Des universitaires proposent un autre Code du travail

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Un groupe d'universitaires, spécialisés en droit du travail, propose "une refonte du Code du travail réellement adaptée et protectrice" en réponse au projet de loi El Khomri.

Le mercredi 2 mars 2016, un groupe de 18 universitaires* spécialisés en droit du travail a présenté ses propositions pour un autre Code du travail pour "pour démontrer qu’il est possible de faire plus court, plus clair, plus protecteur et mieux adapté aux difficultés de notre temps sans porteratteinte aux intérêts de chacun" alors que el’avant-projet de loi El Khomri alourdit, complexifie et abîme un Code déjà bien affaibli.

Le point de départ d'un projet ambitieux

Ce projet ambitieux s'est initié en réponse à l'avant projet de loi El Khomri. Pour les universitaires, cet avant projet, élaboré par la Ministre du Travail, n'a en rien été une simplification, ou "une cure d'amaigrissement", bien au contraire puisque le texte réécrit a finalement enflé de 27%. Les universitaires soulignent que les seuls allégements effectués l'ont été sur "les droits, déjà bien fragiles, des salariés."Or ceux-ci estiment que si une refonte est nécessaire, il n'est pas question de sacrifier le fond au profit de la forme.

Une véritable réécriture

L'objectif est de tenter une réelle réécriture pour faire du Code du travail un ouvrage accessible et lisible, sans pour autant "s'enchaîner aux textes actuels" puisque les trois codes du travail de l'histoire sont considérés comme une compilation de textes antérieurs, "des suites de "copier-coller" plus ou moins bien ordonnés". Il s'agit d'insérer un débat démocratique pluraliste plutôt que consensuel. Mais puisque le droit du travail actuel s'appuie également sur des solutions historiques, il est question de les respecter tout en les adaptant aux problématiques de notre temps.

En opposition aux mesures du projet de loi El Khomri visant à un allongement de la durée de travail, les universitaires proposent de réaffirmer les conséquences positives de la réduction du temps de travail au sens où celle-ci est créatrice d'emploi.

Temps libre

En ce qui concerne le "temps de repos", les professeurs ont choisi de remplacer ce terme par la notion de "temps libre", ce changement n'est pas seulement terminologique, "il s'agit d'un choix de société essentiel, qui produit d'importantes conséquences et exige notamment une prévisibilité, pour le salarié, de son emploi du temps."

Droit à la déconnexion

S'accordant avec les bouleversements que le monde du travail a subis via la révolution numérique, l'"autre code" prévoit un droit à la déconnexion. Il est question de prohiber le "travail au sifflet" pour protéger le temps libre du salarié.

Cette refonte est un véritable allégement du Code du travail parce que des choses y ont été supprimées, par exemple le compte épargne temps : "Si les salariés souhaitent épargner une partie de leurs revenus, qu'ils le fassent. Ils n'ont nullement besoin qu'ont leur impose cette épargne, ni qu'on leur impose de placer cette épargne sur les comptes en banque de leur employeur."

Finalement, cette réécriture constitue un réel allégement par rapport aux propositions du projet de loi de la Ministre du Travail. En effet, ce projet, dont les parties sur les congés et le travail à temps partiel sont en cours de rédaction, compte 32409 caractères et réduit de 62% les 85.295 caractères du texte qu'il remplace. Les auteurs veulent montrer qu'il est possible d'offrir des solutions adaptées à notre temps. 

 Andrea Batignani

*Les membres du groupe de recherche (GR-PACT) : J.-F. Akandji-Kombé (Paris 1), G. Auzero (Bordeaux), D. Baugard (Paris 8), P.-E. Berthier (Lyon) L. Camaji (Paris Sud), F. Debord (Lyon 2), J. Dirringer (Rennes 1), E. Dockès (Paris Ouest Nanterre, coordination), C. Giraudet (Lyon 2), F. Héas (Nantes) , M. Keim-Bagot (Paris 1), S. Laulom (Lyon C. Nicod (Lyon 2), S. Rozes (Paris Ouest Nanterre), M. Sweeney (Dauphine), S. Tournaux (Bordeaux), C. Vigneau (Paris 1).