Les magistrats déposent une plainte contre la France devant la Commission pour manquement à la législation de l’UE en matière de droit du travail applicable aux magistrats

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A l’occasion d’une conférence de presse qui s’est tenue le 9 février à l’initiative des organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires du ministère de la justice (USM, SM, UNSA, CGT et CFDT), *des syndicats et associations professionnelles de magistrats ont annoncé le dépôt d’une plainte contre l’État français devant la Commission européenne pour manquement à la législation de l’Union européenne en matière de droit du travail applicable aux magistrats.

Cette plainte intervient deux mois après la publication de la tribune dans le journal Le Monde, signée par deux tiers des magistrats, des greffiers et des auditeurs de justice déplorant leurs conditions de travail et le manque de moyens, qui avait engendré une mobilisation nationale inédite du monde judiciaire le 15 décembre 2021.

Par ailleurs, le 25 janvier dernier, les syndicats représentés au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du ministère de la Justice ont voté à l’unanimité « une demande d’expertise sur le risque grave auquel sont exposés les agents ». A ce jour, la Chancellerie, qui a deux mois pour répondre, ne l’a pas encore fait.

S'agissant de la plainte, la Commission européenne a la possibilité de demander des explications à la France, qui aurait alors 70 jours pour répondre. En cas d'absence de réponse ou de réponse non satisfaisante, la Commission peut mettre en demeure l'État français voire introduire un recours en manquement auprès de la Cour de justice de l'Union européenne.

En septembre 2021, la France dispose de 9.285 magistrats professionnels dont 8.511 en juridiction selon la direction de services judiciaires. De même, elle compte 10,9 juges pour 100.000 habitants, contre une médiane européenne de 17,7 et une moyenne de 21,4, selon les chiffres du rapport 2020 de la CEPJ. « Cette situation rend impossible le respect du droit de l’UE concernant les temps de repos et les amplitudes horaires maximales pour les magistrats », soulignent les plaignants.

Au moins 1.350 magistrats supplémentaires pour respecter le droit de l’UE

 Le droit de l’Union Européenne prévoit des garanties minimales en matière de temps de travail et de repos :

- La durée hebdomadaire de travail effectif ne peut excéder 44 heures en moyenne sur une période quelconque

de douze semaines consécutives,

- Le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à 35 heures,

- La durée quotidienne de travail ne peut excéder 10 heures, avec une amplitude maximale journalière de 12 heures et un temps de repos minimal quotidien de 11 heures.

Ces garanties s’appliquent à toutes les catégories de travailleurs français, sauf exception. Aucun texte ne prévoit d’exception pour les magistrats français

Or, « les audiences commencent à 13 heures et se poursuivent tard dans la nuit, les magistrats travaillent pendant leurs week-end, pendant leurs congés, renoncent à se former…» affirme la Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature. « Il est fréquent et habituel que des magistrats travaillent plus d'une cinquantaine d'heures par semaine »« depuis de très nombreuses années, les magistrats judiciaires se voient refuser les garanties minimales en matière de repos prévues par le droit de l'UE », indiquent les syndicats dans la plainte.

Enfin « le respect des temps de repos prévu par le droit de l'UE obligerait à lui seul la France à recruter environ 15% de magistrats en plus (soit au moins 1.350 magistrats supplémentaires) ».

Arnaud Dumourier (@adumourier)

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*Le Syndicat de la magistrature, l’Union syndicale des magistrats, l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF) et l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI)


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