Commande par l'avocat de l'acte de naissance de sa salariée à son insu

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L'avocat qui commande l'acte de naissance intégral de son employée à son insu afin d'établir son thème astral, s'immisce gravement dans la vie privée de cette dernière, abuse de sa qualité d'avocat et commet une tentative de délit.

Une salariée, employée d'un cabinet d'avocat en qualité de premier clerc, a été licenciée pour faute grave.
Au cours de l'exécution du contrat de travail, l'avocat s'était adressé aux services de l'état civil de la commune de naissance de son employée, en se présentant comme son mandataire, afin d'obtenir la copie intégrale de son acte de naissance. Cette dernière, informée de cette demande par l'une de ses collègues, s'est opposée à la délivrance du document par la mairie. L'avocat a alors accusé son employée de "manipulation", affirmant qu'elle lui avait demandé d'obtenir ce document, avant de se rétracter.

En première instance, la salariée a sollicité des dommages et intérêts d'une part pour licenciement abusif et d'autre part pour atteinte à la vie privée et exécution déloyale du contrat de travail. Le conseil des prud'hommes a condamné l'employeur à payer 5.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement abusif et  8.000 € de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée.

Dans un arrêt rendu le 26 janvier 2011, la cour d'appel de Versailles rejette l'argumentation de l'employeur, en l'absence de tout élément venant corroborer cette thèse. Les juges du fond relèvent en revanche que l'employée avait produit des attestations d'anciennes collaboratrices du cabinet confirmant que l'avocat avait l'habitude de commander les actes de naissance de son personnel pour établir leur thème astral. La propre épouse de l'avocat, interrogée par les conseillers prud'homaux, avait d'ailleurs reconnu l'intérêt de son époux pour la pratique de l'astrologie. La cour d'appel estime qu'en commandant ce document d'état civil, qui comportait des informations qu'il n'avait pas à connaître, l'avocat a commis une atteinte grave à la vie privée de l'employée. En outre, du fait de sa qualité, il ne pouvait ignorer le caractère illégal de sa demande. Ainsi, l'employeur a abusé de la qualité d'avocat et commis une tentative d'obtention indue de document administratif, délit réprimé par le code pénal.
La cour d'appel de Versailles réduit le montant des intérêts dus pour atteinte à la vie privée à 5.000 € mais fixe le montant des dommages et intérêts alloués pour licenciement abusif à 10.000 €,  relevant que la faute grave alléguée n'est pas établie, la lettre de licenciement faisant seulement état d'insuffisance professionnelle.

Référence :

- Cour d'appel de Versailles, 15ème chambre, 26 janvier 2011 (n° 09/04475)

Source :

actuEL avocat, 3 mai 2011, “L'avocat qui lisait dans les astres”