Auditeur de justice : abrogation de la condition d'âge pour entrer à l'ENM

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La condition d'âge pour l'entrée à l'ENM par la voie du recrutement sur titres a été jugée discriminatoire par le Conseil d'Etat. Le gouvernement a trois mois pour faire procéder à l'abrogation de la condition litigieuse.

En l'espèce, la requérante se portait candidate à la fonction d'auditrice de justice à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM), par la voie du recrutement sur titres, en ce qu'elle remplissait la plupart des conditions énoncées à l'article 33 du décret du 4 mai 1972. Or, le paragraphe 1 de cette disposition règlementaire mentionne l'obligation d'être âgé de 31 ans au moins et de 40 ans au plus au 1er janvier de l'année en cours. La candidate ne remplissait pas cette condition.
La jugeant discriminatoire, elle en demande au garde des Sceaux la suppression pour excès de pouvoir.
Elle a finalement déposé une requête devant le Conseil d'Etat (CE), justifiant de son intérêt à agir contre l'acte règlementaire litigieux.

Après avoir énuméré les différentes voies d'accès au corps judiciaire par la voie de l'ENM, le Conseil d'Etat rappelle en substance, par une décision du 8 septembre 2021 (requête n° 453471), l'article 33 du décret du 4 mai 1972 concernant les critères du recrutement sur titres.

Sur le fondement de l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (CDFUE) (interdiction à la discrimination fondée sur l'âge) et sur les articles 2 (discrimination indirecte), 4 (objectif légitime et exigence professionnelle essentielle et déterminante) et 6 (certains cas prévus par la loi interne peuvent prévoir des différenciations fondées sur l'âge si elles sont objectivement et raisonnablement justifiées) de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, les dispositions du décret du 24 mai 1972 concernant la limite d'âge pour l'accès à l'ENM "constituent une discrimination directe fondée sur l'âge". 

Selon le Conseil d'Etat, le défendeur n'apporte aucune justification à cette différence de traitement qui pourrait légitimer ses qualités essentielle et déterminante.
D'ailleurs, la fonction d'auditeur de justice accessible par voie de concours n'est elle-même pas soumise à une limite d'âge.
Le Conseil d'Etat ne reconnaît pas cette condition comme étant "nécessaire et proportionnée à l'objectif poursuivi" puisque, selon le garde des Sceaux, cette nécessité se fonde sur la volonté de "réserver l'accès des personnes de moins de trente et un ans aux fonctions d'auditeurs de justice à la voie du concours".

Dès lors, la Haute juridiction administrative décide que la condition d'âge contenue dans l'article 33 du décret du 24 mai 1972 méconnait l'article 21 de la CDFUE et des dispositions de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000.

A ce titre, la requérante était fondée à réclamer l'annulation de la décision du ministre de la Justice refusant l'abrogation de ces dispositions.
Celles-ci étant illégales, le Conseil d'Etat enjoint au garde des Sceaux de procéder à l'abrogation du premier alinéa de l'article 33 du décret en cause.

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