Entreprises en difficulté, quelle justice pour demain ?

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Tribune d'Olivier Buisine, président de l’I.F.P.P.C (Institut Français des Praticiens des Procédures Collectives).

Depuis janvier 2021, les rapports relatifs à la justice économique s’enchaînent (G. Richelme, R. Ricol, mission sénatoriale, mission présidée par le député Romain Grau). Ces différents rapports conduisent à s’interroger sur le modèle de la justice consulaire française en matière d’accompagnement des entreprises en difficulté. La justice commerciale se doit en effet d’être attractive dans un contexte d’une économie mondialisée.

Souvent critiquée à tort pour son manque de transparence et pour la proximité supposée entre certains de ses acteurs dans le cadre du traitement des difficulté des entreprises (mandataires de justice, juges-consulaires, greffiers des tribunaux de commerce, etc.), la justice économique est avant tout méconnue du justiciable. Exception française, les juges du tribunal de commerce sont des magistrats qui assurent leurs fonctions de façon bénévole. Institution pluriséculaire, le tribunal de commerce mérite peut-être davantage de considération de la part du législateur, afin de favoriser le redressement des entreprises et le rebond de leurs dirigeants.

Quelles sont les pistes d’évolution qui permettraient d’inscrire de plein pied la justice consulaire dans le XXI ème siècle ?

Rationaliser la « boite à outils »

Selon une étude IFOP-IFPPC de juin 2021, les procédures amiables restent encore trop méconnues. Le mandat ad hoc n’est ainsi connu que de 44% des chefs d’entreprises et seulement 25% appréhendent précisément son contenu. Rappelons par ailleurs que plus de 90% des procédures collectives concernent des TPE de moins de 10 salariés. Le code de commerce apparait, réforme après réforme, d’une très grande complexité. Les dirigeants d’entreprises sont légitimement peu familiers des différentes typologies de procédures. Faciliter l’accès des dirigeants à la protection du tribunal passe par une simplification de la boîte à outils existante et par une révision de certains termes anxiogènes du livre VI du code de commerce (liquidation, faillite, etc.).

Changer la vision de l’échec entrepreneurial en France

Cette simplification doit certainement être conjuguée à une formation plus large des dirigeants d’entreprises sur les conséquences d’un échec entrepreneurial (impact d’une liquidation judiciaire sur les engagements de caution et sort des cotisations TNS de l’entrepreneur). Evoquer le rebond du dirigeant ou l’expérience d’une procédure collective serait certainement moins pénalisant pour le chef d’entreprise que de parler de « dépôt de bilan » ou encore de « faillites » d’entreprises.

Poursuivre la modernisation du fonctionnement des juridictions

Les greffiers des tribunaux de commerce ont beaucoup œuvré ces dernières années pour offrir aux justiciables des outils numériques performants (tribunal digital, marketplace). Comme d’autres professions réglementées du droit et du chiffre, les mandataires de justice mettent également en place des solutions visant à dématérialiser le traitement des procédures judiciaires et à favoriser leur déroulement rapide.

Budget, formation, déontologie : vers un tribunal de l’entreprise ?

A l’heure des réseaux sociaux, les citoyens sont de plus en plus « friands » ou demandeurs de transparence. Renforcer les règles déontologiques des différents acteurs de la restructuration d’entreprises permettrait peut-être de rassurer les dirigeants, qui hésitent parfois à pousser la porte d’un tribunal.

Compte tenu de la technicité du code de commerce, poursuivre les efforts de formation des différents intervenants des procédures amiables et collectives apparait également opportun.

Se pose en parallèle la question du budget alloué à la justice commerciale. Comme d’autres pans du droit, le traitement des difficultés des entreprises est en effet un parent pauvre de la justice.

En conclusion, les TPE-PME méritent une grande loi sur la restructuration d’entreprises. Gageons que le prochain quinquennat soit l’occasion d’une réforme ambitieuse.

Olivier Buisine, président de l’I.F.P.P.C (Institut Français des Praticiens des Procédures Collectives)


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