Mise en œuvre du principe de spécialisation des juridictions en matière de droit de la concurrence

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Le TGI de Saint Malo s’est déclaré incompétent pour connaître d’un litige portant sur une demande en dommages-intérêts fondée sur l’article 1382 du Code civil et a renvoyé l’affaire devant le TGI de Rennes en tant que juridiction spécialisée en matière de concurrence.

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Cette ordonnance du 15 novembre 2012, dessine ainsi les contours des compétences des juridictions spécialisées désignées en application de l’article L. 420-7 du Code de commerce selon lequel "les litiges relatifs à l’application des règles contenues dans les articles L. 420-1 à L. 420-5 ainsi que les articles [101 et 102 du TFUE] (…) sont attribués (…) aux juridictions civiles et commerciales dont le siège et le ressort sont fixés par décret en Conseil d’Etat". 

En l’espèce, une Fédération agricole avait assigné devant le TGI de Saint Malo une société active dans le domaine de l’agrofourniture sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. La Fédération sollicitait le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle soutenait avoir subi du fait des pratiques anticoncurrentielles condamnées par la Commission dans une décision intervenue en 2010.

La société incriminée a soulevé, in limine litis, l’incompétence du TGI de Saint Malo au profit de celui de Rennes, conformément à l’article R. 420-4 du Code de commerce qui attribue au TGI de Rennes compétence pour statuer sur les litiges dans le ressort des cours d’appel de Rennes, dont le TGI de Saint Malo fait partie. 

Pour la Fédération requérante, les dispositions de l’article L. 420-7 du Code de commerce sur la  spécialisation de certaines juridictions en matière de concurrence ne sont applicables qu’aux litiges relatifs aux pratiques anticoncurrentielles elles-mêmes et non à ceux - fondés sur l’article 1382 du Code civil - portant sur leurs conséquences (par exemple sur les prix pratiqués par les entreprises parties du cartel). 

Le TGI de Saint Malo, en faisant droit à l’argumentation de la société défenderesse, a sans ambigüité rejeter cette interprétation. Il s’est référé à la fois au texte littéral de la loi et à ses travaux préparatoires en considérant que " les termes particulièrement larges de l’article L. 420-7 du Code de commerce incluent tous les litiges à l’occasion desquels les règles relatives aux pratiques anticoncurrentielles "sont invoquées" c’est-à-dire non seulement les litiges relatifs aux sanctions des pratiques contraires à la concurrence, mais également les litiges relatifs aux conséquences pécuniaires des fautes commises". 

Cette ordonnance doit être saluée. Elle donne tout sens au principe de spécialisation des juridictions en droit de la concurrence dont la finalité est de faire traiter les litiges en ce domaine par des magistrats rompus aux problématiques techniques.
L’ordonnance commentée ici est d’autant plus importante qu’il s’agit de statuer sur le contentieux en plein essor des dommages-intérêts à allouer aux tiers s’estimant victimes de pratiques anticoncurrentielles.
La Commission européenne, notamment ne manquant jamais, dans le communiqué de presse relatant l’affaire ayant donné lieu à une décision d’amende pour pratiques anticoncurrentielles, d’inciter lesdits tiers à se pourvoir devant les juridictions nationales en dommages-intérêts. 

La société défenderesse était conseillée par l’équipe de droit de la concurrence du cabinet Kramer Levin Naftalis & Frankel pilotée par Noëlle Lenoir, associée, avec Eric David et Anne Fontanille.


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