Droit des affaires : donnons plus de place à la médiation dans la résolution des contentieux

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La résolution amiable des différends a été fortement encouragée ces dernières années par des réformes intervenues en France et à l’étranger. Reste maintenant que cette incitation se concrétise, ce qui, en France, ne semble pas évident. 

La médiation permet à des parties en différend d’impliquer un ou plusieurs tiers objectifs, le(s) médiateur(s), dans le cadre d’un processus de discussion afin de trouver une solution au différend qui les oppose.

L’avantage principal de la médiation, qui se distingue de simples discussions transactionnelles où les positions se cristallisent souvent, est qu’elle permet aux parties de disposer d’un cadre apaisant de discussion et de renouer le dialogue avec l’aide d’un médiateur dont le rôle est de permettre aux parties de prendre du recul sur leur situation et besoins. Par rapport à une procédure contentieuse, ce cadre apporte flexibilité (les parties peuvent convenir de ce qu’elles veulent, dans la limite de l’ordre public) et également la maîtrise du calendrier (qui permet notamment d’éviter les délais qui ne cessent de s’allonger devant les juridictions). Surtout, étant suspensive de prescription et étant couverte par la confidentialité (garantie par des textes ou de convention expresse des parties), la médiation ne vient pas affecter les droits de chacune des parties en cas d’échec.

Une impulsion manquée malgré plusieurs réformes

En France, l’impulsion donnée à la médiation a notamment pour origine la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, qui a imposé le recours à une tentative de médiation avant toute saisine de la juridiction pour des litiges spécifiques ou n’excédant pas 5 000 euros, sous peine d’irrecevabilité de la demande en justice. En jurisprudence, le non-respect d’une clause de médiation préalable convenue entre des parties est également constitutif d’une irrecevabilité. 

Au plan international, la Convention de Singapour sur les accords de règlement internationaux issus de la médiation a établi un cadre juridique harmonisé pour faciliter l'exécution des accords relatifs aux litiges commerciaux issus d'une médiation. Elle est entrée en vigueur le 12 septembre 2020.

Toutefois, l’essor de la pratique de la médiation s’est continuellement heurté et rencontre toujours des obstacles qui restent insuffisamment abordés : la mauvaise perception par les avocats et une absence d’uniformité des exigences de formation à la médiation.

Une mauvaise perception de la médiation par les avocats 

La médiation souffre de la faible promotion effectuée par les avocats eux-mêmes auprès de leurs clients. Ces derniers voient en ce processus une réduction potentielle de l’ampleur des dossiers qui leurs seraient confiés (tant en termes de durée que d’honoraires). Il s’agit là d’aprioris contestables !

En effet, l’avocat accompagnateur en médiation travaille lors de réunions préparatoires et de de médiation, en présence du client. Ce dernier ne peut que difficilement contester les honoraires émis eu égard au temps réel passé, dont il a été le témoin direct. Par ailleurs, le client intervenu en médiation est nécessairement décisionnaire. A l’issue d’une médiation lui ayant permis de trouver un accord, ce client a donné son aval sur l’accord trouvé et rentre dès lors satisfait. Satisfaction du travail d’un avocat est souvent synonyme de nouvelles instructions pour ce dernier, et ce d’autant que le client l’aura vu travailler et aura noué avec lui une relation humaine et de confiance solide au cours de l’exercice de la médiation.

Une absence d’uniformité des exigences de formation à la médiation

La médiation gagnerait également en popularité et en confiance auprès des avocats et des justiciables en se dotant d’exigences plus précises de formation des médiateurs. Sur ce sujet, différents instituts proposent des formations de médiateur mais il n’existe pas de formation professionnelle unique. Le code de procédure civile français n’exige pour le médiateur judiciaire ou conventionnel que la possession d’une « qualification requise eu égard à la nature » du différend ou la justification « d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation ». Il n’y a qu’en matière familiale qu’un diplôme d’Etat a été créé.

L’Association des Médiateurs Européens, qui a pour principale fonction la promotion et le développement de la médiation, ne reconnait que certaines formations, notamment celles attribuées par l’Institut de Formation à la médiation et à la négociation (IFOMENE) ou de l’Ecole de la Médiation du Barreau de Paris. D’autres formations sont proposées par la chambre de commerce et de l’industrie ou l’École Professionnelle de la Médiation et de la Négociation.

Les critères de formation minimum sont flous et malléables et les tentatives de restriction ne sont pas bien accueillies. Ainsi, la décision du Conseil National des Barreaux de modifier l’article 6.3.1 du Règlement intérieur national de la profession et d’imposer aux avocats souhaitant devenir médiateurs d’être d’abord référencés auprès du Centre national de médiation des avocats (« CNMA »), et dès lors de justifier de 200 heures de formation requise par ce Centre, a été annulée par le Conseil d’Etat en 2018.

Malgré les avantages de dialogue, de flexibilité et de maitrise de calendrier que peut apporter la médiation, cette pratique alternative reste donc peu évidente en France. A nous avocats de lui donner toute la place qu’elle mérite, en tant que rouage aussi indispensable à la résolution des litiges que les procédures contentieuses !

Martin Binder, Avocat, Simmons & Simmons