Les contrats internationaux de cession de marque : quelles lois appliquer ?

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Corinne Champagner Katz - Avocate - CCK AvocatsQuelles lois appliquer dans les contrats internationaux de cession de marque pour passer les frontières ? Explications par Corinne Champagner Katz, Avocate, CCK Avocats.

Dans un contexte de mondialisation, l’exploitation des droits de propriété intellectuelle et particulièrement des marques est devenue une nécessité économique.

Les particularités du régime de la protection d’une marque associées à l’importance qu’elle représente en tant qu’élément d’identification, font que les contrats internationaux de cession de marque revêtent une grande importance. Cependant ils font l’objet de problématiques juridiques auxquelles il n’existe pas (encore) de réponse claires.

La marque obéit au principe de territorialité selon lequel l’enregistrement d’une marque ne confère une protection à son titulaire que sur le territoire pour lequel il a été demandé et accordé par l’autorité publique – le territoire français pour une marque française, le territoire communautaire pour une marque communautaire(1).

Ce principe provient de la Convention de Paris qui prévoit que les conditions de dépôt et d’enregistrement des marques de fabrique ou de commerce sont déterminées dans chaque pays de l’Union par sa législation nationale(2). Ainsi, même lorsqu’une marque est déposée dans plusieurs pays, chaque dépôt est indépendant et un titulaire peut céder sa marque dans un Etat, même s’il détient et conserve des marques identiques dans d’autres Etats(3).

Lorsque la marque (nationale ou communautaire) fait l’objet d’une cession, son champ de  protection ne subit aucun changement. La cession se concrétise uniquement par le changement du nom du titulaire sur le registre d’inscription de la marque.

Lorsqu’il s’agit d’exploitation transfrontalière de droits de propriété intellectuelle, plusieurs lois sont susceptibles d’être appliquées en raison du principe de territorialité. Hors rappelons que pour qu’un contrat soit qualifié d’international, il doit contenir un élément d’extranéité, c’est à dire un  élément par lequel il est en contact avec un ordre juridique étranger.

Ainsi, il suffit que l’un des cocontractants soit d’une nationalité différente que celle du pays d’enregistrement de la marque, objet de la cession, pour que plusieurs lois soient applicables, que le contrat ait par conséquent un contact avec un ordre juridique étranger et qu’il y ait un élément d’extranéité propre à qualifier le contrat « d’international ». Il en va de même dans le cas où les deux cocontractants sont de la même nationalité mais que cette nationalité est différente de celle du pays d’enregistrement de la marque objet de la cession.

Se pose alors la question de savoir quelles sont les règles qui s’appliquent en cas de conflits de lois applicables à un contrat international de cession de marque ?

Paradoxalement, alors que l’internationalisation du droit contractuel est présente dans le domaine de l’exploitation des droits de propriété intellectuelle et que la jurisprudence ne résout pas les nombreuses questions que pose la pratique des contrats de propriété intellectuelle : les textes internationaux récents ne comportent aucune disposition spécifique aux contrats de propriété intellectuelle pour l’heure.  Nous devons nous satisfaire de la  superposition de règles de portée différente.

I. La détermination de la loi qui gouverne les contrats internationaux est déterminée par le règlement Rome 1 du 17 juin 2008(4)  qui est le texte fondamental  en matière de détermination de la loi du contrat. Il est d’application générale et n’exclut pas de son champ d’application les contrats qui portent sur des droits de propriété intellectuelle. Il succède à la Convention de Rome du 19 juin 1980(5).

L’article 3 du règlement prévoit que le contrat est régi par la loi choisie par les parties qui doit être explicite ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause.

Le  choix le plus approprié consistera alors à choisir la loi de l’un des pays ayant une relation avec le contrat comme par exemple le lieu du dépôt et pour lequel la cession est accordée  (pays où ce droit a pris naissance et produit ses effets(6)  en raison du principe de territorialité) ou bien le lieu de l’établissement de l’une ou l’autre des parties.

