Les 5 grands chantiers de la justice : pistes de réforme

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Présentation des cinq chantiers de la Justice : transformation numérique, amélioration et simplification de la procédure pénale et de la procédure civile, adaptation du réseau des juridictions et sens et efficacité des peines.

Le 15 janvier 2018, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a reçu les rapports des cinq chantiers de la Justice à la Chancellerie.

Ces travaux ont pour objectifs de transformer en profondeur la Justice et de répondre efficacement aux attentes des justiciables.


Transformation numérique :

Le chantier "Transformation numérique" est la clé de voute des 5 chantiers de la justice car "du succès de ce chantier dépend en partie celui des 4 autres".

Un des points principaux de ce chantier est la constitution des "dossiers numériques uniques". En matière pénale comme civile, l’objectif poursuivi est celui d’une dématérialisation native des procédures, aboutissant à la création de dossiers numériques uniques, accessibles à tous les acteurs. Le basculement progressif vers cette dématérialisation complète, et notamment la possibilité d’une saisine en ligne, doit s’opérer par blocs de contentieux homogènes.
Cette saisine et ces échanges en ligne seront sécurisés au travers de processus d’identification conformes aux travaux ministériels en cours sur l’identité numérique et offrant de la sorte toutes les garanties de préservation des libertés individuelles et de la vie privée.

En terme de calendrier, le gouvernement prévoit que le socle technique (amélioration des réseaux, la modernisation des outils de travail du quotidien...) et certains applicatifs métiers seront mis à disposition en 2018/2019. L’accès en ligne à l’état de la procédure pour les justiciables sera possible à l’automne 2018 et la saisine en ligne des juridictions civiles à la toute fin de cette même année 2018. A l’horizon 2020, ce sont des procédures entièrement dématérialisées, dans le domaine pénal comme civil, le déploiement du numérique en détention, la consolidation des systèmes d’information, dont celui de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, qui seront effectifs.


Amélioration et simplification de la procédure pénale :

Tenant compte des attentes qui émanent directement du terrain, les propositions relatives à l'amélioration et la simplification de la procédure pénale visent à supprimer les trop nombreuses règles et formalités qui ralentissent le travail des enquêteurs, des magistrats et des fonctionnaires.
Elles simplifient autant qu’il est possible les règles existantes, sans évidemment porter atteinte aux exigences conventionnelles et constitutionnelles (ex : allongement de la durée de l’enquête de flagrance, extension éventuelle du recours à la visio-conférence…).

Ces propositions concernent donc les thèmes suivants :
- simplification de l’enquête ;
- simplification des procédures alternatives aux poursuites ;
- simplifications concernant l’instruction ;
- simplifications dans la poursuite et le jugement ;
- simplification de la procédure devant la cour d’assises.


Amélioration et simplification de la procédure civile :

Le rapport propose de simplifier, moderniser et alléger la procédure civile en première instance sur chaque étape du parcours judiciaire.

Premièrement, refonder l’architecture de la procédure de première instance :
- favoriser le recours au mode amiable de résolution des litiges entre justiciables ;
- institution du Tribunal judiciaire, une juridiction unique et recentrée qui remplacerait les différentes juridictions judiciaires existantes afin d’instaurer un point d’entrée unique de toutes les demandes et procédures en matière civile.

Deuxièmement, unifier la procédure civile :
- la saisine d'une juridiction est, par principe, effectuée par la voie électronique ;
- mise en place d'un acte de saisine judiciaire unique via un formulaire disponible sur internet afin de faciliter l’accès au juge et de réduire les risques d’irrecevabilité des saisines.

Enfin, repenser les droits et acteurs du procès :
- extension progressive de la représentation obligatoire par l’avocat ;
- procédure plus rapide et numérisée pour les "petits litiges" (litiges inférieurs à 5.000 €) ;
- installation d'une mise en état conventionnelle, sous la responsabilité des avocats, où le juge ne reprendra la main sur l’instruction de l’affaire qu'en cas d’échec ;
- principe de collégialité des formations de jugement réaffirmé et devant siéger dans les juridictions de première instance des magistrats expérimentés ;
- harmonisation de la jurisprudence, renforcée par un dialogue simplifié entre les juridictions du fond et la Cour de cassation, qui pourrait jouer un rôle dans l’organisation de la gestion des litiges sériels (préjudices de masse qui concernent plusieurs tribunaux sur le territoire national) ;
- exécution des décisions civiles, rendue plus efficace grâce à l’exécution provisoire de droit, permettant au créancier de mettre à exécution la décision dès le jugement rendu, sauf si le juge l’a expressément écartée pour tout ou partie de la condamnation.


Adaptation du réseau des juridictions :

Les propositions visant à adapter les deux degrés (première instance et appel) de juridiction de notre organisation judiciaire ont été guidées par les besoins de clarté et de lisibilité de l’organisation judiciaire, de proximité avec les justiciables, de spécialisation des magistrats, de collégialité dans leur exercice et de partenariat avec les professions judiciaires, avec la nouvelle organisation territoriale de la République, reposant sur le maintien du maillage actuel des juridictions et la prise en compte de la transformation numérique.

