Si le déversement de fumier devant le domicile d'un huissier de justice par un débiteur mécontent constitue un sujet d'intérêt général, la mention du nom de cet huissier dans les articles de presse ne visait qu'à satisfaire la curiosité supposée du lectorat.
Un huissier de justice et son épouse, soutenant que trois articles publiés dans l'édition du journal "Le Progrès", les deux premiers relatant le déversement devant leur domicile d'un camion de fumier par un débiteur de la Mutualité sociale agricole (MSA), le troisième relatif au procès pénal de l'auteur des faits, dans lesquels leur nom patronymique était cité et qui comportaient la photographie de leur maison, portaient atteinte à l'intimité de leur vie privée, ont assigné l'éditeur en réparation de leurs préjudices.
La cour d'appel de Lyon a fait droit à leur demande.
Après avoir retenu que la divulgation, dans les articles litigieux, du nom de l'huissier de justice caractérisait une atteinte à sa vie privée et par voie de conséquence à celle de son épouse, les juge du fond ont relevé que, si le déversement de fumier devant le domicile d'un huissier de justice par un débiteur mécontent constituait un sujet d'intérêt général, la mention du nom de cet huissier, dont la notoriété ne dépassait pas le périmètre de sa commune, ne constituait pas une information de nature à éclairer le débat public sur le sujet de ce mécontentement mais ne visait qu'à satisfaire la curiosité supposée du lectorat.
La Cour de cassation considère qu'ayant ainsi procédé à la mise en balance entre le droit à la protection de la vie privée et le droit à la liberté d'expression, la cour d'appel en a exactement déduit que l'atteinte portée à la vie privée de l'huissier de justice et à celle de son épouse par la révélation de leur identité n'était pas légitimée par le droit à l'information du public.
Elle rejette le pourvoi de l'éditeur par un arrêt du 14 juin 2023 (pourvoi n° 22-15.155).