L’article 4 du règlement prévoit qu’à défaut de choix explicite entre les parties, il faut appliquer au contrat la loi qui présente avec lui les liens les plus étroits. Il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique  (notion non définie par la Jurisprudence) dispose, au moment de la conclusion du contrat, de sa résidence habituelle.

Des dispositions spéciales existent lorsque l’objet de la cession est une marque communautaire. Il faut appliquer dans ce cas les dispositions du règlement n°40/94 du 20 décembre 1993 créant la marque communautaire.

Le règlement donne une règle de conflit permettant de définir une loi nationale applicable pour les questions touchant la marque communautaire. En tant qu’objet de propriété, la marque est considérée en sa totalité et pour l’ensemble du territoire de la communauté, comme une marque nationale de l’état où le titulaire a son siège ou son domicile ou, à défaut, son établissement à la date à laquelle se pose le problème. Si aucun de ces éléments n’est situé dans la Communauté, la loi espagnole est applicable(7).

2. Les règles concernant les conflits de juridiction ne sont pas plus uniformisées par le droit international. De multiples règles de compétences cohabitent.

C’est le règlement de Bruxelles 1 du 22 décembre 2000 sur la compétence judiciaire qui a succédé à la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 qui s’applique.

Lorsque le litige porte sur un contrat d’exploitation d’un droit de propriété intellectuelle, le demandeur peut s’adresser soit aux juridictions de l’Etat membre du domicile du défendeur(8), soit au tribunal « du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée(9)  ».

Lorsque les situations ne sont pas couvertes par le règlement Bruxelles 1 ce sont les règles de compétence internationale de droit commun qui s’appliquent.

S’agissant du droit français qui ne connaît pas de règles de compétence propres aux litiges internationaux, La jurisprudence a posé la règle selon laquelle « la compétence territoriale se détermine par extension des règles  de compétence territoriale interne »(10).

S’agissant de contentieux en matière contractuelle, l’article 42, alinéa 1 du code de procédure civile pose le principe classique de la compétence du tribunal du domicile du défendeur.

Là encore, l’autonomie des volontés des parties trouve sa place puisque le règlement prévoit également que les parties peuvent prévoir une clause attributive de compétences(11).

Au vu de ce qui précède nous remarquons que les règles classiques de  droit international privé laissent flotter une grande incertitude quant à la loi applicable et quant aux juridictions compétentes dans le cadre de contrats internationaux de cession de marque.

Afin que le caractère international des contrats ne soit pas altéré par la territorialité des marques, il est fortement conseillé aux parties de choisir la loi applicable à leur contrat et de définir une clause attributive de compétence en cas de litige. Les parties ont tout intérêt à définir le plus d’éléments possible dans leur contrat, sous réserve des dispositions d’ordre public et des lois de police.

Notes

(1)  Règlement n°40/94 du 20 décembre 1993TGI Niort, 14 décembre 2009, MAIF/IBM, n°09-00580.

(2) Article 6-1 de la Convention de Paris

(3)  Article 6-3 de la Convention de Paris. La qualification de dol rend inopérante les mesures contractuelles de gestion des risques et notamment les clauses limitatives de responsabilité.

(4) Règl. Parl. Et Cons. CE n°593/2008, 17 juin 2008, JOUE 4 juill, n°L 177, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (« Rome 1 »).

(5)  Convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles signée à Rome le 19 juin 1980, JOUE 9 oct, nL266. Elle régit les contrats conclus entre le 1er avril 1991, date de son entrée en vigueur, et le 17 décembre 2009, date d’entrée en vigueur du règlement.

(6) Droit de la propriété industrielle, Joanna Schmidt-Szalewski/Jean-Luc Pierre, p 402

(7) Art 16 du règlement CE n°40/94

(8) Art 2 du règlement CE n°44/2001

(9) Art 5-1 a) du règlement CE n°44/2001.

(10)  Cass, civ 30 oct 1962 : Rev crit DIP 1963, p 387 note Ph. Franceskakis ; D.1963, p 109, note G. Holleaux

(11) Art 23 du règlement CE n°44/2001


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