Pour une justice de qualité, accessible, moderne et lisible, au service des justiciables

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Tribune du Comité JUREM, les Juristes En Marche, forum de discussion interprofessionnel rassemblant les juristes de toutes professions (magistrats, avocats, juristes d’entreprise, notaires, universitaires, etc.) autour des questions de droit et de Justice. Il est affilié à La République En Marche.

En matière de justice, le constat est amer et partagé : pendant des décennies, le Ministère de la Justice a été le parent pauvre des politiques publiques.

Un signal fort a toutefois été adressé dès 2018 : le budget de la Justice a été augmenté de près de 4% et 1.000 postes supplémentaires ont été créés. Une loi de programmation est en cours de préparation afin d'inscrire cet effort dans la durée.

Cet effort, qui est celui des Françaises et des Français, ne saurait toutefois produire les effets escomptés si l’institution judiciaire et les procédures ne sont pas puissamment et globalement réformées.

Le 5 octobre 2017, le Gouvernement lançait les chantiers de la Justice. Il confiait à cinq binômes composés de magistrats du siège et du parquet, de professionnels du droit et d’universitaires, la mission de penser la justice de demain autour des quatre thèmes clés : la transformation numérique, l’amélioration et la simplification de la procédure pénale et civile, l’adaptation du réseau des juridictions, et le sens et l’efficacité des peines.

Chaque binôme a présenté, le 15 janvier 2018, ses propositions, disponibles sur le site du Ministère de la Justice. Il suffit de consulter ces travaux pour se convaincre de la richesse de la démarche et de l’esprit d’ouverture dont elle fait preuve. Depuis, les échanges se poursuivent par des discussions constantes, franches et transparentes entre le Ministère et les représentants institutionnels des différentes professions concernées, avant le débat parlementaire qui s’engagera au printemps. Par une savante ironie, certains reprochent néanmoins au Gouvernement de ne pas avoir arrêté le détail de la réforme avant de les avoir consultés…

L’accès à la Justice, sa lisibilité, sa modernisation sont des valeurs partagées par la communauté des juristes. Reste maintenant à en déterminer les modalités. Les lignes directrices de la réforme se dessinent et doivent susciter l’approbation.

Elles envisagent notamment d’adapter le réseau des juridictions, qui ne reflète plus la carte actuelle des régions. Certaines comptent désormais quatre cours d’appel, parfois distantes d’à peine 57 kilomètres, pour des attributions strictement identiques. Dans le même temps, certaines cours d’appel ont autorité sur des tribunaux relevant d’autres régions. Il convient donc de redessiner, à périmètre constant, et sans fermeture de sites – combien de fois faudra-t-il le répéter ? – le paysage judiciaire afin qu’il corresponde mieux à la réalité du terrain.

Au-delà, il faut repenser les attributions de ces juridictions. Les contentieux du quotidien (pénal, affaires familiales, travail) doivent naturellement rester au plus proche du citoyen. Mais d’autres, plus spécialisés ou plus complexes – et ils sont de plus en plus nombreux (droit de la construction, propriété intellectuelle, droit maritime, etc.) – doivent être confiés à des formations spécialisées. C’est une opportunité de créer, localement, des pôles d’excellence juridique dans des matières déterminées, associant facultés, tribunaux et professionnels du droit au développement de ces filières d’expertise. C’est l’inaction dans ce domaine qui serait le fossoyeur des tribunaux de proximité, débordés de toutes parts par un contentieux toujours plus fourni sans que les ressources judiciaires puissent être proprement allouées. Nous ne pouvons nous y résoudre.

Ces chantiers de la justice embrassent également la volonté de moderniser les procédures civile et pénale, qui ne sont pas immuables et doivent tenir compte de l’évolution du droit, des litiges et des outils techniques. 

Pour cela, la procédure de première instance doit retrouver tout son sens, et ne plus être une simple étape dans le cadre d'un cheminement judiciaire long et complexe. Il faut par exemple imposer aux parties de soulever, dès la première instance, tous leurs arguments, et préconiser un principe d’exécution provisoire de droit de ces décisions.  

Ce projet veut aussi promouvoir les modes alternatifs et amiables de règlement des conflits, en particulier la médiation. C’est une orientation que nous saluons, car nous sommes convaincus qu’elle participera d’une justice apaisée, contribuera à désengorger les tribunaux et permettra une meilleure affectation des ressources judiciaires. 

Enfin, la transformation numérique offre des opportunités nouvelles au service du justiciable, en permettant notamment la dématérialisation des demandes d'aide juridictionnelle ou en assurant la promotion des alternatives à l'emprisonnement. En organisant récemment un "hackathon" pour encourager le recours aux travaux d’intérêt général, le Ministère de la Justice a démontré son ambition d’assurer, grâce à un outil numérique, une meilleure adéquation entre les peines d’intérêt général et les besoins et les offres recensés. Pour y parvenir, le Gouvernement s'attelle à accompagner au mieux les justiciables démunis face à ces nouveaux outils.

Le débat sur les chantiers de la Justice ne doit donc pas opposer les rétrogrades aux cyniques et mérite mieux que des caricatures. Il est, au contraire, une occasion unique de repenser dans son ensemble la Justice française afin de lui donner les moyens d’être au service des justiciables. 

Le Comité JUREM*

Romain Dupeyré (Avocat)

Alexia Boursier (Avocate)

Pierre-Benoît Pabot du Chatelard (Avocat)

Christine Méjean (Avocate)

Julien Moehrmann (Juriste d’entreprise)

Timothé Kieffer (Responsable juridique)

Mahel Sifer (Etudiant en droit)

François Campana (Juriste)

Boris Stoykov (Directeur juridique)

Thomas Rodriguez (Avocat)

Valérie Gauthier (Avocate)

*Le Comité JUREM, les Juristes En Marche, est un forum de discussion interprofessionnel rassemblant les juristes de toutes professions (magistrats, avocats, juristes d’entreprise, notaires, universitaires, etc.) autour des questions de droit et de Justice. Il est affilié à La République En Marche.


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