Barreau de Paris : Programme d'incubation des start-up du droit

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Le barreau de Paris lance pour la deuxième année consécutive son programme d'accompagnement de quatre projets numériques innovants dans le domaine du droit. Explications avec Nathalie Attias, responsable de l'incubateur du Barreau de Paris et Alexis Deborde, Directeur associé, Hercule.

Pouvez-vous nous présenter le programme d'incubation des start-up du droit ?

Nathalie Attias : L’Incubateur du Barreau de Paris, créé en 2014 par M. le Bâtonnier du Barreau de Paris, a été initialement conçu comme un "think tank"; le terme "incubateur" vaut alors pour les idées, les réflexions sur l’innovation juridique, dans un contexte d’émergence des nouvelles technologies dans le monde du droit.

Lorsque Marie Aimée Peyron et Basile Ader ont pris leurs fonctions en 2018, ils ont souhaité donner à ce terme tout son sens, au sens start-up du terme. Il a donc été décidé d’incuber, au sens "accompagnement" des projets innovants, tant en terme de contenus que de méthodes, conduits par des avocats. La décision politique consiste clairement à convaincre les avocats de s’approprier ce nouveau marché du digital, pour prendre le pas sur les nombreuses start-up du droit exploitées par des sociétés commerciales, sans aucune garantie de sécurité juridique, respect d’une déontologie qui est un atout majeur
concurrentiel puisque protecteur des consommateurs du droit.

On rappellera accessoirement que, en 2018, les investissements dans ce secteur ont atteint 25 millions d’euros en France. Rien de plus normal que les avocats soient présents sur ce marché.

C’est pourquoi le cahier des charges prévoit que les projets qui seront incubés devront impérativement être portés par au moins 51% d’avocats. A la fois car c’est notre conviction mais également parce que le budget de l’Incubateur du Barreau de Paris provient en partie des cotisations des avocats du Barreau de Paris. Ils doivent donc en être les bénéficiaires.

Le Barreau de Paris a donc lancé un appel d’offre pour sélectionner une agence spécialisée pour accompagner des start-up. La société Hercule a été sélectionnée en 2018 et en 2019.

Son programme consiste d’une part à aider nos « incubés » à améliorer leur offre et d’autre part et surtout, à leur faire rencontrer un marché sur lequel ils pourront se développer.

Alexis Deborde : Le programme se déroule sur plusieurs phases. Contrairement à la précédente promotion, nous souhaitons cette année créer une phase de lancement de fin août à octobre très intense sous la forme d’un design sprint et d’ateliers pour permettre que chaque porteur de projet soit en mesure de prospecter et se confronter à leur marché avant la fin de l’année.

La suite de l’année va s’organiser sous la forme d’un coaching mensuel qui permettra également aux porteurs de projet de faire état de leur avancement, de les accompagner dans leurs difficultés et enfin de leur apporter des solutions et des idées nouvelles pour aller plus loin dans le développement de leur projet. Ce coaching, va être enrichi par la mise à disposition d’experts qui pourront ponctuellement intervenir pour aider les incubés et surtout d’un suivi par un “business advisor” qui apportera une vision stratégique extérieure.

Quel est son objectif ?

Nathalie Attias : L’objectif poursuivi s’inscrit dans la stratégie évoquée plus haut : aider des avocats (jeunes ou moins jeunes car tous les avocats doivent se sentir concernés par la nécessité d’opérer leur transformation numérique) à maturer leurs projets, en faire des offres viables et porteuses, pour leur permettre de rencontrer un marché. Il ne s’agit pas forcément de créer une « légal tech » mais vraiment de prendre conscience que les prestations de l’avocat peuvent se vendre autrement que par la voie traditionnelle. Le digital offre des opportunités de développement commercial que les avocats doivent impérativement
s’approprier.

Alexis Deborde : Le programme d’incubation que nous avons mis en place a pour objectif de créer un écosystème qui va permettre à chaque projet de se développer dans les meilleurs conditions. Cet écosystème doit également permettre au Barreau de Paris de faire naître des vocations entrepreneuriales au sein de la profession et d’une manière générale de démontrer que la profession d’avocat est au coeur du processus de transformation du marché du droit.

