Voitures autonomes et responsabilité

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philippe glaserPhilippe Glaser, associé chez Taylor Wessing apporte son éclairage sur la responsabilité des véhicules autonomes.

Depuis plusieurs années, la France a fait des véhicules autonomes (véhicules à délégation partielle ou totale de conduite – VDPTC) un enjeu majeur. Les nombreux rapports dont le dernier de Madame Idrac, Haute responsable pour la stratégie nationale du développement des véhicules autonomes, ne manquent d’ailleurs pas d’évoquer la nécessité de favoriser la mobilité au travers de ces véhicules au moment où certains Etats ont déjà adopté des législations spécifiques (États-Unis, Canada, Royaume-Uni…).

Conscient de ce défi, le législateur avait décidé lors du vote de la loi du 17 août 2015 d’habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure de nature à permettre la circulation sur la voie publique de VDPTC, qu'il s'agisse de voitures particulières ou de véhicules de transport de personnes ou de marchandises, à des fins expérimentales.

L'ordonnance du 3 août 2016 a ainsi créé un régime d'autorisation de circulation sur des portions limitées de voies publiques et spécifique à l'expérimentation de VDPTC.

Le décret du 28 mars 2018, pris en application de cette ordonnance, a précisé les conditions de circulation des VDPTC aux fins d’essais techniques ou d’évaluation de leurs performances en suite d’une autorisation de diverses autorités limitée à deux ans et répondant à des conditions fixées par un arrêté du 17 avril 2018.

Le décret a prévu que les VDPTC devront être équipés d’un dispositif d’enregistrement permettant d’une part de savoir à tout instant si le véhicule est en mode de délégation partielle ou totale et d’autre part de conserver les données enregistrées au cours des cinq dernières minutes précédant un accident.

L’autorisation donnée permet au « conducteur » de se trouver à l’extérieur du véhicule à la condition de pouvoir en prendre le contrôle à tout instant.

Le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (loi PACTE) vient de franchir une nouvelle étape après son adoption en première lecture à l’Assemblée Nationale le 9 octobre dernier et avant son passage au Sénat en principe en janvier 2019.

C’est plus particulièrement son article 43 modifiant l’ordonnance précitée de 2016 qui est venu donner de la consistance là où le sujet restait en l’état au simple stade expérimental.

La loi PACTE vient élargir la possibilité offerte par le décret du 28 mars 2018 puisque cette circulation sur la voie publique à des fins expérimentales est généralisée.

Le projet de loi prévoit en outre que le système de délégation pourra à tout moment être neutralisé ou désactivé afin de permettre au conducteur de prendre l’entière possession du véhicule, étant précisé que le législateur confirme que le conducteur pourra se trouver en dehors du véhicule.

Dans ce cas, il est prévu que ce conducteur "extérieur" sera prêt à tout moment à prendre le contrôle du véhicule, afin d'effectuer les manœuvres nécessaires à la mise en sécurité du véhicule, de ses occupants et des usagers de la route.

En l’état des textes, le Code pénal serait ainsi modifié, de sorte que les contraventions liées au non-respect du Code de la route resteraient à la charge du titulaire de l’autorisation des essais.

De même, en cas de dommage corporel, le projet prévoit que le titulaire de l’autorisation, en cas d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité d’une personne, aurait à répondre sur le plan pénal des conséquences de l’accident dans l’hypothèse d’une faute liée à la mise en œuvre du système de délégation de conduite.

Cependant, le conducteur restera responsable sur le plan pénal pendant le temps d’activation du système de délégation s’il est acquis que ce conducteur a ignoré la circonstance évidente que les conditions d'utilisation du système de délégation n'étaient plus remplies.

S’agissant de l’indemnisation des victimes, le texte est muet, sans doute parce que le Conseil d’Etat, dans son avis du 14 juin dernier, avait considéré que les dispositions protectrices de la loi Badinter du 5 juillet 1985 s’appliqueraient en tout état de cause.

Philippe Glaser, associé chez Taylor Wessing


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