Action de groupe : décryptage des dispositions contenues dans l'avant-projet de loi "Consommation"

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Nicolas Contis, Associé, KalliopéNicolas Contis, Associé, Kalliopé, nous apporte son éclairage sur les dispositions concernant l'action de groupe contenues dans l'avant-projet de loi sur la consommation qui va être soumis au Conseil d'Etat, avant d'être présenté au conseil des ministres.

Pouvez-nous nous préciser le cadre dans lequel s'inscrivent les dispositions sur l'action de groupe issues de l'avant-projet de loi sur la consommation ?

Tout d'abord, les dispositions concernant l'action de groupe figurent dans l'avant-projet de loi sur la Consommation qui comporte 6 chapitres et fait 81 pages.

Le premier chapitre est consacré à l'action de groupe. Il introduit un nouveau chapitre dans le Code de la consommation consacré à cette nouvelle forme d'action. Cela fait suite à l'avis adopté par le Conseil National de la Consommation (CNC) le 4 décembre 2012. L'avant-projet de loi sur la consommation va être soumis au Conseil d'Etat, avant d'être présenté au Conseil des ministres, le 24 avril.

Qui peut introduire une action de groupe en justice ?

Seule une association de défense des consommateurs, représentative au niveau national et agréée, peut introduire en justice une action de groupe.
Un décret est prévu afin de préciser les modalités d'introduction de l'action de groupe.

Pour quels types de litiges ?

L'association de défense des consommateurs, représentative au niveau national et agréée, pourra saisir une juridiction civile (ce contentieux sera réservé à certains Tribunaux de Grande Instance) afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par un groupe de consommateurs, placés dans une situation identique ou similaire, et causés par un même professionnel, du fait de manquements à ses obligations légales ou contractuelles, à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services, ou du fait de certaines pratiques anticoncurrentielles (principalement ententes et abus de position dominante). 

Seuls les préjudices matériels pourront être réparés. Ainsi, dans le cadre d'une action de groupe, ne pourront pas être réparés les dommages corporels et moraux ; l'action de groupe n'aura donc guère d'utilité pour obtenir réparation de dommages sériels causés, par exemple, par la vente de produits médicamenteux défectueux.

Quelle est la procédure ?

Il y a deux phases dans la procédure :

- Une première phase "déclaratoire de responsabilité" dans laquelle une association de consommateurs va pouvoir agir pour faire reconnaître la responsabilité de l'auteur du dommage. Si le Tribunal considère que l'action est fondée, il reconnaîtra alors la responsabilité du professionnel, définira le groupe de consommateurs concernés et les critères de rattachement au groupe. Il déterminera également le montant des préjudices ou les éléments permettant de les déterminer. Le juge décidera enfin des mesures de publicité de son jugement, de manière à permettre aux consommateurs concernés d'adhérer au groupe.

- Une seconde phase de liquidation des préjudices (qui reste optionnelle), si le consommateur qui adhère au groupe n'est pas indemnisé (soit directement, soit par l'entremise de l'association ayant initié l'action de groupe).

Le texte prévoit le recours à la médiation, qu'en est-il ?

L'association requérante peut participer à une médiation afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels. L'accord qui peut être conclu à la suite de la médiation est ensuite soumis à l'homologation du juge, qui vérifie notamment que les intérêts des consommateurs concernés ont bien été pris en compte.

En conclusion, que pensez-vous de ce texte ?

Il s'agit d'un texte a minima conditionné à l'exercice d'une association de défense des consommateurs, représentative au niveau national et agréée.
Si cette association n'agit pas, il n'y a pas d'action !

Par ailleurs, le texte reconnaît une autorité de chose jugée au jugement qui statue sur la responsabilité du professionnel, et ce à l'égard de tous les consommateurs concernés par l'action initiée. En d'autres termes, la possibilité, pour un consommateur, d'obtenir réparation de son préjudice matériel peut être conditionnée au sort de l'action initiée par l'association, et donc à la qualité de ses arguments, alors même que le consommateur en cause aurait pu souhaiter agir individuellement en avançant des moyens de défense différents de ceux de l'association. L'autorité de chose jugée susvisée (surtout lorsqu'elle aboutit à un rejet de l'action de l'association ou limite considérablement le montant de l'indemnité à verser au consommateur) peut donc être un frein au droit d'accès au juge pour obtenir réparation d'un préjudice, ce qui pourrait être contraire à la constitution.

Enfin, le texte est également restrictif sur les dommages qui peuvent faire l'objet d'une réparation suite à une action de groupe, compte tenu de l'exclusion des dommages corporels et moraux.

Les dommages sériels couramment rencontrés dans le domaine de la vente de médicaments et de produits alimentaires seront donc exclus de l'action de groupe, ce qui va limiter l'intérêt de la "class action" à la française.

Propos recueillis par Arnaud DUMOURIER


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