Comment les dirigeants des moyennes et grandes entreprises perçoivent les mesures Hollande ?

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Une étude a été conduite par Denjean & Associés, cabinet d’audit et d’expertise comptable grands comptes, en ce début d’année 2013, afin de connaître l'opinion des dirigeants des moyennes et grandes entreprises françaises sur les mesures Hollande.

Il s’agit de la première étude réalisée en France sur l’impact des mesures Hollande auprès des dirigeants de moyennes et grandes entreprises, depuis leur mise en place. L’étude a été réalisée durant les mois de novembre, décembre 2012 et janvier 2013 avec la société d’études EPSY.

200 responsables de grandes entreprises de 50 à 2 000 salariés et plus ont été interrogés par téléphone sur rendez-vous.


METHODOLOGIE ET PANEL : 200 directeurs de moyennes et grandes entreprises interrogées

  • La population interrogée : les dirigeants (Directeur Général, Président, Gérant) des entreprises de 50 à 2 000 salariés et plus
  • Le terrain s'est déroulé du 14 novembre 2012 au 17 janvier 2013. Cette longue durée s'explique par la qualité des répondants : présidents, directeurs généraux, directeurs généraux adjoints
  • Tous les entretiens ont nécessité des prises de rendez-vous par téléphone, en raison des disponibilités limitées des interlocuteurs (6 dirigeants ont préféré répondre par internet au questionnaire. Pour certaines questions, les dirigeants interviewés nous ont mis en relation avec leurs directeurs financiers ou juridiques)
  • Un total de 200 questionnaires ont été réalisés
  • Le questionnaire a été élaboré par Denjean & Associés
  • 21 questions ont été posées : 14 relevant de la fiscalité des entreprises, et 7 relevant de la fiscalité personnelle et 2 d’ordre général


SYNTHESE DE L’ENQUETE :

Thierry Denjean, Président de Denjean & Associés

 

 

 

 

Avec les commentaires de Thierry Denjean, Président de Denjean & Associés



 

I. La fiscalité des entreprises

Les mesures Hollande inquiètent :

  • 58.1% des dirigeants estiment que ces mesures ne sont pas justifiées dans le contexte économique actuel
  • 69.1% des dirigeants jugent les mesures Hollande inquiétantes. L'inquiétude croit en fonction de la taille et du chiffre d'affaires réalisé
  • 71.5% des dirigeants estiment que ces mesures sont de nature à décourager l'entrepreneuriat

Pour la plus grande majorité des dirigeants, la politique conduite est jugée éloignée des intérêts de l'entreprise, voire de l'entrepreneuriat. Au lieu d'inciter les dirigeants à se mobiliser sur des objectifs positifs, elle les conduit à se polariser sur les moyens leur permettant d'éviter la rigueur de ces mesures. Parmi ces moyens d'évitement, les délocalisations deviennent un outil.

"L’incidence sur l’entrepreneuriat est important : nous observons dans notre clientèle de fonds d’investissement, de jeunes sociétés localisées à Londres, Pékin, Dublin qui autrefois auraient démarré à Paris chez un incubateur et que nous ne découvrons que plus tard, lors de leur levée de fonds", déclare Thierry Denjean.

Par ailleurs, les dirigeants d'entreprise estiment que continuer à produire en France est un acte patriotique (89.6%) qu'il est impératif de ne pas pénaliser.

Les conséquences des mesures Hollande

Pour les dirigeants d'entreprise, les conséquences des mesures Hollande vont pénaliser à la fois les rémunérations des employés comme celle des cadres dirigeants, modifier les intentions d'embauche, voire amplifier les restructurations envisagées et impacter les structures capitalistiques.

1. La suppression des heures supplémentaires concerne 68.4% des dirigeants interrogés.

-> Conséquences directes :

  • D'une part, modifications des politiques de rémunération (28.1%), révision des accords d'intéressements (12.3%) et compensation par une augmentation des avantages en nature (5.2%)
  • D'autre part, embauche pour compenser (18.4%)

Des résultats qui traduisent une tendance à la modification à la baisse de la rémunération sous toutes ses formes et qui laisse peu augurer un effet sur l'emploi.

2. L'alourdissement de la fiscalité sur le travail concerne 51% des dirigeants interrogés

-> Conséquences directes :

  • Limiter l'embauche de cadres étrangers (7.8%)
  • Répartir les rémunérations sur plusieurs pays (13.6%)
  • Inciter les cadres dirigeants à s'expatrier (9.5%)
  • Réfléchir à une délocalisation (9.7%)

L'alourdissement de la fiscalité du travail va conduire environ 10% des entreprises à modifier la gestion de ses cadres de direction. Des décisions lourdes de conséquences en matière de dynamisme économique.

"Même s’il ne faut pas sous-estimer les risques de départs engendrés par l’alourdissement de la fiscalité sur le travail notamment dans les plus petites entreprises, très peu de grands dirigeants sont enclins à s’expatrier : les intérêts du groupe et de l’entreprise qu’ils dirigent priment encore et toujours sur les notions de fiscalité personnelle. Par ailleurs, l’entreprise internationale française a depuis longtemps déclinée ses organigrammes de direction dans toutes les zones géographiques de la planète", observe Thierry Denjean.

3. La taxation du capital au même niveau que le coût du travail va inciter environ 25% des entrepreneurs à modifier leur politique de rémunération et à faire évoluer leur structure capitalistique et de management.

