Nouvelles précisions sur l’efficacité des clauses de conciliation préalable : assouplissement des exigences rédactionnelles et application à une demande reconventionnelle

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Dans un arrêt du 30 mai 2018[1], la Chambre commerciale de la Cour de cassation a apporté d’intéressants éclaircissements sur le régime des clauses de conciliation préalable. 

En premier lieu, la Chambre commerciale semble revenir sur sa jurisprudence antérieure[2] pour l’aligner sur celle de la troisième chambre civile[3] en sanctionnant, par une fin de non-recevoir, le non-respect d’une clause de conciliation préalable pourtant non assortie de conditions particulières de mise en œuvre.

En l’espèce, la clause litigieuse prévoyait qu’« en cas de litiges, les Parties s'engagent à trouver un accord amiable, avec l'arbitrage de la FEDIMAG. A défaut d'accord amiable, compétence est attribuée au tribunal de commerce de Bobigny, nonobstant pluralité de parties ». Malgré sa rédaction sommaire, la Chambre commerciale a reconnu pleine efficacité à cette clause et approuvé la Cour d’appel d’avoir jugé qu’elle instituait une procédure de conciliation préalable obligatoire.

En second lieu, la Chambre commerciale précise que dès lors que la demande reconventionnelle était fondée sur un contrat, qui contrairement au contrat fondant la demande principale, prévoyait une clause de conciliation préalable, cette demande reconventionnelle devait, pour être recevable, être précédée d’une tentative de conciliation. En dépit de l’existence d’un ensemble contractuel et de l’instance en cours, la Chambre commerciale choisit ainsi de conférer pleine force obligatoire à la clause de conciliation préalable prévue dans le contrat fondant la demande reconventionnelle.

La Chambre commerciale rappelle enfin que la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du non-respect d’une clause de conciliation préalable n’est pas susceptible d'être régularisée en cours d’instance[4] . Le demandeur devra ainsi introduire une nouvelle instance après avoir respecté le préalable obligatoire de conciliation. Quant à la prescription applicable à cette nouvelle action, il est intéressant de noter que la Cour de cassation a récemment confirmé son interprétation de l’article 2243 du Code civil[5] : l’effet interruptif de prescription de la demande en justice est non-avenu lorsqu’elle est déclarée irrecevable[6] . Bien que la fin de non-recevoir sanctionnant le non-respect d’une obligation de conciliation préalable soit qualifiée d’irrecevabilité « en l’état » et que l’arrêt précité ne fasse aucune référence au caractère « définitif » de l’irrecevabilité, on peut craindre qu’une demande en justice formée en violation d’une clause de conciliation préalable ne soit pas interruptive de prescription[7] .

Rémi Kleiman, avocat associé, Sarah Monnerville Smith et Martin Brasart, avocats du cabinet Eversheds Sutherland

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NOTES

1 - Cass. com., 30 mai 2018, n° 16-26.403 et 16-27.691 ; M. Kebir, « Clause de conciliation préalable : application à une demande reconventionnelle », Dalloz Actualité, 20 juin 2018 ; N. Dissaux, « Demande reconventionnelle : gare aux clauses de conciliation préalable ! », AJ Contrats, 1er juillet 2018, n° 7, p. 338 ; B. Berlaud, « Conciliation préalable obligatoire et demande reconventionnelle », Gazette du Palais, 3 juillet 2018, n° 24, p. 36 ; S. Amrani-Mekki, « Exigence rédactionnelle minimale pour sanctionner, par une irrecevabilité, une clause de conciliation préalable », Gazette du Palais, 31 juillet 2018, n° 28, p. 52.

2 - Cass. com., 29 avril 2014, n° 12-27.004. Dans cet arrêt la Chambre commerciale avait décidé « que la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en oeuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci ».

3 - Voir notamment : Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-14.464 ; voir également : Cass. civ. 3, 16 novembre 2017, n° 16-24.642.

4 - Sur ce point, voir : Cass. ch. mixte, 12 décembre 2014, n° 13.19.684 ; voir également : Cass. civ. 3, 16 novembre 2017, n° 16-24.642.

5 - L’article 2243 du Code civil dispose : « L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée » (soulignement ajouté).

6 - Cass. civ. 2, 1er mars 2018, n° 17-10.942 ; voir auparavant : Cass. com., 26 janvier 2016, n° 14-17.952.

7 - Voir sur ce point, voir : J. Jourdan-Marques, « Prescription extinctive – Faut-il abroger l’article 2243 du Code civil ? », Procédures, n° 7, juillet 2016, étude 7.


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