Annonces de réduction de prix : dernier round avant la fin du "prix de référence" réglementé

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Etienne Petit, juriste au sein du cabinet Mathieu & Associés, commente la remise en cause des réglementations nationales imposant un mode de détermination du prix de référence pour une réduction de prix chiffrée.

Après plusieurs contacts informels avec les autorités belges, une mise en demeure en février 2009, un avis motivé en mai 2010, la Commission européenne a engagé une procédure en manquement contre le Royaume de Belgique pour transposition incorrecte de la directive Pratiques Commerciales Déloyales du 11 mai 2005. Les conclusions de l’Avocat général qui viennent d’être publiées sur le site de la CJUE laissent peu de doute quant à l’issue de la procédure engagée (Concl., 26 nov. 2013, aff. C-421/12). Or, parmi les trois manquements invoqués, le second porte sur une question très concrète et centrale : une réglementation nationale peut-elle encore imposer un mode de détermination du prix de référence au commerçant qui fait une réduction de prix chiffrée ?

Pour l’Avocat général, non. Et si la réglementation en cause est Belge, la réponse sera parfaitement transposable à d’autres réglementations et, en particulier, à notre arrêté du 31 décembre 2008 relatif aux annonces de réduction de prix à l’égard des consommateurs.

De la Belgique au Luxembourg

La loi Belge du 6 avril 2010 prévoit qu’un produit ne peut être considéré comme faisant l’objet d’une réduction de prix que si son prix est inférieur au prix de référence qui correspond au prix le plus bas que l’entreprise a pratiqué pour ce bien, au cours de ce mois.

Un encadrement qui, pour la Commission, va au-delà des exigences posées par la directive PCD, laquelle a procédé à une harmonisation complète des pratiques commerciales déloyales et interdit aux États membres, dans son article 4, d’adopter ou de maintenir des mesures nationales plus restrictives, y compris lorsqu’elles sont destinées à garantir aux consommateurs une protection plus importante.

Sans surprise, c’est également l’avis de l’Avocat général qui conclut à un manquement à cet article 4.

Le Royaume de Belgique, sans contester pas que sa législation offre aux consommateurs une protection plus large que celle prévue par la directive PCD, s’estimait en droit de le faire en vertu de la directive du 16 février 1998 relative à la protection des consommateurs en matière d’indication des prix des produits offerts aux consommateurs. Selon lui, puisque la directive PCD ne contient pas de règles adaptées et harmonisées permettant d’établir la réalité économique des annonces de réduction de prix, le législateur belge était contraint de remédier à cette carence en se fondant sur la directive de 1998.

Or c’est accorder à ce texte une portée qu’il n’a pas : pour l’Avocat général, l’argumentation reposerait "sur une prémisse erronée" puisque, malgré son titre, la directive de 1998 "n’a pas pour objet la protection des consommateurs en matière d’indication des prix en général mais plutôt, de manière générale, leur protection face aux difficultés qui résultent de l’indication des prix des produits par référence à différents types de mesures". Elle se contente d’assurer une information homogène et transparente en ce qui concerne la quantification des produits à l’aide d’un système uniforme de mesures permettant la détermination de leur prix. Cette directive ne contient aucune disposition s’apparentant à des règles permettant d’établir la réalité économique des annonces de réduction de prix annoncées.

Partant, il ne s’agit pas d’une norme régissant "des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales" et elle n’entre pas dans le champ de l’article 3, paragraphe 4, de la directive PCD de 2005 qui prévoit qu’en cas de conflit entre ses dispositions et d’autres règles communautaires régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, "ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques".

Pour l’Avocat général, la directive PCD de 2005 ne permet donc pas l’interdiction de principe des annonces de réductions de prix non conformes aux dispositions d’une norme nationale. Une prohibition de cette nature ne serait admissible que si ce type d’annonces était prévu dans son annexe I qui dresse la liste exhaustive des 31 pratiques commerciales réputées déloyales per se, ce qui n’est pas le cas. Son interprétation sera-t-elle partagée par la Cour de Justice de l’Union Européenne ? Cela semble évident.

De la Belgique à la France

La situation dans laquelle se trouve la France est très proche de la Belgique, avec juste un temps de retard dans la procédure.

En effet, nous avons :
- un arrêté du 31 déc. 2008 qui prévoit que le prix de référence peut être le prix le plus bas pratiqué au cours des 30 jours précédant le début de la publicité,
- une mise en demeure adressée par la Commission en juin 2009 qui pointe, parmi d’autres, la non-conformité de ce texte aux dispositions de la directive PCD,
- une mise en demeure suivie d’un avis motivé en septembre 2011, dernière sommation avant le recours en manquement.

Que reproche donc la Commission à l’arrêté de 2008 ? Le contenu de ses articles 1 et 2 qui fixent respectivement le contenu obligatoire des publicités et le mode de détermination du prix de référence. Bref, juste le cœur du dispositif…

Plus précisément, la Commission européenne juge que le dispositif français va au-delà des exigences d’information prévues par l’article 7 de la directive (interdisant les omissions trompeuses) et empêche une appréciation in concreto du caractère trompeur ou non du prix. Selon elle, "une annonce de réduction réelle par rapport à un prix antérieur mais qui n’a pas été pratiqué pendant les 30 jours précédents est par conséquent interdite, alors même que son caractère trompeur au sens de la directive n’est pas avéré" (Mise en demeure, 25 juin 2009, p. 4).

En d’autres termes, ce qu’exigerait la directive, c’est juste une information complète portant sur les points que le consommateur a besoin de connaître pour se décider à acheter en connaissance de cause. Donc, dans le cadre d’une promotion par la réduction du prix, il suffirait de lui indiquer de quelle manière a été fixé le prix de référence retenu par l’annonceur et d’appliquer le montant de la réduction à ce prix de référence loyal.

A partir de là, il peut tout autant s’agir du "prix moyen pratiqué" ou du "prix maximum pratiqué" dans le réseau, ou encore du "prix moyen Drive" constaté sur une période de référence qui est mentionnée. Une période de référence d’une durée suffisante, mais qui peut très bien être inférieure à 30 jours. L’important réside dans la réalité et la représentativité du prix de référence retenu - deux éléments que l’annonceur devra pouvoir démontrer en cas de contrôle -, ainsi que dans la lisibilité et l’accessibilité des explications qui l’accompagnent.

Autre référence possible : celle établie par un tiers. Une référence reconnue, sérieuse et représentative, comme l’indice Nielsen auxquels certains annonceurs se réfèrent déjà. La Cour de cassation l’avait admis, il y a longtemps, à propos de l’utilisation, par un vendeur de voitures d’occasion, de la référence à la côte Argus (Cass. crim., 10 mai 1989, n° 87-82.512).

Désormais, la légalité d’une promotion par une réduction du prix ne devrait donc plus s’apprécier qu’au regard du droit des pratiques commerciales déloyales. Le fait de retenir un prix de référence trompeur, parce qu’il n’est pas représentatif, n’a pas été pratiqué ou a été artificiellement majoré, était et reste condamnable. La Cour de cassation l’a rappelé dans une affaire où la conformité de l’arrêté de 2008 était déjà invoquée (Cass. crim., 26 juin 2012, n° 11-86.267).

Dans ce contexte, continuer à se référer au prix des 30 derniers jours de l’arrêté de 2008 est bien sûr possible. S’en écarter parce que ce mode de détermination n’est pas adapté au profit d’un autre devrait l’être aussi, tant que cette référence et sa présentation demeurent loyales.

 

Etienne Petit, juriste au sein du cabinet Mathieu & Associés