Journal Africain du Droit des Affaires : interview d'Achille Ngwanza

Interviews
Outils
TAILLE DU TEXTE

Achille Ngwanza - Enseignant chercheur en droit privéAchille Ngwanza est ATER (enseignant chercheur) en droit privé et secrétaire général de Cercle Horizon, une association qui a pour but  la promotion et la vulgarisation du droit OHADA.

Pour promouvoir et diffuser le droit africain en dehors de l'OHADA, il décide de fonder une revue, le JADA, et lui trouve un slogan percutant : "le JADA c'est l’Afrique du droit qui parle du droit de l’Afrique".

 

 

D’où vous est venue l’idée de cette revue ?

C’est venu d’une observation et d’une pratique du droit des affaires en Afrique, étant moi-même doctorant dont la soutenance était imminente, j’ai dû me confronter à la rareté des sources. Dans beaucoup de matières, on a de la peine à trouver suffisamment de revues qui fassent des analyses de fond sur le droit des affaires en Afrique. J’ai éprouvé la nécessité de compléter le travail d’une institution comme l’OHADA, en mettant au jour un outil à la fois pour les praticiens et les théoriciens du droit mais qui serait ciblé sur les Modes Alternatifs de Règlement des Conflits (MARC), le droit des investissements et le droit des affaires. Avec le soutien d’un certain nombre d’universitaires et de praticiens qui ont cru à l’idée, j’ai pu constituer un comité scientifique qui m’a permis d’avoir une équipe suffisamment solide pour me lancer. Le support électronique a été choisi en raison de la faiblesse des coûts et de la capacité à atteindre une plus grosse cible. En Afrique, il existe des revues papier mais dont l’acheminement est difficile à cause de coûts élevés de distribution ; il en découle qu’un certain nombre d’articles de qualité ne sont pas connus, affaiblissant ainsi les capacités de recherche et de connaissance de la doctrine et la jurisprudence sur le droit africain.

Comment s’est constitué le comité scientifique ?

Pour monter un comité scientifique, il faut des personnes qui font autorité dans leur domaine et plus particulièrement dans le domaine que vous avez choisi de traiter. C’est sur cette base là que j’ai réussi à mobiliser beaucoup de personnalités. Si vous allez sur le site vous verrez qu’il y a un critère additionnel qui est singulier : c’est celui de la diversité des nationalités ; parce que je veux une revue qui se nourrisse à la fois des plumes africaines et de celles venues de l’extérieur, il était important d’avoir un comité scientifique cosmopolite. Ce n’est qu’à ce prix que l’on arrive à une doctrine suffisamment riche et diversifiée, d’autant plus qu’aujourd’hui on est en permanence dans des échanges mondialisés.

Vous avez des conseillers à la rédaction, quel est leur rôle ?

Comme leur nom l’indique, leur rôle est de conseiller. Il ne faut pas perdre de vue qu’au delà de l’aspect revue, le JADA se positionne comme une vitrine d’actualité législative, une vitrine d’information sur les formations, une vitrine de débats. En tant que tel il s’agit à la fois d’apporter toute suggestion utile dans les choix des thèmes à débattre. Ils orientent par leur suggestion les thématiques, le choix des intervenants et ils nous indiquent toute stratégie commerciale qui permettrait une meilleure visibilité du JADA.

Vous faites un appel à contribution via le site www.jadaf.fr, quel est le processus de publication de ces contributions ?

Chaque fois que nous recevons une contribution elle passe devant le comité scientifique. C’est aussi pour cela que notre comité scientifique est très important. C’est une question de crédibilité, le JADA ne peut pas se permettre de publier des feuilles de choux, au risque de passer pour un journal peu sérieux et dont la scientificité est douteuse.

Le premier numéro du JADA était consacré aux modes alternatifs de règlement des conflits en OHADA... Pensez-vous toujours prendre un thème ?

Oui le premier numéro était thématique, ce sont les actes d’un colloque que j’avais organisé dans le cadre de mes fonctions de secrétaire général de Cercle Horizon. Pourquoi ce choix ? Parce que comme je vous l’ai dit nous allons cibler un certains nombre de disciplines à savoir : les MARC et le droit des investissements. Ce sont des matières dont l’essor n’est plus discutable aujourd’hui mais qui ne sont pas suffisamment connues de l’Afrique, il n’existe pas beaucoup de spécialistes dans ces domaines en Afrique. Quand bien même, il y en a ils ne sont pas assez connus pour être nommés arbitres. Or les " étrangers " s’ils maitrisent ces disciplines, ne peuvent connaitre le fond, ils n’ont pas de connaissance précise du droit ougandais du droit kényan etc. Il faut permettre aux personnes qui connaissent ce droit de mettre leurs compétences au service des entreprises. Le prochain numéro dont la parution est prévue pour septembre, ne sera pas thématique, il obéira aux canons classiques d’une revue juridique avec de la doctrine, de la jurisprudence, une bibliographie, ainsi qu’éventuellement tout info à caractère législatif ou institutionnel pertinent. Pour la veille, nous avons mis en place une newsletter qui a commencé le 20 juillet 2011. L’accès à la newsletter est gratuit, la revue, elle, est payante. Nous avons des abonnements dont les tarifs varient suivant s’il s’agit d’une personne physique ou morale, publique ou privée. Nous avons aussi prévu de faire des tarifs préférentiels pour les Africains.

Comment délimitez-vous les pays d’Afrique auxquels le JADA va s’intéresser ?

Je parle de l’Afrique sans distinction. Si nous sommes partis sur l’espace OHADA c’est parce que c’est l’espace que nous connaissons le mieux. Mais dans mon approche il n’est pas question de discriminer nous ne parlons pas d’Afrique subsaharienne, nous parlons d’Afrique. Bien entendu il existe de grandes différences avec le Maghreb, le droit y étant d’inspiration musulmane, ça influe beaucoup sur la conception du droit mais nous connaissons déjà ce cas avec d’autres pays notamment le Sénégal. Néanmoins, nous voulons vraiment donner une dimension continentale au JADA, parce que la rareté des experts africains donc je parlais plus tôt existe sur tout le continent. Au CIRDI on constate un manque de représentation des arbitres africains (1%) alors que le continent représente 25% des conflits. Ca veut dire qu’ils sont absents de ce secteur alors même qu’ils sont concernés par ce contentieux. Les parties sont obligées de faire appel à une expertise extérieure ça ne devrait pas être le cas. Il faut se former.

Notre objectif majeur est donc de contribuer, au travers de notre revue, à créer des vocations, une littérature juridique, une formation juridique. Il appartient à la génération dont nous faisons partie de relever le pari de l’essor du jus africana.


Propos recueillis par Laura BUFFART


Lex Inside du 15 avril 2024 :

Lex Inside du 5 avril 2024 :

Forum des Carrières Juridiques 2024 : interview de Vanessa Bousardo, vice-bâtonnière de Paris