Anticiper la rupture dès la rédaction du contrat

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constancetilliard et sylvie gallage-alwis hogan lovellsDeux avocats de chez Hogan Lovells, Paris, Sylvie Gallage-Alwis et Constance Tilliard, nous offrent un éclairage sur l'organisation d'une rupture anticipée des relations contractuelles. Cet éclairage se décline en quatre volets dont voici le premier. Il est relatif aux précautions nécessaires à prendre, préalablement à cette rupture, afin d'éviter toute condamnation en responsabilité.

Le contrat est l'outil indispensable à l'encadrement juridique des relations commerciales entre deux entreprises. Il est la loi des parties qui y sont tenues mutuellement et ne peuvent donc en principe s'en dégager de façon unilatérale et anticipée. 

En pratique, il arrive cependant que l'une des parties souhaite rompre un contrat avant le terme fixé. Ceci ne peut se faire sans de grandes précautions pour éviter toute condamnation en responsabilité.

Il est possible d'anticiper ces hypothèses dès la rédaction du contrat en prévoyant des clauses qui permettent de se ménager la possibilité de rompre sans heurter la célérité de la vie des affaires.

Cet article a pour objectif d'exposer les possibilités d'aménagement contractuel de la rupture.

Trois articles à venir complèteront cette analyse par un exposé des instruments adaptés aux partenaires souhaitant mettre un terme à leur relation au cours de leur relation, ainsi que par des conseils pour mettre en œuvre ces options et pour gérer les relations post-contractuelles afin de minimiser au maximum toute conséquence négative.

 

Dans un contrat, une rupture peut être envisagée soit comme une sanction en cas de manquement contractuel de l'un des partenaires, soit comme une option discrétionnaire, sans avoir à justifier du bien-fondé de leur décision.

1. RUPTURE EN CAS D'INEXECUTION DE SON PARTENAIRE

Se donner la possibilité de sanctionner son partenaire en cas d'inexécution

Lorsque l'un des partenaires n'exécute pas ses obligations, la loi prévoit qu'il appartient au juge de constater ces manquements et de prononcer la résolution du contrat (article 1184 alinéa 3 du Code Civil).

Toutefois, afin d'éviter le recours au juge, processus souvent long et soumis à l'aléa judiciaire, les parties peuvent insérer une clause résolutoire dans le contrat. Cette clause permettra à la partie victime d'une inexécution contractuelle de mettre fin au contrat sans difficulté.

Faire preuve de précision lors de la rédaction de la clause

Afin d'être prises en compte par les juges, les clauses résolutoires doivent toutefois être expresses et dénuées d'équivoque. Il faut ainsi stipuler que le contrat sera résolu de plein droit, sans l'intervention judiciaire, par dérogation à l'article 1184 alinéa 3 du Code Civil. On spécifiera en outre le bénéficiaire de la clause et la façon dont il devra notifier l'autre partie de son manquement.

De même, il est préférable d'énumérer de façon précise les manquements contractuels qui permettront une rupture anticipée. Le non-respect d'une clause d'exclusivité ou le défaut de paiement répété d'une prestation peuvent ainsi être l'objet d'une clause résolutoire.

Enfin les partenaires pourront également décider de spécifier la gravité requise du manquement permettant de mettre fin au contrat, qu'il s'agisse d'une inexécution partielle ou totale, grave ou d'une moindre importance.

A l'inverse, la rédaction d'une stipulation prévoyant de manière large que l'inexécution de l'une quelconque des obligations du contrat permet d'y mettre fin à tout moment, bien que juridiquement valable, n'est pas souhaitable. Outre le fait qu'une telle stipulation affaiblit le contrat dans la mesure où elle ouvre d'infinies possibilités de rupture, elle sera sans doute interprétée de manière restrictive par les juges du fond qui ont un pouvoir souverain d'appréciation.

Il faut toutefois noter que les règles relatives aux contrats conclus avec les consommateurs sont différentes car il ne faut pas leur faire signer un contrat manifestement déséquilibré.

2. RUPTURE DISCRETIONNAIRE

Conserver sa liberté

Les parties peuvent également insérer une clause de résiliation unilatérale qui leur permettra de rompre le contrat à tout moment, quel que soit leur motif et indépendamment de toute inexécution contractuelle de l'un des partenaires.

Les parties peuvent également énumérer un certain nombre d'éléments objectifs qui permettront de déclencher la rupture. Ainsi, un changement de contrôle de la société, le changement de ses dirigeants, ou encore la perte d'un marché pourront autoriser la rupture.

Il est également intéressant d'anticiper les changements réglementaires et législatifs : les modifications de mesures fiscales avantageuses peuvent en effet aboutir à une perte d'intérêt financier du contrat pour l'une des parties.

Etre attentif aux conditions de validité de la clause

La clause ne doit pas introduire de déséquilibre significatif entre les partenaires (article L. 442-6, I, 2° du Code de Commerce). Il est dès lors vivement recommandé de bilatéraliser la faculté de résiliation unilatérale.

Une autre option consiste en la mise en place d'une indemnité qui compensera les conséquences financières de la rupture et le manque à gagner du partenaire la subissant.

Il est par ailleurs vivement recommandé de stipuler un délai de préavis, qui peut être croissant en fonction du nombre d'année d'exécution du contrat.

 

Constance Tilliard et Sylvie Gallage-Alwis - Hogan Lovells, Paris


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