Frédéric Sicard : "Il est bien triste que la République en soit arrivée là, avec de mauvaises manies de services qui font des rapports sans références"

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Arnaud Dumourier, Directeur de la Rédaction du Monde du Droit, a interwievé Frédéric Sicard, bâtonnier de Paris, après 6 mois à la tête du barreau de Paris.

Interrogé par Le Monde du Droit sur son bilan après 6 mois à la tête du barreau de Paris, Frédéric Sicard, bâtonnier de Paris, a déclaré : "Beaucoup plus de transparence mais c'était le jeu de ce que nous souhaitions, c'est à dire la démocratie véritablement participative. Je pense que ça, c'est réussi. C'est fait. Maintenant, il faut retirer les fruits de cette démocratie participative, c'est-à-dire un conseil de l’Ordre qui travaille énormément. Nous avons examiné plus de 120 rapports depuis le début du mois de janvier, ce qui en 6 mois, est énorme. Nous avons secoué à peu près tous les sujets. Nous avons réduit drastiquement les dépenses du conseil de l’Ordre mais maintenant il nous faut rentrer dans l’action en utilisant les économies que nous avons réalisées. Ensuite, nous avons eus des débats totalement transparents. Alors, bien sûr, il y a encore des ajustements. Il y a encore beaucoup de choses à faire. Nous sommes sur la voie du travail qui était la voie que nous appelions de nos vœux et la voie de la démocratie participative".

Par ailleurs, le bâtonnier de Paris, s’est exprimé pour la première fois sur le rapport sur la protection des magistrats qui présente les avocats comme une menace : "la question essentielle que l’on se pose quand on lit ce rapport c’est de quoi parle-t-il ? Il ne s’agit pas du ministre mais il s’agit des responsables du ministère qui racontent des trucs au ministre sans qu’on sache qui ? Quand ? Où ?Je m’en suis immédiatement inquiété et on m’a répondu, certes oralement, « mais ne vous inquiétez pas cela ne concerne pas le barreau de Paris ». Je préviens mes confrères, ce rapport ne concerne a priori pas le barreau de Paris et on aurait dû donc écrire que les barreaux de province sont a priori en train de menacer quotidiennement les magistrats. A priori aussi, en province, puisque l’on m’explique que cela ne se passe pas à Paris. Je n’y crois pas un instant mais, si par politesse, on veut m’expliquer que l’on n’a pas de nom(s), pas d’incidents, rien à relater et que tout ceci n’est que de la rumeur alors pourquoi je n’y croirai pas. En tout cas, je note que ce rapport se termine par la nécessité d’une bonne concertation. Il est certain que s’il on était venu me voir par avance – donc si on avait fait un peu de concertation avant de déposer le rapport – cela m’aurait permis de dire aux rédacteurs du rapport – qui manifestement ne sont pas au courant – que nous voyons au minimum une fois par mois M. le président du Tribunal de grande instance, le procureur de la République, madame la première Présidente, de telle sorte qu’en matière de concertation, on peut difficilement faire mieux puisque c’est une fois par mois, voire plus si affinités ou nécessité. Par ailleurs, nous avons un avocat général qui est totalement dédié aux rapports avocats-magistrats et aux rapports disciplinaires de la profession, M. Michel Bernoux, qui fait vraiment son travail, qui est un homme extrêmement actif. Je lui écris autant que de besoin pour lui dire « écoutez s’il y a quelque chose à me dire, n’hésitez pas, donnez-moi les noms, j’agirai. » mais lui aussi, malheureusement, était bien en peine de dire de quoi ce rapport parlait. Alors, que puis-je dire et que puis-je conclure ? Il est bien triste que la République en soit arrivée là, avec de mauvaises manies de services qui font des rapports sans références, spécialement quand ce sont des rapports qui émanent de très hauts magistrats. On aurait aimé avoir quelques précisions, quelques pièces justificatives, des statistiques. Nous nous en passerons. Nous aurions aimé un peu de concertation. Là encore, nous nous en passerons. Je préfère penser que ces méthodes sont des méthodes d’un autre temps. Et qu’elles n’ont absolument aucun avenir. La seule chose qui soit intéressant, c’est le prochain rapport. Celui qui sera réellement fait avec de la concertation."

Enfin, interrogé sur ses rapports avec le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, Frédéric Sicard a indiqué :"J’ai une petite faveur pour ce ministre parce que j’estime qu’il est très direct. Il n’a tenu aucun engagement mais il ne m’avait rien promis donc à partir de là, je ne peux rien lui reprocher. Il a été extrêmement droit et je n’ai aucune difficulté avec M. le ministre de la Justice, garde des Sceaux. Je suis plus réservé – vous l’aurez-compris – sur la méthode des services mais d’ailleurs sans pouvoir leur reprocher quoi que ce soit puisque ces méthodes sont maintenant les méthodes de ces directions et services depuis des dizaines d’années. Ce sont de mauvaises méthodes auxquelles il va falloir mettre fin. On joue sur la division, la rumeur ou l’inexactitude. Moi, je préfère les gens qui agissent et qui font ce qu’ils disent avec la certitude que l’action donnera ses fruits. J’ai le sentiment que le ministre nous promet peu mais que les quelques actions qu’il est en mesure de mener peuvent être efficaces, à la condition encore une fois qu’il y ait de la concertation. Je l’appelle de mes vœux."