La suppression (ou presque) du nombre minimal d’actionnaires d’une société anonyme

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Tanguy Dubly, avocat, Bignon LebrayJusqu’à présent, le capital social d’une société anonyme (SA) devait être détenu par au minimum sept actionnaires. L’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 fait voler en éclat cette contrainte, en permettant à une SA d’être détenue par seulement deux actionnaires.

Un décret de septembre 2015 prévoit qu’une société anonyme ne doit plus obligatoirement avoir 7 actionnaires, mais 2 au minimum. C’est un changement majeur du droit des sociétés. Cette obligation de 7 actionnaires était devenue un peu obsolète et très contraignante, de nombreuses sociétés étant obligées de donner ou prêter une action à certaines personnes dans le seul but de satisfaire à cette règle.

C’est une petite révolution passée quelque peu inaperçue qui vient de se produire, dont il faut se réjouir, mais qui pose par ailleurs quelques questions.

SIMPLIFICATION BIENVENUE DE L’ACTIONNARIAT DE LA SOCIETE ANONYME

Les règles de fonctionnement de la SA sont définies précisément par le Code de commerce (capital social minimal, conseil d’administration, fonctionnement des assemblées, etc.).

En opposition à la société par actions simplifiée (SAS), qui doit son succès à sa très grande souplesse, la SA représente un gage de sécurité. Pour cela, la SA reste très appréciée, en particulier, des grandes sociétés ou des fonds d’investissement.

Seulement, face au besoin de souplesse et de réactivité actuel, certaines règles peuvent vite devenir des contraintes, et doivent alors être adaptées intelligemment. Dans ce sens, la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 avait par exemple supprimé l’obligation faite aux administrateurs d’une SA de détenir au moins une action de la société. Cette obligation obligeait de nombreuses sociétés à mettre en place des mécanismes de prêts d’actions entre actionnaires pour s’y conformer…

L’obligation d’avoir au moins sept actionnaires tendait vers les mêmes absurdités : on ne compte plus le nombre d’actionnaires de SA ayant été parachutés en qualité d’actionnaires, détenteurs d’une seule action, pour la seule nécessité de se conformer à la loi !

Cette réforme semble opportune car cette contrainte pouvait clairement dissuader de choisir la SA comme forme sociale. Pour les SA existantes souhaitant profiter de cette simplification, attention tout de même à ce que les statuts ne rappellent pas cette exigence de sept actionnaires, auquel cas une mise à jour s’imposera.

LES « LIMITES » DE LA REFORME

Il semble que ce texte s’inscrive plus généralement dans une volonté de renforcement de la compétitivité de la France au niveau européen, en s’alignant sur le Royaume-Uni, la Belgique et l’Italie, où deux actionnaires suffisent pour créer une société anonyme.

Le texte n’est cependant pas allé jusqu’à supprimer totalement le nombre minimal d’actionnaires, comme cela est par exemple déjà le cas en Allemagne. Le législateur a semble-t-il voulu marquer la différence de la SA avec les SAS et SARL, où un seul associé suffit. L’utilisation de la SA en tant que filiale d’un groupe détenue à 100 % n’est donc pas pour tout de suite.

Par ailleurs, il faut noter que la suppression de l’exigence d’avoir sept actionnaires ne s’applique que pour les SA non cotées. On peut légitimement s’interroger sur l’opportunité de maintenir cette règle pour les sociétés cotées, qui ont de toute façon toutes plusieurs actionnaires.

Précisons enfin que les sociétés d’exercice libéral à forme anonyme restent soumises à l’exigence spécifique d’avoir au minimum trois actionnaires, conformément à l’article 4 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990.

Cette réforme devrait renforcer l’attractivité de la société anonyme et permettre une simplification de l’actionnariat dans de nombreuses SA existantes. Il y a cependant fort à parier que son régime s’assouplisse encore davantage dans les années à venir.

Tanguy Dubly, avocat, Bignon Lebray