Projet de loi de finances de 2013 : entretien avec Frédéric Hennes

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Frédéric Hennes, Associé, Degroux Brugere & AssociesLe Monde du Droit a interrogé Frédéric Hennes, avocat associé chez Degroux Brugère & Associes sur le projet de loi de finances de 2013.

Pouvez-vous nous présenter les principales mesures du projet de loi de finances pour 2013 ?

Les 20 milliards de hausses d’impôts vont concerner tout le monde, même si c’est la hausse de la fiscalité personnelle qui suscite le plus de commentaires.

Hausse de l’impôt sur les revenus

On en parle peu, mais pour le plus grand nombre la hausse sera d’abord liée à l’absence d’indexation du barème progressif, et à l’abaissement du plafond du quotient familial (il passera de 2.336 € à 2.000 € pour chaque demi-part accordée pour charge de famille).

La création de la nouvelle tranche d’imposition à 45% pour la fraction des revenus supérieurs à 150.000 euros par part fera passer le taux marginal de l’impôt sur le revenu à 49% du fait du maintien de la « contribution Sarkozy » sur les hauts revenus (1), sans compter les prélèvements sociaux qu’il faut encore ajouter (5,8% à 15,5% selon la nature des revenus).

Contribution exceptionnelle de 75% sur les très hauts revenus

Le taux global maximum d’imposition pourra même atteindre 75% (prélèvements sociaux inclus) pour la fraction des revenus d’activité perçus en 2012 et 2013 qui dépassent 1M€, donc dès cette année. Sont concernés les salaires, les rémunérations des mandataires sociaux, les bénéfices professionnels, et même les gains de stock-options et d’acquisition d’actions gratuites, et les revenus de parts de carried-interest qui seront traités fiscalement comme des salaires.

Alignement à la marge de la fiscalité du capital sur celle des revenus

L’alignement prévu par le projet de loi de finances n’aura pas lieu, ou à la marge.

Le Gouvernement a ainsi annoncé que les détenteurs d’actions et de parts de sociétés ayant une participation « significative » (probablement supérieure à 10% mais cela doit encore être tranché) conserveraient le bénéfice du régime du prélèvement forfaitaire libératoire de 19 % sur les plus-values de cessions (+15,5% de prélèvements sociaux). Il y aurait une condition de détention qui devrait rester mesurée, entre deux et cinq ans.

La question de l’application du barème progressif sur les plus-values reste aujourd’hui posée pour ceux qui n’atteignent pas ce seuil de participation. On ne sait pas ce que donneront les discussions parlementaires sur ce point, mais il est à peu près acquis que si la « barémisation » des plus-values est maintenue, il faudra revenir sur le dispositif d’abattement pour durée de détention actuellement prévu, qui est beaucoup trop rigoureux (40% maximum au bout de 12 ans de détention se décomptant à partir du 1er janvier 2013, même pour les titres acquis avant cette date !).

Il faudra aussi préciser le régime des cessions et rachats d’autres catégories de titres, comme les parts d’OPCVM, pour lesquelles le projet de loi prévoyait un alignement sur les gains de cessions d’actions et de parts de sociétés.

En ce qui concerne les dividendes et les produits de placements à revenus fixe (intérêts), l’assujettissement au barème progressif semble acquis, avec un système compliqué d’acompte libératoire ou non libératoire suivant le taux d’imposition effectif des contribuables.

Les dividendes continueront de bénéficier de la réfaction en base de 40%, d’où un taux effectif global d’imposition qui, même avec les prélèvements sociaux, demeurera inférieur à celui des revenus d’activité. Les abattements fixes de 1.525 € ou 3.050 euros seront pour leur part supprimés.

Qu'en est-il des mesures sur la fiscalité du patrimoine ?

L’ISF sera réformé, pour revenir à un système proche de celui qui existait avant 2012. Il s’agirait d’un barème progressif de 0,5% jusqu’à 1,5% maximum pour les patrimoines nets supérieurs à 10 millions d’euros. Un mécanisme de décote serait prévu pour les patrimoines compris entre 1.310.000 euros et 1.410.000 euros, réduisant de moitié l’impôt des redevables atteignant le seuil d’imposition à l’ISF (1.310.000 euros).

Un plafonnement à 75% des revenus du contribuable serait réinstauré, avec une définition large des revenus pris en compte dans le calcul puisqu’ils incluraient non seulement l’augmentation de la valeur annuelle de capitalisation des contrats d’assurance-vie et assimilés (ce qui affecterait de facto le rendement de ces placements), mais encore les bénéfices non distribués des sociétés n’ayant pas d’activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale prépondérante, dont le redevable a détenu seul ou conjointement plus de 25% à un moment quelconque au cours des 5 dernières années. On ne sait pas ce qu’il en sera des « holding » animatrices de leur groupe, mais si leurs bénéfices non distribués sont pris en compte en tant que revenus réalisés cela reviendra à taxer indirectement l’outil professionnel correspondant via un « déplafonnement » de l’ISF.

Sur un plan non professionnel, la taxation des œuvres d’art est de nouveau avancée. Le Gouvernement s’est a priori prononcé contre par la voix de son Ministre de la Culture.

En ce qui concerne la fiscalité des entreprises, à quels changements faut-il s'attendre ?

Les sociétés soumises à l’IS seront surtout impactées par de nouvelles limitations concernant la déductibilité des charges financières et le report en avant des déficits fiscaux, à savoir :

- Limitation du taux de déduction des charges financières nettes à 85% (pour les entreprises dont les charges financières nettes excèdent 3M€)(2),

- Limitation de la faculté d’imputer les déficits fiscaux reportés « en avant » à 50% du bénéfice excédant 1M€.

Il y aura aussi un renchérissement de la quote-part de frais et charges de 10% sur les cessions de titres de participation, qui sera dorénavant assise sur la plus-value brute au lieu du résultat net. Sauf changement, ce n’est pas encore la fin de la « niche Copé ».

Enfin, au niveau des niches fiscales, quelles sont les mesures envisagées ?

Elles sont drastiquement « rabotées » puisque les réductions d'impôt des ménages seraient désormais plafonnées à 10 000 euros, au lieu de 18 000 euros, plus 4% des revenus actuellement. Cela serait applicable à partir de l’imposition des revenus de 2013.

Seuls les investissements outre-mer, ainsi que les dispositifs « Malraux » et investissements dans les SOFICA échapperaient à cette diminution.

 

Propos recueillis par Arnaud DUMOURIER

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NOTES

(1) Contribution de 3 ou 4% suivant le montant du revenu fiscal de référence au-delà de 250.000 euros pour un contribuable seul ou de 500.000 euros pour un couple soumis à imposition commune.
(2) Le taux de déduction serait ramené à 75% pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2014. Seules les charges financières liées aux opérations hors groupe seraient soumise à cette limitation dans les groupes fiscaux.


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