Martin Bussy, CEO de Legal Innovation, analyse notamment pour le Monde du Droit le passage brutal en télétravail au sein des cabinets d'avocats et l'utilisation des legaltech à cette fin.
Dans cette période de tristesse pour tous ceux qui sont touchés par le COVID-19, et d’anxiété pour tous les autres, il peut être utile de s’interroger sur l’apport de l’innovation technologique au fonctionnement des cabinets d’avocats, alors que les déplacements sont désormais impossibles – et resteront contraints pendant un moment.
Cabinets d’avocats et Legaltech : c’est l’heure de vérité
Les cabinets d’avocats qui ont déployé de vraies solutions Saas (Software as a service – logiciels accessibles par un navigateur et sur abonnement) vont réellement tirer parti de leur choix. A l’inverse, les cabinets employant du personnel et travaillant avec des outils locaux ou faussement hébergés peuvent rencontrer des difficultés d’organisation.
De leur côté, les legaltech qui s’appuient sur des technologies solides, web et proposant des fonctionnalités abouties ont toutes les chances que les avocats valorisent leurs services. A l’inverse, les start-up faussement cloud ou mal financées risquent de montrer les limites de leur modèle.
C’est donc bien un premier moment de vérité pour l’innovation sur le marché du droit. La matérialisation brutale des coûts et bénéfices de l’innovation permet une véritable prise de conscience. Comme l’exprime le patron de Slack, solution d’échanges collaboratifs pour professionnels : « Le télétravail va se développer, c'est inévitable. Il n'y aura pas de retour en arrière » (Les Echos, 26 mars 2020)
Côté avocats, le choix entre des solutions Saas… et les autres
Dans les cabinets digitalisés, chaque membre de l’équipe se connecte sans difficulté à son espace de travail collaboratif, accède à ses dossiers, communique avec des solutions qu’il maîtrise, travaille avec ses collègues et clients à distance. C’est une agilité et une productivité énorme. D’ailleurs, les commentaires positifs et les remerciements augmentent pour ces solutions-là, preuve d’une véritable prise de conscience !
A l’inverse, les pertes de chiffre d’affaire, les coûts d’organisation, le manque de réactivité des cabinets qui ont refusé les solutions collaboratives et hébergées vont être importants et visibles. Opter dans l’urgence pour des solutions collaboratives ou de visioconférence est également un risque réel, tant sur les critères de qualité (RGPD, localisation des données, fonctionnalité) que de coût de déploiement et de formation des personnels (comment le faire efficacement dans une situation d’urgence et de distance ?).
Ce sera particulièrement amer pour les cabinets qui auront, de bonne foi, crû investir dans des solutions hébergées, qui en réalité ne le sont pas. En effet, de nombreuses solutions existent qui dépendent de connections en VPN, proposent des accès distants très partiels, ou sont confrontées à des restrictions techniques liées à la technologie employée. Pour ces éditeurs, c’est également l’heure de vérité !
Côté Legaltech, celles qui sont économiquement solides… et celles qui dépendent du financement
Toutes bénéficient d’un avantage dans ces temps de confinement : toutes travaillent avec des solutions hébergées, mobiles et accessibles à distance. Leur modèle agile d’organisation n’en est que renforcé et leur permet de travailler en pleine efficacité (Les Echos, 26 mars 2020)
Néanmoins les start-up déjà opérationnelles vont bénéficier d’un avantage important dans la sélection qui va s’opérer. Le capital-investissement va entrer dans une période de tourmente, et les fonds vont devoir faire des choix. Malheur aux start-up mal positionnées ou les moins bien financées ! (Le Monde, 30 mars 2020)
Comme le dit abruptement Semil Shah, cofondateur de Haystack VC (fonds d’investissement américain) : « certaines start-up ne vont pas survivre. Les deux prochains mois vont être douloureux » (Les Echos, 24 mars 2020) « Le monde vient de changer soudainement d'une période où on se concentrait sur la croissance à une période où il va falloir se concentrer sur la capacité des start-up à durer dans un contexte difficile », décrit Julien-David Nitlech, d’Iris Capital (Les Echos, 18 mars 2020).
Une période de consolidation et de sélection s’ouvre donc, qui va laisser des traces parmi les start-up. Mais pour celles qui sont bien financées et permettent un réel travail collaboratif, c’est plutôt à une forte croissance qu’il faut s’attendre, les avocats ayant pu juger de leur résistance au feu. Va-t-on enfin assister chez ces derniers à une prise de conscience massive et durable de l’importance vitale de la transformation digitale ?
Par Martin Bussy, CEO de Legal Innovation et conseil et accompagnement en transformation digitale