Projet de loi sur la prime de partage de la valeur ajoutée

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Jérémie Boublil, Avocat au cabinet Bignon Lebray nous livre un commentaire du projet de loi sur la prime de partage de la valeur ajoutée avec quelques indications indispensables pour anticiper cette prime.

Appelée tout d’abord "Prime de 1000 € ", puis "prime de dividendes" et "prime de partage de la valeur ajoutée", les contours de cette prime se précisent désormais après son adoption en Conseil des Ministres le 25 mai dernier.

Prévue à l’article 1er du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011, cette prime de partage de la valeur ajoutée oblige les sociétés d’au moins 50 salariés dont le montant des dividendes par action est en augmentation à budgéter le coût supplémentaire d’une prime, sauf à prévoir -si cela est encore matériellement possible- une distribution de dividendes qui n’excéderait pas la moyenne des dividendes versés au titre des deux exercices précédents.

Les entreprises de moins de 50 salariés quant à elles devraient sans doute s’interroger sur l’opportunité de mettre en place volontairement un tel dispositif compte tenu du régime social de faveur y afférent.

Quelles sont les entreprises concernées par cette prime de partage de la valeur ajoutée?

Le projet de loi prévoit que la prime de « partage de la valeur ajoutée » concernerait les sociétés remplissant les conditions cumulatives suivantes:

(i) les sociétés commerciales du secteur privé et certaines sociétés du secteur public (qui ne bénéficient pas de subventions d’exploitation, ne sont pas en situation de monopole et ne sont pas soumises à des prix réglementés), et

(ii) qui emploient habituellement cinquante salariés et plus, et

(iii) dont le montant par action des dividendes est en hausse par rapport à la moyenne des deux exercices précédents. Lorsqu’une société appartient à un groupe, ce sont les dividendes versés par l’entreprise dominante qui sont pris en considération et qui entraînent, en cas de hausse, l’obligation de verser la prime pour tous les salariés du groupe.

Par ailleurs, si les entreprises de moins de cinquante salariés ne seraient pas tenues de verser une telle prime, elles auraient en revanche la faculté de négocier et verser une prime pour l’ensemble de leurs salariés si les dividendes par action qu’elles versent à leurs actionnaires sont en augmentation. Elles bénéficieraient alors également du régime social de faveur décrit ci-dessous.

Quelles seraient les alternatives à la mise en place de cette prime de partage de la valeur ajoutée ?

Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 permet à la négociation collective d’entreprise d’instaurer un autre avantage pécuniaire que la prime: supplément d’intéressement ou de participation, attribution d’actions gratuites ou autre avantage pécuniaire dès lors que celui-ci bénéficie à l’ensemble des salariés.

En quoi consisterait l’obligation de mise en place de cette prime de partage de la valeur ajoutée ? 
Pour les sociétés soumises à cette obligation, il s’agirait non seulement d’une obligation de négocier au sujet de cette prime, mais également d’une obligation de versement de cette prime à tous les salariés de l’entreprise.

Le projet de loi fixe les modalités possibles de mise en place de la prime qui seraient identiques à celles prévues pour l’intéressement ou la participation, à savoir :  
- convention ou accord collectif de travail, ou
- accord entre l’employeur et les représentants des organisations syndicales, ou
- accord conclu au sein du comité d’entreprise, ou
- ratification d’un projet de contrat par référendum à la majorité des deux tiers du personnel.
Cette négociation serait ainsi obligatoire ; le non-respect de cette obligation serait passible de sanctions (emprisonnement d’un an et amende de 3.750 €).

La prime devrait être mise en place dans les trois mois suivant l’assemblée générale qui a décidé d’attribuer des dividendes.

En cas d’échec des négociations, la prime serait mise en place unilatéralement par la société qui en fixerait le montant après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel (un procès-verbal de désaccord serait établi dans lequel seraient consignées en leur dernier état les propositions respectives des parties et la prime que l'employeur s’engage à appliquer unilatéralement).

Comment déterminer le montant de cette prime ?

La répartition de la prime pourrait, selon le projet de loi, être modulée entre les salariés en fonction de leur salaire et de leur ancienneté dans l’entreprise.

Cette prime ne pourrait en revanche se substituer à des augmentations de rémunération prévues par une convention ou un accord de branche, un accord salarial antérieur ou le contrat de travail. Elle ne pourrait non plus se substituer à aucun des éléments de rémunération versés par l’employeur ou qui deviendraient obligatoires en vertu de règles légales, ou de clauses conventionnelles ou contractuelles.

En pratique, le montant de la prime devrait sans doute dépendre du régime social de faveur décrit ci-dessous.

Quel régime social pour cette prime ?

Cette prime serait soumise au forfait social de 6 % à la charge de l'entreprise et à la CSG- CRDS pour le salarié (au taux de 8% sur 97% de son montant), mais serait exonérée de cotisations sociales.

Ce régime social de faveur serait toutefois limité à un plafond fixé à 1 200 € par salarié et par an. La fraction de la prime excédant ce montant serait en revanche soumise aux cotisations sociales habituelles.

Quel calendrier pour l’entrée en vigueur de cette prime ?

Pour mémoire, ce projet de loi a été adopté en Conseil des ministres le 25 mai dernier et devrait être soumis à l’Assemblée Nationale à partir du 14 juin, puis au Sénat à compter du 28 juin pour une adoption définitive prévue au mois de juillet.

Contrairement à d’autres dispositifs mis en place par le passé, cette prime serait d'application pérenne.

Cette prime serait par ailleurs applicable aux attributions de dividendes autorisées à compter du 1er janvier 2011 au titre du dernier exercice clos.

Si en principe la prime devrait être mise en place dans les trois mois suivant l’assemblée générale qui a décidé d’attribuer des dividendes, ce délai de trois mois commencerait à courir à compter de la date de publication de la loi au cas où les attributions de dividendes seraient déjà intervenues à cette date.

Jérémie Boublil, Avocat, Bignon Lebray