Proposition de loi Besson-Moreau : comment rééquilibrer les relations dans l’agroalimentaire ?

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Le 4 mai 2021, le député de l’Aube Grégory Besson-Moreau a déposé une proposition de loi qui cherche à rééquilibrer les relations entre agriculteurs et distributeurs en matière agro-alimentaire, dans la continuité de la loi Egalim du 30 octobre 2018. Décryptage des principales mesures d’une proposition de Loi qui risque d’être âprement discutée.

Pour tenter d'augmenter les revenus des agriculteurs et de mieux répartir la valeur tout au long de la chaîne agro-alimentaire, le député Besson-Moreau propose de renforcer le formalisme des relations commerciales tant à l'amont qu'à l'aval.

L’obligation d’un contrat écrit entre producteur et acheteur

A l'amont, la conclusion d'un contrat écrit entre producteurs agricoles et premiers acheteurs deviendrait obligatoire, sauf accord interprofessionnel dérogatoire. La durée minimum de ces contrats serait de trois ans et la prise en compte d'indicateurs s’imposerait, que le prix soit ferme ou déterminable.

Les indicateurs (indicateurs de coûts de production, indicateurs de prix des matières premières agricoles, indicateurs liés à la qualité des produits), qui ont fait leur entrée dans le Code rural et de la pêche maritime avec la loi Sapin 2 (2016) puis dans le Code de commerce avec la loi Egalim (2018), devraient donc avoir encore de beaux jours devant eux. Les opérateurs économiques qui pensaient jusque-là pouvoir échapper à cette contrainte (soit en ne concluant pas de contrats écrits, soit en prévoyant des prix fermes) risquent bien d'être rattrapés par ce nouveau texte (d'ores et déjà baptisé "Egalim 2"), sauf à ce que, dans une filière donnée, tous les maillons de la chaîne parviennent à trouver un accord et conclure un accord interprofessionnel.

Exclure des négociations le coût des matières premières

A l'aval, une nouvelle convention écrite propre aux produits alimentaires serait créée, sans date butoir et avec une clause de révision automatique des prix en cours d'année en fonction de l'évolution des indicateurs pris en compte à l'amont. Il s'agirait d'un changement majeur dans les relations industrie-commerce puisqu'à ce jour, toute modification du prix convenu doit faire l'objet d'un accord des deux parties, après négociation entre elles.

Si de telles clauses de révision automatique du prix convenu devaient effectivement voir le jour, leur rédaction serait assurément un casse-tête pour les juristes tant leurs répercussions sur le plan opérationnel peuvent être importantes.

L'objectif recherché par le député Besson-Moreau n'est bien entendu pas de donner davantage de travail aux juristes mais de pouvoir exclure toute discussion sur le coût des matières premières agricoles des négociations entre industriels et distributeurs et ce, afin de garantir une juste rémunération aux agriculteurs.

Accroître la transparence entre les différents maillons de la chaîne

Cela passerait par une transparence accrue dans les négociations, avec une obligation, pour les industriels, de mentionner, dans leurs conditions générales de vente, le prix ou les modalités de détermination du prix payé pour l'achat de chaque matière première agricole entrant dans la composition de leurs produits (que celles-ci soient acquises directement auprès d'un producteur agricole ou auprès d'un intermédiaire, en France ou à l'étranger) ainsi que les modalités de prise en compte de ce prix d’achat dans l’élaboration du tarif proposé.

Reste à savoir si cette transparence accrue est compatible avec le droit de la concurrence, les distributeurs étant généralement eux-mêmes fabricants et donc concurrents de leurs fournisseurs via leurs produits à marques de distributeur.

L'ANIA, La Coopération Agricole, la FEEF et l'ILEC ont d'ores et déjà publié un communiqué conjoint en demandant à ce que la proposition de loi aille encore plus loin afin d'exclure toute négociation non seulement sur le coût des matières premières agricoles mais, plus globalement, sur le tarif du fournisseur. Il s'agirait, selon ces fédérations, du seul moyen de recréer de la marge et donc des revenus pour les agriculteurs.

A l'heure où les marges des distributeurs sont au plus bas, une telle mesure risque fort de conduire à des hausses de prix qui paraissent difficilement acceptables pour les français en cette période de crise.

L’équation est complexe et ce texte promet donc des débats animés à l'Assemblé nationale puis au Sénat.

Caroline Bellone-Closset, Avocate au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel


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