-> Conséquences directes :

  • Modifier leur politique de rémunération (32.0%)
  • Modifier leur politique de distribution des dividendes (28.4%)
  • Réorganiser leur structure capitalistique (24.6%)
  • Répartir différemment leur politique de production au niveau mondial (16.6%)
  • Délocaliser leur siège social (8.2%)

L'emploi, les rémunérations, le capital et la localisation de la production peuvent être impactés. A la recherche de compétitivité est substituée la recherche d'une fiscalité moindre !

"L’incidence des politiques de rémunération sur la structuration capitalistique et en conséquence la politique de dividendes est difficile à mesurer. Elle reste très limitée pour l’essentiel de notre clientèle grands comptes », explique Thierry Denjean. « Il en est de même de l’optimisation de la production qui a déjà été depuis longtemps réalisée par nos clients."

Les conséquences sur les entreprises du niveau actuel du coût du travail

L'emploi serait la grande victime du niveau actuel du coût du travail (38.4%). Le niveau de taxation conduirait à la délocalisation (externalisation) de certains départements (38.4%), au changement de positionnement produit (20.4%) qui peut avoir également des effets en matière d'emploi et de localisation de production, voire d'abandon de l'activité en France (17.7%). 8.0% des dirigeants entameraient une démarche de cession de leur outil de production.

La délocalisation

Tout d'abord l'état des lieux : 91.5% des entreprises n'ont encore rien délocalisé. 7.0% ont délocalisé une partie de leur activité et 1.5% une partie de leur management de direction.

Le processus de délocalisation demande pour un dirigeant sur deux au maximum un an. Pour les autres, c'est plus long. 4% des dirigeants ont sollicité des spécialistes en vue d'un accompagnement à la délocalisation et 6.1% l'ont été de la part de ces spécialistes.

Ces chiffres illustrent une prise de conscience qui commence à se traduire par des actions concrètes. La période de la menace brandie par certains est dépassée. Les cas Depardieu ou Arnault ne sont que la face émergée d'une tendance qui touche désormais une frange significative d'entrepreneurs.

"L’externalisation d’une partie de l’activité et surtout du management n’est pas une donnée récente : nombre de nos interlocuteurs grands comptes opèrent déjà de Londres ou des Etats-Unis. Cette situation s’intensifie. Dans notre département d’expertise comptable spécialisé en immobilier qui regroupe la une grande majorité d’actifs appartenant à des grands groupes, il est désormais fréquent que l’on nous demande de domicilier les entités à notre adresse sociale" commente Thierry Denjean.

Quelle politique fiscale ?

La réduction du coût du travail passe pour les dirigeants principalement par un transfert sur la TVA (53.8%). 34.9% préféreraient un mix TVA/CSG. Les partisans de la CSG seuls sont très minoritaires (11.3%).

Le pays modèle en la matière est incontestablement l'Allemagne (56.1%). Avec la Grande Bretagne et la Belgique, le pourcentage dépasse les 75%.

La mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l’emploi est approuvée par 66.7% des dirigeants et 70.4% estiment que c'est une bonne mesure. Les autres dans leur majorité regrettent que le gouvernement restitue d'une main, une partie moins importante de ce qu'il a prélevé de l'autre !

"Sur le terrain, force est de constater un relatif désintérêt pour cette mesure : très peu de directeurs financiers ont recalé leurs budgets à l’appui de cette économie fiscale" commente Thierry Denjean. "Beaucoup la considère encore que comme un aléa et aucun chiffrage n’a été réalisé par notre département social pour l’un de nos clients".

Enfin, en ce qui concerne les niches fiscales, les avis divergents : 90.5% estiment que l'exonération de l'outil de travail est justifiée. Il en est de même en ce qui concerne les forêts (59.1%), et dans une moindre mesure les monuments historiques (45.5%). Les investissements dans les DOM/TOM (29.2%) comme les œuvres d'Art (12.0%) bénéficient d'un moindre intérêt.

Le rôle des organisations représentatives :

Les dirigeants apparaissent désabusés face à l'action de ces représentants. Seuls 7 dirigeants sur 10 estiment qu'elles sont en phase avec leurs préoccupations. Les nouvelles formes de protestations comme le mouvement des "Pigeons" les séduisent davantage (53.5% se déclarent en phase), mais séduction ne veut pas dire adhésion : 20.0% des dirigeants seraient prêts à rejoindre ce mouvement.

II. La fiscalité des dirigeants

Les nouvelles règles en matière d'ISF vont avoir pour conséquence une délocalisation de certains actionnaires (30.5%), contraindre certains entrepreneurs à s'expatrier lors de la cession de leur entreprise (14.0%) et dans une moindre mesure à demander une naturalisation ailleurs (6.3%).

5% environ des dirigeants ont déjà un projet d'investissement dans un autre pays.

Pour faire face à la complexité des mesures fiscales, ils ont recours principalement aux conseils de leur entreprise (56.9%) et de leur banque (53.3%).

L'expert-comptable de ces dirigeants a un rôle de conseil parmi l'ensemble du panel de conseil à disposition en matière d'optimisation fiscale personnelle. Ainsi, pour 79.8%, son rôle ne se limite pas à l'établissement des déclarations.

"L’expert-comptable conseil des grands groupes et des sociétés intermédiaires reste plus que jamais l’interlocuteur privilégié que l’on contacte en premier pour optimiser la fiscalité personnelle du dirigeant : c’est lui qui au départ orientera le chef d’entreprise vers les meilleurs interlocuteurs et au final mettra en œuvre la stratégie retenue, notamment au niveau du déclaratif." ajoute Thierry Denjean

Au final la politique fiscale du gouvernement Hollande inquiète autant les dirigeants d'entreprise à titre professionnel que personnel.