Les Etats membres sont tenus de protéger les oeuvres d’art sur le territoire de l’Union, indépendamment du pays d’origine de ces oeuvres ou de la nationalité de leur auteur.
Les Etats membres sont-ils libres d’appliquer la clause de réciprocité matérielle contenue dans la convention de Berne du 9 septembre 1886 aux oeuvres des arts appliqués originaires des pays tiers qui protège ces oeuvres seulement en vertu d’un régime spécial, alors même que le législateur de l’Union n’a pas prévu une telle limitation ?
Dans un arrêt du 24 octobre 2024 (affaire C-227/23), la Cour de justice de l'Union européenne répond par la négative : dans le champ d’application de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, les Etats membres ne sont plus compétents pour mettre en oeuvre les stipulations pertinentes de la convention de Berne.
Tout d’abord, la Cour précise qu’une situation dans laquelle une société revendique une protection par le droit d’auteur d’un objet des arts appliqués commercialisé dans un Etat membre, pour autant qu’un tel objet peut être qualifié d’"oeuvre", au sens de la directive 2001/29, relève du champ d’application matériel du droit de l’Union.
Ensuite, la Cour constate que le législateur de l’Union, en adoptant cette directive, a nécessairement pris en compte l’ensemble des oeuvres dont la protection est demandée sur le territoire de l’Union, la directive ne comportant d’ailleurs pas de critère relatif au pays d’origine de ces oeuvres ou à la nationalité de leur auteur.
La Cour ajoute que l’application de la clause de réciprocité matérielle contenue dans la convention de Berne remettrait en cause l’objectif de la directive 2001/29, consistant en l’harmonisation du droit d’auteur dans le marché intérieur, puisque, en application de cette clause, des oeuvres des arts appliqués originaires de pays tiers pourraient être traitées de manière différente dans différents Etats membres.
Enfin, la Cour souligne que, les droits de propriété intellectuelle en cause étant protégés par l’article 17, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute limitation à ces droits doit, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, être prévue par la loi. Or, c’est au seul législateur de l’Union qu’il appartient de déterminer s’il y a lieu de limiter l’octroi, dans l’Union, des droits prévus par la directive 2001/29.
Dans ces conditions, un Etat membre ne saurait se prévaloir de la convention de Berne pour s’exonérer des obligations découlant de cette directive.