Les 100 premiers jours du Directeur Juridique

Interviews
Outils
TAILLE DU TEXTE

pierre giraud_150_150

Dans une interview accordée à la Rédaction du Monde du Droit, Pierre Giraud, Directeur juridique, revient sur les 100 premiers jours du Directeur Juridique.

Pierre Giraud exerce les responsabilités de Directeur Juridique dans des groupes industriels et commerciaux depuis plus de vingt ans. Il intervient également dans le cadre de missions en entreprise et anime des séminaires de management des Directions juridiques. Il est membre actif du Cercle Montesquieu et de l’AFJE.

pg@pierregiraud.fr
http://fr.linkedin.com/pub/pierre-giraud/b/a7a/852/

Les 100 premiers jours dans une nouvelle fonction de Directeur Juridique sont considérés comme étant la période cruciale pour diagnostiquer, proposer et se positionner dans l’entreprise. Quand démarre véritablement cette période ?

En réalité l’état des lieux se prépare déjà en amont, au moment du recrutement. Il est indispensable de se documenter sur le Groupe et ses dirigeants, en utilisant les ressources du Web, des bases de données, les revues de presse et naturellement son propre réseau. Le recrutement confirmé, il ne faut pas hésiter à demander une réunion de préparation avant l’arrivée en poste pour obtenir des informations sur les priorités stratégiques, les attentes spécifiques et les questions importantes non traitées pendant la période de transition. C’est aussi l’occasion d’obtenir des précisions sur les moyens humains, matériels, financiers et les outils de suivi de la Direction Juridique, d’évoquer l’historique du service et sa perception dans le Groupe.

Le moment de l’entrée en fonction est arrivé. Quelles sont les actions à entreprendre en priorité ?

Il y a plusieurs priorités à gérer. La première : se présenter à son équipe et échanger individuellement sur les parcours, les aspirations, les besoins, les principaux dossiers et procédures en cours et commencer à travailler avec chacun.

La récupération des informations et documents utiles doit être faite au même moment : organigrammes, procédures internes, catalogues et tarifs, chiffres des principaux clients et fournisseurs, situation concurrentielle, cartographie des risques, tableaux de suivi existants, synthèses assurances… beaucoup d’éléments qu’on doit assimiler pour comprendre le fonctionnement du groupe et préparer ses  "visites terrains".

On se renseignera aussi sur les éventuelles enquêtes de satisfaction réalisées, les indicateurs de performance de la Direction Juridique, s’ils existent, le budget détaillé du Service et son évolution.

Comment s’organisent les « visites terrains » que vous évoquez ?

Il s’agit rapidement de rencontrer les acteurs clés du groupe, par ex. une quinzaine de personnes avec des rendez-vous d’une heure sur deux ou trois semaines, en ayant préparé ses questions : dirigeants, principaux responsables fonctionnels et opérationnels. Visiter les sites principaux du groupe, les usines, des magasins le service de R&D, … permet de s’imprégner de la culture du Groupe, de comprendre en profondeur sa gouvernance et d’identifier les zones de risque.

Il me semble essentiel de montrer son implication et son intérêt pour le métier de chacun, de se positionner comme un apporteur de solutions accessible. Il ne faut pas se priver à cette occasion de résoudre, rapidement des premières questions simples pour asseoir cette image !

Quelles questions poser plus particulièrement à chacun ?

Il faut comprendre rapidement quelles sont ses zones de risque, quelle est son utilisation des services juridiques, quelles sont ses attentes et sa perception des services rendus. A l’issue, on retiendra deux ou trois idées force pour chaque interlocuteur, dans le but de formaliser une synthèse plus globale des interviews.

Qu’en est-il des Conseils extérieurs ?

Rencontrer les Conseils peut se faire dans un second temps, selon l’urgence des dossiers. Les Conseils sont une source d’information irremplaçable par leur vision souvent ancienne de l’entreprise, de ses dirigeants, de l’équipe et bien sûr leur expertise sur les dossiers. Instaurer une relation de confiance auprès d’eux et soigner l’image de l’entreprise est aussi important.

L’état de lieux doit-il être formalisé ?

Oui, c’est un moment clé. Il faut restituer et synthétiser toutes les informations récoltées pour établir un plan d’action.

Il devra permettre de déterminer si la composante juridique est bien intégrée dans la prise de décision, mettre en lumière différentes situations où le rôle du juriste est efficace ou ne l’est pas assez, déterminer les points forts et les axes d’amélioration de l’équipe, évaluer l’efficacité et le coût des prestataires externes, mettre en évidence le besoin éventuel de ressources supplémentaires ou la possibilité d’économies.

Comment est constitué le plan d’action ?

Le plan d’action doit permettre de positionner la Direction Juridique et son offre de services. Dans tous les cas les objectifs qu’elle se donne doivent être alignés sur les priorités de l’entreprise.

Par exemple le plan d’action peut prévoir de réorienter l’offre de services et le rôle des différents juristes auprès des différents clients internes du Groupe en fonction de ces priorités, mettre en place les outils de suivi et de communication correspondants.

Il peut préconiser d’autres actions urgentes par exemple la mise en place de process de décision et de contrôle pour la signature des contrats, la maîtrise des coûts internes et externes ou d’autres actions s’inscrivant d’avantage dans la durée comme par exemple le développement d’un Intranet juridique, à planifier selon un calendrier.

Il reste indispensable de prioriser les actions urgentes liées à l’actualité opérationnelle en cours par rapport aux actions de fond à entreprendre, pour ne pas aboutir à une impasse si le temps ou les ressources ne sont pas suffisants ! Pendant cette période, des échanges réguliers avec la Direction de l’entreprise sont indispensables.

Quelles sont les principales difficultés à surmonter ?

La difficulté de cette période est de devoir faire trois métiers en même temps :
-  son travail de juriste et de manager d’équipe, car il y a une nécessité de continuité : les projets, les contentieux sont là !
- un travail d’appropriation des process de l’entreprise (circulation de l’information, DRH, process budgétaire, comptabilité fournisseurs etc.),
- un travail d’analyse et de synthèse, de prise de recul et de propositions répondant aux attentes du Groupe.

Quelles sont pour vous les clés du succès ?

Il faut naturellement beaucoup d’investissement personnel, de la curiosité, du tact, savoir écouter, créer son réseau, et chaque fois que cela est possible, apporter des solutions simples et rapides aux différents interlocuteurs qui vous sollicitent pour conforter une image réactive et engagée.

 

Propos recueillis par Arnaud DUMOURIER


Paroles d'Experts : l’immobilier numérique

Lex Inside du 7 mai 2024 :

Lex Inside du 2 mai 2024 :