Acharnement judiciaire à l'encontre d'un avocat

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Peut être caractérisée d'abusive une action en justice dirigée contre un avocat, apparaissant uniquement dictée par une intention de nuire : manque total de sérieux dans la caractérisation des fautes prétendument reprochées, absence de mise en cause du mandant de l'avocat, montant déraisonnable des dommages-intérêts réclamés et acharnement procédural.

Une procédure de saisie immobilière a été engagée par une banque à l'encontre d'une SCI.
La SCI n'a pas comparu à l'audience d'orientation et, en cours de délibéré, certains de ses associés ont sollicité la réouverture des débats aux fins de contester le caractère exécutoire de l'acte authentique fondant les poursuites et de fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l'immeuble.
Par un jugement d'orientation, le juge de l'exécution a déclaré irrecevable cette demande et ordonné la vente forcée du bien saisi. Le jugement a été signifié à la SCI, qui n'en a pas interjeté appel.
A l'audience d'adjudication, le juge de l'exécution a constaté la carence d'enchères et déclaré la banque adjudicataire.
Les associés ont alors formé tierce opposition contre le jugement d'orientation. Ils ont par la suite assigné en responsabilité civile l'avocat de la banque et sa SCP.
Le juge de l'exécution a déclaré irrecevables les tierces oppositions et a débouté les demandeurs de leurs prétentions.

La cour d'appel de Montpellier a confirmé le jugement en ce qu'il a condamné solidairement les associés à payer des dommages-intérêts à la société d'avocats.
Les juges du fond ont retenu que :
- l'action en responsabilité apparaissait uniquement dictée par l'intention de nuire à la SCP et en particulier à l'avocat de la banque, cette intention dolosive se déduisant, d'une part, du manque total de sérieux dans la caractérisation des fautes prétendument reprochées à ces auxiliaires de justice, d'autre part, de l'absence de mise en cause de la banque, mandante de ces conseils, alors qu'il n'était même pas allégué que les avocats auraient outrepassé les instructions données par la banque ou commis des fautes détachables du mandat qui leur avait été confié ;
- le quantum des sommes réclamées apparaissait totalement déraisonnable ;
- cet acharnement avait perduré plus de cinq ans, durant lesquels les associés avaient multiplié les incidents de procédure, avaient pris des écritures évolutives et avaient utilisé toutes les possibilités procédurales qui leur étaient offertes pour retarder l'issue du litige. Ce faisant, le préjudice causé aux parties adverses était considérable : pendant toutes ces années les avocats mis en cause avaient dû constituer avocat, se défendre d'accusations absurdes, dictées par une vindicte gratuite, comparaître à de multiples audiences où leur probité, leur conscience professionnelle avait été publiquement attaquée en présence de confrères et de justiciables. Leur réputation n'a pu qu'être entachée par un tel procès, des personnes peu averties et étrangères à cette affaire ayant pu prêter crédit aux accusations malignes des requérants et que les défendeurs avaient dû également consacrer beaucoup de temps pour les besoins de leur défense, au détriment de leurs autres activités, sans parler du retentissement moral et psychologique subis.

Dans un arrêt rendu le 1er juillet 2021 (pourvoi n° 19-17.923), la Cour de cassation considère que la cour d'appel, qui a caractérisé la faute constitutive d'un abus de droit, a légalement justifié sa décision.

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