« Il n’est Champagne que de la Champagne » … mais pas en Russie !

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Les professionnels du champagne français doivent faire face une nouvelle législation russe, leur imposant de ne plus traduire "champagne" en cyrillique, et d'utiliser l'appellation de "vin effervescent", reléguant le champagne au rang des mousseux, prosecco et autres vins à bulles. La loi russe réserve l'utilisation du terme "Champagne" aux vins pétillants russes. Clément Monnet, avocat spécialisé en propriété intellectuelle et contrefaçons au sein de cabinet Norton Rose Fulbright, décrypte pour Le Monde du Droit cette actualité.

Or l'appellation "Champagne" est protégée dans 120 pays à travers le monde. Pour continuer à protéger leur appellation, les professionnels du secteur, unanimes, en appellent aux diplomaties française et européenne pour qu'elles prennent contact avec les autorités russes. Le ministre des Affaires étrangères français assure qu'il va agir dans les jours qui viennent auprès de l'OMC.

Le Champagne est une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC). Une AOC est un signe officiel d’identification qui lie un produit à son origine géographique et le soumet à des règles de production et d’élaboration stricte. Ainsi, pour pouvoir prétendre à l’appellation « Champagne » ou « Vin de Champagne », un vin pétillant doit répondre à des règles très rigoureuses, qui font le prestige du « Champagne ». Les principales règles du Cahier des charges de l’AOC Champagne sont le respect d’une zone géographique strictement délimitée, des cépages particuliers, une limitation du rendement en raisons à l’hectare, un rendement au pressurage, un degré minimum d’alcool en puissance, à la vendange ou encore une deuxième fermentation en bouteilles et maturation sur lies pendant 15 mois minimum pour les non millésimés, 3 ans pour les millésimes…

Le Comité interprofessionnel des vins de Champagne (Comité Champagne) est en charge de la protection et de la défense dans le monde entier de l’AOC « Champagne ». Le rôle du Comité Champagne est de lutter contre toute utilisation abusive de la désignation « Champagne » en engageant des actions à l’encontre des sociétés qui cherchent à bénéficier de la notoriété du « Champagne » pour commercialiser d’autres produits (parfums, cosmétiques, boissons sans alcool) ou des producteurs de vins qui ne respectent pas le cahier des charges de l’AOC.

La protection juridique de l’AOC n’est pas limitée à la France mais s’étend à plus de 120 pays selon les informations du Comité Champagne.

Cela ne sera pas le cas de la Russie. En effet, selon une nouvelle loi russe du 2 juillet 2021, seuls les vins mousseux produits en Russie seront autorisés à apposer la mention « champagne » en cyrillique. Les maisons françaises du « véritable » Champagne devront quant à elle se contenter de la désignation « vin pétillant » en cyrillique.

Cette nouvelle mesure – clairement protectionniste – risque de contribuer à la dilution de l’appellation « Champagne » puisque des vins ne respectant pas le cahier des charges strict des vins de Champagne pourront être désignés sous l’appellation « Champagne » alors que les Champagnes AOC seront relégués au simple rang mousseux…Ce qui n’est pas acceptable pour le Comité Champagne qui a appelé à une discussion politique.

Cependant, en pratique, les effets de cette nouvelle loi peuvent – peut-être ? –  être nuancés :

  • La loi vise uniquement les mentions en cyrillique de la contre-étiquette du dos de la bouteille. De ce fait, si les maisons françaises devront effectivement adapter leurs bouteilles à destination de la Russie, elles conserveront toutefois le monopole de l’usage du terme « CHAMPAGNE » en alphabet latin sur leur étiquette, ce qui – d’un point de vue commercial et marketing – ne semble pas négligeable.

  • Le « champagne » russe n’est pas nouveau et remonte à l’époque soviétique. Les consommateurs russes semblent donc déjà habitués à faire la distinction entre le pseudo « champagne » russe et le prestigieux vin de Champagne.

Le Comité Champagne a annoncé une riposte. A suivre donc.

Clément Monnet, Avocat à la Cour, Norton Rose Fulbright LLP.


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