CEDH : violation de la liberté d'expression d'un juge par la Pologne

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Est assimilé à de l’intimidation et viole l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme la prise de mesures gouvernementales, par la Pologne, évinçant un juge ouvertement détracteur de la politique gouvernementale.

Un ressortissant polonais, juge et détracteur de la politique gouvernementale relative à la justice, a vu son mandat au CNM prendre fin. Par ailleurs, au cours de l’année 2018, il a été relevé de ses fonctions de porte-parole du tribunal régional de Cracovie.
De plus, un contrôle fiscal a été effectué sur la période allant de novembre 2016 à avril 2018, ainsi qu'une enquête de l’inspection judiciaire et cinq procédures disciplinaires.

Le requérant allègue, devant la Cour européenne des droits de l’Homme (Cour EDH), la violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme (Convention EDH).

La Cour EDH, dans un arrêt du 16 juin 2022 (requête n° 39650/18), conclut à une violation de la liberté d’expression du requérant.
Elle commence par rappeler que les mesures prises par le gouvernement doivent être replacées dans leur contexte, c’est-à-dire le cadre général des réformes afin d’affaiblir l’indépendance de la justice.
La Cour précise que ces mesures étaient consécutives à des déclarations publiques faites par le requérant, critiquant les lois et politiques gouvernementales.

Par ailleurs, en ce qui concerne le contrôle fiscal, la Cour note qu’il a été initié par une irrégularité non précisée et qu’il a duré 17 mois, sans résultat concret.
L’enquête, quant à elle, a été initiée une journée après la réception d’une lettre anonyme concernant les critiques du requérant sur les réformes de la justice.

La Cour EDH précise qu’en sa qualité de juge ou porte-parole du CNM, le requérant avait le droit et le devoir de prendre la parole pour défendre l’Etat de droit et l’indépendance de la justice, étant l’une des figures les plus importantes du milieu de la justice en Pologne, qui avait défendu des valeurs fondamentales, dans un cadre professionnel. De ce fait, la protection de sa liberté d’expression et un contrôle de l’ingérence dans les droits du requérant devait s’imposer.

De plus, elle relève que sa révocation en tant que porte-parole du tribunal régional de Cracovie avait été faite sans l’avis de la commission.

La Cour conclut que l’accumulation de ces mesures peut être qualifiée de stratégie visant à intimider le requérant dans ses opinions.

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