Digitalisation de l’immobilier (Première partie)

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De toutes parts, la digitalisation pénètre l’immobilier. Alors que l’on a souvent opposé ces deux mondes, l’immobilier se transforme avec allant, et le droit comme les juristes participent à ce mouvement. Peu de secteurs restent à l’écart de cette tendance. La législation ou des initiatives privées bouleversent la gestion locative touristique, privé ou HLM, la transaction ou encore le property management, sans même parler de la construction.

Il semble bien loin le temps où l’immobilier faisait figure de mauvais élève en matière de digitalisation. Si la profession a pris le train en marche, le retard a, pour le moins, été comblé au pas de course. Quelle soit la direction dans laquelle se pose notre regard, le "i" de : immobilier renvoie souvent au "e" de l’anglais electronics.

La "E" tendance se manifeste de toutes parts suscitant engouement et émulation, tant est si bien qu’un label a été créé pour soutenir l’innovation dans l’immobilier le Real Estech, un autre clin d’oeil linguistique.
De nouveaux métiers apparaissent, des produits et services innovants sont sans cesse proposés, par des nouveaux venus, ou des acteurs traditionnels qui ont su profiter du vent du changement pour gonfler leurs voiles. Le droit et les juristes ne sont pas en reste, loin s’en faut, et participent à ce mouvement à juste titre.

Une tendance endémique

Les politiques publiques témoignent du phénomène, à l’instar de la prochaine grande loi logement, dénommée Elan pour « évolution du logement et aménagement numérique ». L’une des mesures phares du texte prévoit l’instauration un bail numérique (Article 53 projet déc. 2017), avec un contrat de location dématérialisé et signé électroniquement.
Si l’on fait abstraction de la dimension statistique que pourrait revêtir cette mesure, qui suscitera probablement la discussion, l’initiative s’apparente à une reformulation particulière de l’existant.
Des sites, animées par des legal startup, proposent déjà des contrats de location en ligne comme la réalisation des états des lieux. Ces E conventions disposent de la même force juridique que les écrits papier, conformément aux dispositions du Code civil, donnant depuis les années 2000 un cadre légal à l’usage de contrat numérique, la signature électronique et la force probatoire de ces actes
électroniques.

D’ailleurs, depuis 2006 les notaires peuvent utiliser des actes authentiques dématérialisés. Le processus s’articule autour de l'utilisation d'un certificat électronique délivré par un prestataire de services de certification agréé, et un minutier central stockant les actes, dénommé le Micen, localisé près de Aix-en- Provence, placé sous l’autorité Conseil supérieur du notariat.
En amont, les agents immobiliers sont également à l’œuvre. La toile a permis l’arrivée de E intermédiaires à bas coût ou encore de ce qu’on appelle les virtual brokers. Les sites proposant à la vente font florès depuis longtemps déjà, et il semble bien que le contact client soit en passe de se dématérialiser puisque selon la FNAIM : "Le développement des visites virtuelles liées à la géolocalisation commence à permettre des consentements sans visite physique." (Expression Acheter-Louer- fr N°59 Nov. /Déc. 2017).

Touchant aussi bien la transaction, la gestion que le property management

En matière de gestion locative, les bailleurs sociaux s’activent autour du projet de l’organisme HLM 4.0 (Congrès Union Social pour l’Habitat de septembre 2016), et pour ce qui est de la copropriété, la loi Alur (2014) a ouvert la voie à la dématérialisation des documents relatifs à la gestion de l’immeuble, et de certains actes comme la convocation aux assemblées générales par lettre recommandée électronique.
Nous n’en sommes pas encore à des assemblées de copropriétaires virtuelles par visio-conférence.
Cependant à terme rien ne s’y oppose vraiment, et cela pourrait représenter un vrai moyen de lutter
contre certains maux, comme l’absentéisme et l’abstentionnisme.

La mutation numérique de l’immobilier est venue aussi de l’extérieur, en particulier de l’univers disruptif des startup.
L’exemple le plus représentatif est celui de la célèbre plate-forme californienne de locations touristiques en ligne, Airbnb. En parallèle d’un discours en faveur de l’économie de partage, le recours à Internet pour la mise en relation du bailleur et du locataire a révolutionné les pratiques
tout en faisant émerger de nouveaux marchés très porteurs.
Le succès a été tel qu’il a fait des émules pour le moins inattendus. Pour mémoire, la loi pour une République numérique (2016) réglemente ces locations, et impose au bailleur dans les villes comme Paris une déclaration d’activité, à effectuer en ligne, qui s’accompagne d’obligations déclaratives
numérisées à la charge des plateformes de location.

Le phénomène de digitalisation de l’immobilier est encore plus lorsque l’on s’intéresse à la construction et au BIM (voir Partie II : Numérisation de l’immobilier et le droit : le BIM véritable changement de paradigme).

David Richard, Avocat à la cour – Docteur en droit, Lex Terra Avocat


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