Comment se déroule la phase de sélection ?

Nathalie Attias : L’appel à projets a été diffusé à tous les avocats du Barreau de Paris. La sélection se fera sous l’égide de Madame le Bâtonnier de Paris, par des membres de l’Incubateur, une des sociétés incubées dans le cadre de la 1ère édition, pour profiter de son retour d’expérience, et le responsable de l’agence sélectionnée car il est en mesure d’identifier les projets qui ont une chance d’émerger.

Notre objectif, cette année, est de favoriser les projets qui auront une réelle valeur ajoutée pour les avocats, en ce sens que les services proposés sont de nature à bénéficier aux avocats.

C’est une forme de "retour sur investissement" des cotisations versées par les avocats qui pourront ainsi se voir proposer les services des projets incubés par leur incubateur. Par exemple, Avocalix, un des 4 projets incubés en 2018, permet aux avocats de créer facilement leur site, sans nécessité de disposer une quelconque compétence techniques pour 50 euros par mois. 

Alexis Deborde : Les candidats pouvaient déposer leur dossier jusqu’au 20 juillet minuit.

L’année dernière 35 projets avaient été déposé. Ensuite parmi les dossiers reçus nous sélectionnons ceux qui remplissent les critères de sélection (capital détenu par 51% d’avocats, intérêt du projet pour la Profession ...) et qui disposent d’un potentiel important (en terme d’ambition, d’équipe, de technologie …). Un entretien oral qui se déroulera le 24 juillet en présence de Madame le Bâtonnier permettra de sélectionner les 4 projets retenus définitivement et le 25 juillet nous rendrons public les délibérations.

Quels enseignements avez-vous tiré du premier programme ?

One Avocat : "Le programme de l'incubateur nous a permis d'aller, plus rapidement et facilement, au contact des utilisateurs en testant le produit auprès de clients et de nombreux avocats.

Dans un premier temps, nous avons amélioré le produit avec ces tests, mais également notre offre, pour répondre davantage aux attentes des Avocats et des justiciables (design sprint).

Dans un second temps, et une fois le produit finalisé, nous l'avons testé, en situation réelle. C'est cette seconde phase qui a validé, à la fois l'intérêt des justiciables pour le produit et ses avantages, mais également celui des Avocats qui, en plus de réduire le temps de leur première consultation (limitée sur One Avocat à 20 minutes), constatent des clients plus confiant, et rassuré dans le choix de leur Avocat, du fait du système mis en place et, par
suite, plus de conversion.

Aussi, la communication autour des projets incubés, par le Barreau, nous a apporté un réseau d'Avocats conséquent et, à ce jour, aucun des Avocats inscrits n'a quitté la plateforme, bien que l'abonnement soit sans engagement de durée".

ProDroit : C'était la première année d'incubation physique au Barreau de Paris, en cela nous ne savions pas comment l'année allait se dérouler. Dès les premières semaines d'incubation, nos projets ont commencé à prendre vie, à se structurer et à pivoter. L'écosystème autour de l'incubateur est très riche et a réussi à donner une dimension entrepreunariale à mon projet. Ce que je tire comme enseignement : qu'il faut oser repartir d'une feuille blanche, oser voir grand et qu'il est tout a fait possible d'être entrepreneur du droit tout en gardant à l'esprit nos obligations déontologiques.

Avocalix : L’année d’incubation au Barreau de Paris a été une belle opportunité d’apprentissage pour Avocalix. Nous avions été sélectionnés pour notre solution d’accompagnement des avocats dans leur transformation numérique et leur communication en ligne. Grâce à l’incubation nous avons bénéficié de nombreux conseils pertinents d’experts en matière de communication, de technologie et de stratégie. Autant d’aspects précieux pour une start-up dans le numérique. Cela nous a également permis de gagner en visibilité et en agilité.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)


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