Réforme à venir du droit des contrats : Examen de l’ordonnance du 10 février 2016

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Stéphanie Corbière, Responsable juridique Groupe de NextradioTV Stéphanie Corbière, Responsable juridique Groupe de NextradioTV commente l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général de la preuve et des obligations.

Promulguée le 10 février dernier, l’ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général de la preuve et des obligations propose une modernisation de la partie du Code civil afférente au droit des contrats afin de faciliter, dynamiser et sécuriser les échanges entre acteurs économiques mais aussi retarder l’intervention judiciaire. Avec une architecture remaniée, les dispositions de cette réforme proposent des consécrations jurisprudentielles et différentes innovations résultant de préconisations doctrinales.

A titre introductif, l’ordonnance consacre le principe de libéralisme contractuel (art. 1102) sous réserve du respect des dispositions d’ordre public. L’essentiel des dispositions serait donc empreint d’un caractère supplétif et permettrait en conséquence aux parties d’y déroger. L’article 1134 actuel du Code civil se trouve quant à lui remanié. L’ordonnance propose en effet une scission avec les articles 1103 et 1104, ce dernier article prévoyant d’ailleurs que la négociation, formation et exécution de bonne foi des contrats sont d’ordre public.

Au niveau de la conclusion du contrat, l’ordonnance consacre désormais la jurisprudence afférente à la conduite et la rupture des pourparlers. L’article 1112 alinéa 2 de l’ordonnance transposant la jurisprudence Manoukian de la Cour de cassation indique qu’ « en cas de faute commise au cours des pourparlers, la réparation ne doit pas avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu ». L’article 1112-1 prévoit par ailleurs désormais un devoir d’information général sur toutes les informations ayant un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. Ce devoir n’est pas susceptible de limitation ou d’exclusion par les parties.

Innovation importante : la cause et l’objet condition de validité du contrat disparaissent. L’article 1128 de l’ordonnance prévoit en remplacement une formule plus généraliste sur le contenu du contrat qui doit être « licite et certain ». Les vices du consentement sont quant à eux appréhendés de manière globale : la réticence dolosive se retrouve assimilée au dol (article 1137 alinéa 2) et l’état de nécessité disparaît de la violence économique (article 1143). La recherche d’un meilleur équilibre entre les parties se manifeste également dans les contrats d’adhésion, l’article 1171 de l’ordonnance réputant non-écrite la clause créant un déséquilibre économique entre les droits et obligations des parties à un tel contrat.

Parmi les autres nouveautés, l’ordonnance tient compte de l’évolution des nouvelles technologies à différents égards. Elle prévoit à ce titre une sous-section pour les contrats conclus par voie électronique. L’article 1366 dispose quant à lui que l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit papier.

Au niveau de l’exécution des contrats, l’ordonnance innove encore à différents égards : elle consacre tout d’abord la théorie de l’imprévision préalablement reconnue par la jurisprudence. L’article 1195 permet au débiteur de solliciter une renégociation du contrat à son cocontractant, l’intervention du juge étant reculée d’autant. L’article 1210, autre transposition jurisprudentielle, prohibe quant à lui les engagements perpétuels.

L’article 1217 propose quant à lui une liste assez étoffée de voies ouvertes au créancier confronté à l’inexécution par le débiteur d’une ou plusieurs de ses obligations : (i) le refus d’exécution ou l’exception d’inexécution, (ii) la poursuite de l’exécution forcée en nature de l’obligation (sauf impossibilité ou disproportion manifeste), (iii) la sollicitation d’une réduction du prix ce qui retarde une nouvelle fois l’intervention du juge, (iv) la résolution du contrat (susceptible de prendre la forme d’une clause résolutoire, d’une résolution unilatérale ou d’une résolution judiciaire) et (v) la demande en réparation des conséquences de l’inexécution. Ces « remèdes » peuvent être cumulés dès lors qu’ils ne sont pas incompatibles. L’article 1218 de l’ordonnance définit quant à lui la notion de force majeure sur la base des critères jurisprudentiels en prévoyant également qu’en cas d’empêchement définitif, le contrat est résolu de plein droit.

Cette réforme s’inscrit ainsi dans un triple objectif de rendre le droit des contrats plus accessible, plus efficace mais également plus équilibré pour les parties dans une logique de solidarisme contractuel.A de rares exceptions près, l’ordonnance n’entrera en vigueur que le 1er octobre prochain. Les contrats en cours resteront quant à eux soumis aux dispositions antérieures du Code civil. Les différentes règles d’ordre public issues de ce texte seront quant à elles applicables à partir du 1er octobre à tous les contrats en cours.

Réf : Ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général de la preuve et des obligations

Stéphanie Corbière, Responsable juridique Groupe de NextradioTV


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