Nicole Belloubet veut créer une « justice pour l'environnement »

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Dans le cadre d'un projet de loi sur le parquet européen et la justice pénale spécialisée présenté en Conseil des ministres le 29 janvier 2020, la ministre de la Justice Nicole Belloubet propose de créer une véritable justice pour l'environnement afin de lutter contre les atteintes à l'environnement en instituant des juridictions spécialisées et en apportant des réponses judiciaires nouvelles, notamment avec la convention judiciaire écologique.

A l'occasion du colloque Justice et environnement organisé à l'Assemblée nationale jeudi 30 janvier 2020 par la députée de Haute-Marne Bérangère Abba, la ministre de la Justice Nicole Belloubet a précisé sa réforme de la justice environnementale contenue dans le titre II chapitre V du projet de loi relatif parquet européen et à la justice pénale spécialisée qui sera examiné au Sénat fin février. Cette réforme s'appuie sur propositions formulées dans le rapport « Une justice pour l’environnement » commandé au Conseil général de l’environnement et du développement durable et à l’Inspection générale de la justice par la garde des Sceaux et la ministre de la Transition écologique et solidaire.
« Nous créons dans ce texte une justice pour l'environnement. Elle est construite en première instance sur trois niveaux afin de répondre à une triple exigence : proximité, qualité, efficacité », a déclaré Nicole Belloubet.

Justice de proximité

Ainsi, pour la préservation du cadre de vie des français, il s'agit de conforter la justice de proximité.
Les affaires qui concernent la vie quotidienne des Français et des élus locaux : décharges sauvages, permis de construire illégaux, infractions à la réglementation sur la pêche ou la chasse, pollutions visuelles et sonores par exemple, seront jugées par les tribunaux judiciaires dans chaque département. Quand plusieurs tribunaux judiciaires existent dans un même département, un tribunal pourra être spécialisé pour ce contentieux comme le permet la loi de programmation et de réforme de la justice du 23 mars 2019.

Spécialisation des juridictions et des magistrats

Pour la protection contre les atteintes graves ou la mise en péril de l’environnement, une juridiction spécialisée par cour d’appel sera créée. Pour la ministre, « il s'agit d'une avancée majeure ». Ces juridictions pour l’environnement auront vocation à traiter, par exemple, les pollutions d’effluents ou des sols par des activités industrielles, les infractions au régime des installations classées qui dégradent l’environnement, les atteintes aux espèces ou espaces protégés, les infractions à la réglementation sur les déchets industriels…

Les magistrats qui dirigent ces enquêtes et ceux qui jugeront les affaires seront spécialisés. L'objectif est de raccourcir le délai de traitement de ces procédures, qui actuellement n’est pas satisfaisant, mais aussi de mieux maîtriser la technicité du droit applicable.
« Ce niveau de ressort des cours d'appel nous permet d'allier des exigences d'efficacité et de qualité par la spécialisation tout en conservant un degré de proximité », a souligné Nicole Belloubet.

En ce qui concerne les accidents industriels causant des victimes multiples (de type Lubrizol) ou pour les risques technologiques majeurs (activités nucléaires), les pôles interrégionaux basés à Paris et à Marseille, resteront compétents.

Création d’une convention judiciaire écologique

Pour la ministre, « il n'est plus acceptable de causer un préjudice écologique, de s'affranchir des règles qui permettent de préserver la santé et le cadre de vie de nos concitoyens ». L’enjeu principal en cas d’atteinte à l’environnement est de restaurer l’état initial et d’éviter une nouvelle infraction. Et de le faire vite pour éviter une aggravation ou une réitération.
Une nouvelle réponse judiciaire est créée pour intégrer des mécanismes de compensations ou de réparations environnementales ou encore de correctifs sous le contrôle d’un garant : la convention judiciaire écologique. 
Son dispositif est inspiré de la Convention judiciaire d'intérêt public (CJIP). L'objectif est « d'améliorer l'efficacité de la lutte contre la corruption »
Elle est adaptée au traitement judiciaire des affaires dirigées contre des personnes morales, à enjeu financier important.
Elle permet :
- d’obtenir une réponse rapide car elle s’appuie sur une reconnaissance de responsabilité de l’entreprise ;
- la mise en œuvre de réparations ou compensations environnementales ;
- de mettre en place des mécanismes correctifs et d’éviter que l’infraction (pollution par exemple) ne se reproduise.

Par ailleurs, le texte prévoit de développer les peines de travaux d’intérêt général (TIG) en matière d'environnement et de développement durable.
« La création de postes de TIG environnement et développement durable participe de la sensibilisation des personnes placées sous main de justice aux enjeux écologiques. Elle permet également d’oeuvrer à l’insertion sociale par le biais de réseaux locaux d’économie circulaire et solidaire susceptibles de constituer des débouchés professionnels. Elle permet enfin que la peine soit utile à la société, par le bais d’actions qui contribuent à l’amélioration du cadre de vie (opérations de nettoyage, de recyclage…).»

Arnaud Dumourier (@adumourier)


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