithmes.

Face à cette demande grandissante et à la disparité des solutions disponibles, le Ministère de la Justice a souhaité réfléchir aux moyens de garantir un niveau de prestation juridique davantage sécurisée pour le justiciable. Aussi, l’idée d’une Certification des plateformes MARD (Modes Alternatifs de Règlement des Différends) a-t-elle fait son chemin.

L’existence de ces services en ligne a été consacrée par la loi du 23 mars 2019 de programmation de la réforme de la justice et un décret du 25 octobre 2019 a prévu que le référentiel de la certification serait fixé par arrêté du Garde des Sceaux au plus tard le 1 er janvier 2021.

Ce que le décret confirme

Plusieurs critères du référentiel relèvent d’une simple application de nos Lois mais constituent un rappel salutaire de l’encadrement des prestations juridiques:
- protection des données à caractère personnel,
- confidentialité,
- obligation d’information
- respect du périmètre du Droit,
- diligence,
- compétence
- indépendance et impartialité du Professionnel intervenant dans le processus.

Ce que le décret fait évoluer

La formation des Médiateurs et Arbitres

Pour les Médiateurs et les Conciliateurs, le référentiel fixe un critère de formation de 60 heures minimum ainsi que les modalités de la formation continue. Ce volume horaire correspond aux usages de nos voisins européens.

Les Arbitres devront justifier soit d’une formation initiale juridique et d’une formation à l’arbitrage d’au moins 30 heures, soit d’une expérience pratique d’au moins 3 années en tant qu’Arbitre.

Cette formalisation des critères de formation pour l’aptitude aux MARD est un signal fort puisqu’aucune règle n’existait jusqu’à ce jour en pratique.

La place de l’humain dans le processus

Un élément fondamental, qui avait d’ailleurs animé nos débats, est soulevé dans le référentiel. Il s’agit de la place de l’humain dans le processus de résolution du litige.

Le Ministère a tranché, et impose une « intervention humaine effective », « réelle et substantielle même si le processus est entièrement dématérialisé ».

De même, la question du recours aux algorithmes est particulièrement d’actualité.

Il existe à l’heure actuelle sous trois formes: la désignation du Médiateur ou de l’Arbitre, l’aide à la décision (justice prédictive par exemple), jusqu’à la résolution intégrale du litige. Les interrogations légitimes sont multiples: la plateforme sera-t-elle transparente en matière d’algorithme dans la sélection du Professionnel qui sera retenu ? Le Justiciable sera-t-il parfaitement informé de cette méthodologie ? Et plus globalement, est-il souhaitable de confier un processus contentieux entier à des algorithmes ?

A nouveau, le référentiel fournit une réponse claire: « un traitement algorithmique (...) n’est utilisé que comme un outil d’aide au rapprochement ou à la prise de décision ». La preuve du consentement express du Justiciable à l’usage d’un traitement algorithmique sera également exigée. Enfin, la plateforme devra justifier de la plus grande transparence de l’utilisation d’algorithmes et de leur importance dans le résultat obtenu.

En conclusion

Le Ministère a réussi à réunir un bon nombre d’acteurs du Droit et de la Certification, et à produire le référentiel dans les délais impartis, malgré les aléas de l’année 2020. 

C’est une première étape franchie avec succès !

Reste à savoir si cette Certification, qui demeure non-obligatoire, sera plébiscitée par les fondateurs de plateformes, et identifiée par le public.

Il est néanmoins certain que ce décret aura un réel impact par la création d’un référentiel sur des notions fondamentales des MARD (confidentialité, indépendance, impartialité, diligence, respect du périmètre du droit …) tant pour les acteurs du du droit en ligne, de la legaltech, que ceux de la médiation et l’arbitrage « traditionnels ».

Les exigences de formation, liées à celles de la compétence et de l’intervention d’un tiers dans l’utilisation des algorithmes nous rappellent, si besoin était, que l’Arbitrage nécessite une solide base juridique et une forte expérience, et que la Médiation, qui est par essence liée à la relation, est un processus basé sur le respect d’un process structuré qui ne s’improvise pas.

Médiateurs, Arbitres: qu’en pensez-vous ?

Sophie Henry. Déléguée générale du CMAP et Marjolaine Ratier, Responsable Communication & Marketing du CMAP


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