Les suites fiscales de l’affaire Offshore Leaks

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Julien Monsenego, Associé, et Rui Cabrita, Collaborateur, Olswang France LLPJulien Monsenego, Associé, et Rui Cabrita, Avocat, tous deux exerçant au sein du cabinet d’avocats Olswang, nous informent des suites juridiques et fiscales de l’affaire Offshore Leaks.

L'affaire Offshore Leaks a mis à jour des comptes bancaires et sociétés localisés dans des pays à faible fiscalité. Les éléments du dossier montrent qu’il a été nécessaire d’établir la véritable identité des bénéficiaires, laissant penser que ces actifs n'étaient pas déclarés. Cette affaire relance la question du traitement des contribuables ayant des avoirs à l'étranger non déclarés.

Rappelons que la détention d’un compte bancaire à l’étranger n’est pas en soi interdite et n’entraîne pas automatiquement de poursuites fiscales ou pénales. Pour les particuliers, la détention d’un tel compte implique seulement une déclaration afin que les sommes et revenus afférents soient soumis aux différentes impositions sur le revenu ou le patrimoine.

Pour les sociétés, la détention de comptes bancaires à l’étranger passe par une obligation similaire. Lorsque des liquidités sont transférées à l’étranger, la société doit fournir des informations sur ce transfert et déclarer les résultats provenant de la gestion de ces actifs.

Détention d’avoirs offshore risquée

En l’absence de déclaration, le particulier s’expose à une amende allant de 1.500 euros à 5 % du solde du compte. De plus, les sommes inscrites constituent en principe des revenus imposables et donneront lieu à un redressement majoré d’une pénalité de 40 % outre l’intérêt de retard. Il n’est pas rare que les rappels d’impôts excède les sommes possédées. L’administration peut en effet effectuer des rappels sur 10 ans et appliquer depuis 2013 une taxation de 60 % en l’absence de réponse quant à l’origine des avoirs.

Pour les personnes morales, la non prise en compte des actifs transférés permet à l’administration fiscale de calculer l’impôt sur un bénéfice forfaitaire et majoré de 40% outre l’intérêt de retard. Mais surtout, elle possède un arsenal législatif à l'encontre des sociétés ayant recours à des montages fiscaux et visant à soumettre le revenu étranger à l’impôt français.

A ces sanctions fiscales, s’ajoute le volet pénal que le gouvernement souhaite renforcer par le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale. L’ouverture de compte ou la domiciliation fictive à l’étranger caractériseraient la fraude fiscale aggravée, qui serait alors passible d’une peine de 2 millions d’euros et de 7 ans d’emprisonnement.

Par ailleurs, la légalisation de documents utilisés par l’administration fiscale serait prévue quelle que soient leurs origines, dès lors qu’ils proviennent du ministère public, de l’autorité judiciaire ou en application de l’assistance administrative internationale.

Cette mesure vise à faire obstacle au secret bancaire. Toutefois, cette légalisation ne serait pas applicable aux documents que l’administration utiliserait aux fins de perquisitions fiscales.

Ni amnistie, ni régularisation

Les montages frauduleux des sociétés étant plus complexes, les régularisations concernent plus les particuliers. Mais le gouvernement rappelle qu’il "n'y aura ni amnistie ni cellule de régularisation opaque".

Il n’est donc pas envisagé de s’inspirer des mesures d’amnistie, que d’autres aimeraient voir introduites. Des députés de l'opposition ont déposé une proposition de loi prévoyant une amnistie temporaire des majorations fiscales, en échange d’une amende de 5 % des sommes, à condition que l’impôt en principal soit acquitté.

En refusant toute régularisation, le gouvernement s’oppose à la procédure, certes informelle mais annoncée publiquement, mise en place en 2009.

Cependant, le nouveau dispositif pourrait prévoir une déclaration rectificative et des remises partielles de pénalités à la manière de la procédure de 2009. En effet, le gouvernement précise que la situation de ces contribuables "est naturellement différente de celle des contribuables qui seraient identifiés par l’administration sans se présenter spontanément à elle".

Mais en l’absence de précisions sur les modalités de rectification, une incertitude subsiste quant à la portée de cette indication, car le gouvernement rappelle que les pénalités de droit commun s’appliqueraient. La question se pose aussi de savoir si une rectification spontanée permettrait d’obtenir un abandon des poursuites pénales.

Il reste donc à savoir quand et comment seront connues les modalités de déclarations rectificatives. En l’absence de loi de finances rectificative cet été, la procédure de déclaration rectificative pourrait être précisée lors de l’examen du projet de loi contre la fraude fiscale ou du projet loi de finances pour 2014 qui serait dévoilé cet automne.

Il n’y a cependant aucune garantie que cette procédure fasse l’objet de dispositions législatives. La déclaration rectificative avait déjà été utilisée lors des régularisations de 2009, mises en place sans texte de loi.

Par ailleurs, Bernard Cazeneuve a le 26 mai 2013 d’ores et déjà invité "tous ceux qui ont des comptes à l’étranger à bien vouloir se mettre en conformité avec le droit en prenant contact avec l’administration fiscale".

Il est donc urgent que les modalités de cette déclaration rectificative soient précisées car à défaut, le contribuable s’expose à une intervention de l’administration aux conséquences fiscales et pénales importantes. Par la même occasion, cela éviterait que l’invitation du ministre du budget reste lettre morte.


Julien Monsenego, Associé, et Rui Cabrita, Collaborateur, Olswang France LLP


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