COVID-19 : des audiences toujours possibles par visioconférence

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Frédéric Flatrès, associé en contentieux, Claire Poirson, associée en IP/IT et Mathilde Cousteau, counsel en contentieux, du cabinet Bersay reviennent pour Le Monde du Droit sur les récentes mesures prises par le Gouvernement ouvrant la possibilité des audiences faites par vidéoconférence.

De nombreuses entreprises pensent que la justice est paralysée pendant le confinement. Tel n’est pas nécessairement le cas.

Afin de permettre la continuité du service public de la justice et d’assurer les droits des justiciables, tout en luttant contre la propagation du COVID-19, le gouvernement a prévu la possibilité pour les juridictions de tenir leurs audiences par visioconférence (ordonnances du 25 mars 2020 et circulaire d’application du 26 mars 2020).

En matières civile, commerciale et administrative, les ordonnances donnent la possibilité pour les juges, les présidents de formation de jugement, ou  les juges des libertés et de la détention, de décider que leurs audiences se tiendront par un moyen de télécommunication audiovisuelle, si celui-ci permet d’assurer le respect des droits de la défense, en ce compris la garantie de la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats ainsi que l’identité des parties.

Les conseils des parties pourront intervenir à l’audience sans être physiquement à leur côté.

En matières civile et commerciale, la décision d’utiliser la visioconférence est insusceptible de recours mais oblige le juge à s’assurer du bon déroulement des échanges et à veiller au respect des droits de la défense ainsi qu’au caractère contradictoire des débats.

En matière administrative, la décision de tenir l’audience par visioconférence peut faire l’objet d’un recours, étant précisé qu’un tel recours n’est plus possible lorsque la visioconférence ne peut être mise en œuvre et qu’il est décidé de recourir à tout autre moyen de communication électronique, y compris téléphonique.

Enfin, il est également prévu pour toutes les juridictions pénales, autres que les juridictions criminelles, de recourir à un moyen de communication audiovisuelle, sans qu’il soit nécessaire de recueillir préalablement l’accord des parties. Le juge doit également organiser et conduire la procédure en veillant au respect des droits de la défense et en garantissant le caractère contradictoire des débats.

En pratique, la décision de recourir à la visioconférence est laissée à l’appréciation de chaque chef de juridiction et ne semble trouver application, en matière civile et commerciale, que pour les affaires déjà en cours.

Les parties et leur conseil seront entendus dans les mêmes conditions que les audiences présentielles. Le juge devra cependant s’assurer par tout moyen approprié de l’identité des intervenants, ces moyens n’étant pas précisés par les textes.

La visioconférence interroge en revanche sur les modalités de sa mise en place et les traitements de données personnelles qu'elle induit.

On peut en effet s’interroger sur les solutions techniques auxquelles les juges devront recourir pour tenir leurs audiences par visioconférence, qui devraient au minimum être certifiées par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI).

La garde des Sceaux a précisé lors de son audition par la commission des lois du Sénat le 9 avril dernier que 2.000 matériels de visioconférence ont d’ores et déjà été installés sur le territoire. Le moyen de télécommunication doit en tout état de cause permettre de s'assurer de l'identité des parties et garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats, obligations qui reviennent évidemment à la juridiction concernée.

Mais la principale inquiétude porte sur la préservation des droits de la défense, lorsque des audiences par visioconférence portent sur des contentieux où la représentation d’un avocat n’est toujours pas obligatoire. Se pose en pareille situation la question de la garantie notamment d’un accès pour les intéressés à l’intégralité de leur dossier ou encore de la présence d’un interprète.

En matière pénale, si les magistrats semblent avoir davantage recours au système de la visioconférence, c’est semble-t-il uniquement face à des individus subissant d’ores et déjà une mesure de privation de liberté, privation justifiant le renvoi automatique des audiences jusqu’à l’issue du confinement ne soit pas satisfaisant et que des visioconférences s’organisent avec le prévenu à la maison d’arrêt.

Enfin, outre la mise en place des audiences par visioconférence, des audiences de référés peuvent toujours être tenues dans la plupart des tribunaux de commerce, en cas d’urgence caractérisée. L’appréciation du caractère d’urgence devra être préalablement validée par le juge saisi par voie de requête en référé d’heure à heure.

De la même manière, la majorité des tribunaux de commerce peuvent, dès à présent, être saisis par voie d’assignations dématérialisées. Ce procédé permet à une partie de faire inscrire son affaire avant la fin du confinement et la réouverture des juridictions.

En définitive, si les juridictions sont comme le reste de la France en manque de moyens et frappés de plein fouet par l’épidémie de COVID-19, il faut souligner que le service de la justice continue et reste, avec des aménagements nécessaires, disponible auprès des justiciables.

Frédéric Flatrès, associé en contentieux, Claire Poirson, associée en IP/IT et Mathilde Cousteau, Counsel en contentieux, du cabinet Bersay


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