Les juridictions d’appel ont vocation à être reconfigurées en réseau à l’échelle des régions et des territoires, selon ces principes directeurs :
- maintien de toutes les cours d’appel avec à leur tête un premier président et un procureur général ;
- mise en cohérence de l’organisation judiciaire avec l’échelon administratif régional sauf cas exceptionnel ;
- concertation régionale pour la modification des ressorts géographiques afin d’accompagner cette mise en cohérence ;
- attribution à une cour d’appel par région administrative d’un rôle de coordination et d’animation régionale ;
- pilotage de la gestion budgétaire par la cour d’appel régionale et attribution d’une gestion administrative et budgétaire de proximité aux autres cours ;
- détermination d’un socle de compétences juridictionnelles commun à toutes les cours ;
- répartition de compétences spécialisées entre toutes les cours d’appel de la région après concertation régionale ;
- définition d’une procédure de "délestage" au plan régional (renvoi d’instances entre juridictions du ressort pour en optimiser les délais de traitement).

Les juridictions de première instance seront adaptées à l’échelon administratif départemental. S'en suivront les modifications suivantes :
- instauration, aux lieu et place des TI et TGI, de tribunaux de proximité et de tribunaux judiciaires en fonction des caractéristiques des territoires et des volumes et types de contentieux ;
- nouvelle répartition des contentieux, civils et pénaux, entre les tribunaux de proximité et les tribunaux judiciaires selon un double principe "proximité/spécialité" ;
- définition des modalités d’une procédure de "délestage" au plan départemental (renvoi d’instances entre juridictions du ressort pour en optimiser les délais de traitement).


Sens et efficacité des peines :

Différents constats permettent de dire qu'il faut s'interroger sur le sens et l'efficacité des peines.
D'abord, notre système d’aménagement et d’application des peines est devenu trop complexe.
Ensuite, pour que la peine soit pleinement efficace, il faut qu’elle permette la réinsertion dans la société et qu’elle évite la récidive.
Enfin, il faut sortir du fatalisme du "tout prison" et explorer davantage les nouvelles sanctions faisant appel aux techniques de surveillance moderne qui peuvent s’avérer très contraignantes et favoriser la réparation due aux victimes.
Ainsi, il faut revoir en profondeur notre système d’exécution et d’application des peines afin de régler la question de la surpopulation carcérale et d’alléger la charge des parquets et des services d’application des peines.

Il est donc proposé de :
- favoriser une meilleure exécution des peines ;
- promouvoir des peines alternatives à l’incarcération efficaces notamment pour les courtes peines ;
- améliorer la connaissance des personnes prévenues et condamnées pour mieux personnaliser la peine ;
- restreindre le recours à la détention provisoire ;
- simplifier l'arsenal des peines ;
- systématiser et faciliter une sortie de détention en aménagement de peine ;
- prévoir un dispositif de lutte contre la surpopulation carcérale ;
- simplifier la procédure d’application des peines.

© LegalNews 2018

Références

- Communiqué du ministère de la Justice du 15 janvier 2018 - “Restitution des Chantiers de la Justice” - Cliquer ici

 

- Dossier de presse du ministère de la Justice du 15 janvier 2018 - "Chantiers de la justice - l’essentiel des propositions des référents" - Cliquer ici

 

- Livre 1 des chantiers de la justice de Jean-François Beynel et Didier Casas, remis au ministère de la Justice, 15 janvier 2018 - "Transformation numérique" - Cliquer ici

 

- Livre 2 des chantiers de la justice de Jacques Beaume et Franck Natali, remis au ministère de la Justice, 15 janvier 2018 - "Amélioration et simplification de la procédure pénale" - Cliquer ici

 

- Livre 3 des chantiers de la justice de Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis, remis au ministère de la Justice, 15 janvier 2018 - "Amélioration et simplification de la procédure civile" - Cliquer ici

 

- Livre 4 des chantiers de la justice de Dominique Raimbourg et Philippe Houillon, remis au ministère de la Justice, 15 janvier 2018 - "Adaptation du réseau des juridictions" - Cliquer ici

 

- Livre 5 des chantiers de la justice de Bruno Cotte et Julia Minkowski, remis au ministère de la Justice, 15 janvier 2018 - "Sens et efficacité des peines" - Cliquer ici

Sources

Dalloz actualité, article, 16 janvier 2018, note de Marine Babonneau, “Chantiers de la justice : la transformation numérique, ‘cœur du réacteur’” - Cliquer ici

Libération, 15 janvier 2018, p. 5, Renaud Lecadre, ”‘Chantiers de la justice’ : les premières pistes d’une réforme dévoilées“ - Cliquer ici

Mots-clés

Organisation judiciaire - Procédure civile - Procédure pénale - Droit pénal - Chantiers de la justice - Transformation numérique - Dossiers numériques uniques - Simplification des règles -Mode amiable de résolution des litiges - Tribunal judiciaire - Tribunaux de proximité - Saisine par voie électronique - Acte de saisine judiciaire unique - Adaptation du réseau des juridictions - Maillage des juridictions - Juridiction d’appel - Juridiction de première instance - Procédure de délestage - Sens et efficacité des peines - Peine alternative à l’incarcération - Lutte contre la surpopulation carcérale - Avocat - Magistrat - Huissier