Géolocalisation dans les enquêtes judiciaires : Pierre-Olivier Sur dénonce un "Patriot Act à la française"

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Pierre-Olivier Sur, bâtonnier de Paris, juge dangereux "de voir s'immiscer dans notre système juridique une sorte de Patriot Act à la française" avec la loi de programmation militaire mais aussi avec le projet de loi du gouvernement sur la géolocalisation qui vient d'être adopté par le Sénat.

Le Sénat a adopté en première lecture, le 20 janvier 2014, le projet de loi du gouvernement sur la géolocalisation permettant au procureur de la République de localiser un téléphone mobile sans contrôle d'un juge pour une durée de huit jours dans le cas d'"un crime ou à un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à cinq ans ou, s’il s’agit d’un délit prévu par le livre II du code pénal [atteinte aux personnes], d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à trois ans ou à des procédures prévues aux articles 74 à 74-2 et 80-4". Ce n'est qu'à l’issue de ce délai de huit jours consécutifs, que ces opérations sont autorisées par le juge des libertés et de la détention à la requête du procureur de la République.

Dans un communiqué du 21 janvier 2014," l'Ordre des Avocats de Paris regrette que cette disposition initialement prévue pour la grande délinquance organisée et le terrorisme, ait été ouverte à la poursuite d'autres infractions, banalisant ainsi un dispositif conçu pour ne s'appliquer que de façon très exceptionnelle... Il se montrera donc vigilant contre toute atteinte portée aux libertés publiques."

"Pour Pierre-Olivier Sur, bâtonnier de Paris, « le danger est de voir s'immiscer dans notre système juridique une sorte de Patriot Act à la française. Avec la loi de programmation militaire, adoptée en décembre 2013, tout citoyen peut désormais être "tracé", par exemple par l'administration fiscale avec un minimum de gardes fous. Ce nouveau projet de loi "géolocalisation" ajoute de nouvelles formes d'enquête hors de tout contrôle du juge. Il est donc urgent de rétablir dans ce projet de loi le rôle du Juge des Libertés et de la Détention qui, seul, car parfaitement indépendant, doit pourvoir autoriser en amont et contrôler en aval la procédure de géolocalisation ». Avec ce projet de loi, un procureur pourrait en effet autoriser les enquêteurs à intercepter des communications et à localiser un téléphone mobile sans contrôle d'un juge pour une durée de huit jours."

Cependant, "le Barreau de Paris constate que les sénateurs ont fait preuve de sagesse en adoptant un amendement ramenant la durée pour la géolocalisation arbitraire d'un téléphone mobile de 15 à 8 jours - contre l'avis du Gouvernement" mais "regrette en revanche que le gouvernement ait à nouveau ouvert la localisation en temps réel pour les délits prévus au livre II du code pénal (atteinte aux personnes) punis de plus de 3 ans d'emprisonnement alors que le projet de loi la réservait aux délits susceptibles de plus de 5 ans".

Pour Pierre-Olivier Sur, "il faut être extrêmement vigilant. Le principe légitime de la « sécurité nationale » ne saurait justifier un tel recul des libertés publiques grâce aux moyens numériques de surveillance des citoyens."

Enfin, l'Ordre des Avocats de Paris indique qu'il "suivra avec attention la suite des débats sur le projet de loi « Géolocalisation », qui devrait être transmis prochainement à l'Assemblée nationale et maintiendra sa demande forte de confier à un magistrat du siège le contrôle de cette nouvelle procédure d'enquête" et "s'impliquera dans le débat qui s'ouvre sur les libertés numériques et leur valeur constitutionnelle".


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