Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) sont des options qui confèrent à leurs bénéficiaires le droit de souscrire à des actions. Ils constituent un mode privilégié d’actionnariat salarié pour les entreprises en pleine croissance. Ces outils permettent, à terme, d’intéresser le salarié au capital de l’entreprise au sein de laquelle il exerce.
« Conserver de la trésorerie tout en intéressant les salariés à des prix avantageux »
Le principal intérêt des BSPCE est de permettre à leurs bénéficiaires de souscrire à des actions de l’entreprise à un prix inférieur à la valeur réelle de celle-ci. L’objectif du salarié va être de réaliser une plus-value en revendant ensuite les actions. Sous cet angle, souscrire à des BSPCE c’est simplement « parier sur le fait que la valeur de la société va augmenter » explique Maître Smadja, Avocat Associé chez DJS Avocats. Et, le gain espéré est d’autant plus grand que les BSPCE n’étant pas une rémunération, le salarié ne sera pas imposé selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu mais imposé à la flat taxe de 30% - dès lors qu’ils sont détenus depuis plus de trois ans.
Pour l’entreprise, les BSPCE représentent de multiples intérêts. D’abord, en intéressant les bénéficiaires au capital, ils constituent le meilleur moyen d’associer les salariés à la réussite de l’entreprise. Plus encore, ces salariés d’autant plus performants vont rester fidèles à celle-ci puisque l’exercice de ces bons est soumis à un calendrier d’exercice, dit « vesting », qui les oblige à s’y maintenir un certain temps. D’un point de vue financier, les BSPCE sont également très intéressants pour les entreprises puisqu'elles ne payent pas de cotisations sociales.
Dès lors, selon l’avocat « sur le papier, c’est idéal. Les BSPCE sont très attractifs parce qu’ils font converger les intérêts des salariés, avec un traitement fiscal de faveur et ceux de la société, avec la possibilité de mieux négocier la rémunération des salariés et donc de conserver de la trésorerie ». Grâce à ce dispositif, les entreprises préservent leurs fonds propres, tout en accordant un complément de rémunération aux dirigeants et salariés.
« Manque d’attractivité, décote opaque et manque de compréhension »
Souscrire à des BSPCE c’est donc parier sur l’avenir de l’entreprise. Le salarié ne réalise un gain qu’en revendant les actions à un prix supérieur à la valeur de souscription. La plus-value est par conséquent soumise à l’hypothèse d’une augmentation de la valeur de l’entreprise au cours de la période d’exercice. Encore, « l’intérêt des BSPCE n’existe que si le prix d’exercice [fixé lors de leur souscription] n’est pas cher » car, dans le cas contraire, le bénéficiaire ne pourra pas les exercer et rentrer au capital, ou alors sa plus-value sera dérisoire.
Pour remédier à ce manque d’attractivité, la Loi de finances pour 2020 a introduit la notion de « décote ». La décote permet à l’émetteur de proposer des BSPCE à un prix inférieur à la valeur réelle de l’entreprise et par conséquent, d’augmenter les chances de plus-value du salarié.
Cependant, jusqu’où les entreprises peuvent-elles aller ? Dans le silence des textes, le BOFIP a validé ce mécanisme tout en limitant, sans plus de précision, les droits résultants des BSPCE. La doctrine fiscale, elle, valide sans contrepartie une décote jusqu’à 30%. Le gain peut ainsi être considérable pour le salarié, si l’on oublie le risque d’une potentielle requalification en salaire si l’avantage concédé est trop important (comme cela a pu être jugé en matière de BSA) et, par conséquent, d’une imposition selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu. Autrement dit, « Ici on est dans un inconnu… Il n’y a pas de clarification ni de possibilité d’évaluer si l’on est sur le respect de la décote ou si l’on est dans une situation qui peut être requalifiée. Il va y avoir un contentieux à venir. » avoue Maître Smadja.
Encore, si la plus-value est latente, la vente elle-même n’est pas garantie. En effet, l’engagement contractuel auquel souscrivent les salariés peut subordonner la vente à certains évènements déterminés (levée de fonds, introduction en Bourse, rachat). Le mécanisme s’analyse alors comme une promesse unilatérale de vente, l’entreprise n’étant soumise à aucune condition de rachat. À l’inverse, le salarié peut être empêché de vendre dans certains cas (licenciement, révocation, démission) ou avant l’écoulement d’un certain délai. « Il existe donc un risque pour les salariés de ne pas avoir la possibilité de céder les actions qui résultent de l’exercice des BSPCE » ou alors ils pourront obtenir de leur entreprise qu’elle les rachète mais à rabais, met en garde l’avocat.
Maître David Smadja en conclut que « le mécanisme des BSPCE repose sur un partage de risque, un arbitrage. La perspective de gain est plus aléatoire mais le gain associé peut être plus important et fiscalement plus intéressant. C’est la raison pour laquelle il faut que les salariés aient recours aux conseils d’un avocat ».
Lisa Saccard