La répartition du résultat dans les cabinets d’avocats - 1ère partie

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L’étude des systèmes de répartition du résultat est plus que jamais d’actualité dans un contexte économique perturbé d’une part, soumis à forte concurrence, d’autre part. Par Caroline Neveux, Jurimanagement

N’oublions pas que faute d’avoir trouvé le mode satisfaisant, de nombreuses structures souffrent de querelles internes dont l’ultime issue est bien trop souvent la scission des associés. Pour autant, et ce malgré les croyances qui sont tenaces en la matière, il n’existe pas de système de répartition universel et miraculeux. Chaque système est, d’une part le fruit de l’histoire du cabinet et des associés, d’autre part, révisable à périodicité constante pour prendre en considération les problématiques diverses survenant au cours de l’évolution de la structure. Cependant, il est possible de distinguer des grandes familles de systèmes de rémunération, dont la philosophie sous tend le développement du cabinet et influe sur les comportements au quotidien.

 

1.  Systèmes du lock-step

Le lock-step est basé sur un système de répartition des bénéfices entre associés, Il a pour origine les cabinets d’avocats britanniques. Les revenus sont partagés entre tous les associés selon le critère de l’ancienneté, qui prime ainsi sur la contribution de chaque associé. Ce modèle s’oppose notamment au système, initialement américain, du « eat what you kill » basé sur la rentabilité des avocats.

Ce système a ses adeptes, qui prônent des atouts qui découlent directement d’une logique favorisant l’intérêt du cabinet au détriment de l’intérêt personnel. Au rang de ces derniers, on peut citer, la cohésion entre associés, le partage des dossiers entre avocats, le développement d’un jeu collectif, la prévention des conflits.

Il convient de mettre en avant l’intérêt du client puisque son dossier sera traité par l’associé le plus compétent dans le secteur donné et non par celui qui aura un intérêt financier à le traiter. La méthode est censée le rassurer de par sa nature même : les associés n’étant pas rivaux, ils ne rechignent pas à faire intervenir le spécialiste sur le cas soulevé.

Enfin, le lock-step veut offrir la possibilité de transmettre très progressivement le savoir, la clientèle et, plus généralement, tout ce qui constitue la valeur et le good will du cabinet, sans que prévalent les problèmes de rémunération qui peuvent perturber la vie courante et ce, jusqu’aux ruptures.

Ce système est concrètement mis en application à partir d’une grille, dite « grille de lock-step » qui vise chaque année à octroyer des points aux associés en fonction, notamment, de leur ancienneté. Leur correspondance est constituée par un pourcentage qui sera appliqué au résultat à répartir. Dans la pratique, cela revient à attribuer à l’associé une rémunération technique évolutive.

Il n’est cependant pas dépourvu d’inconvénients, le premier étant la capacité des professionnels à raisonner en mode « jeu collectif ». Il convient, pour pouvoir appliquer un tel système, d’avoir un projet de cabinet très fort et très construit, un affectio societatis à toute épreuve et des valeurs communes importantes. Le second inconvénient est que le système du lock-step appliqué à 100 %, ne prend pas en compte les écarts de performance importants qui peuvent peser fortement sur l’équilibre à terme des rapports entre associés. Enfin, Il est difficile à appliquer dans les structures de petite taille ; il nécessite en effet un volume d’affaires dilutif des angoisses du carnet de commandes.

 

2.  Le « Eat what you kill »

A contrario, on trouve un système basé sur le rendement pur de chaque associé, le « Eat what you kill » ou, littéralement, « manger ce que l’on tue ».

Nous croisons fréquemment ce type de système dans les cabinets de petite taille avec toutefois un écueil fréquent qui est l’incapacité des associés à apprécier le véritable rendement individuel. Il est très souvent évalué en regard du chiffre d’affaires, parfois évalué en regard d’une comptabilité sommaire du chiffre d’affaires, sous déduction des charges directes. Il est très peu approché de façon budgétaire avec de réelles clefs de répartition des charges fixes. Le choix des clefs de répartition des charges communes est une donnée fondamentale pour calculer de façon fiable et équitable la répartition des indirects. On peut citer à ce titre, le « per capita », le nombre de m2 occupés et le nombre d’ETP (Equivalent Temps Plein).

Toutefois, même mis en application correctement, le choix unique de ce système est, à notre sens, aléatoire et dangereux pour les raisons inverses de celles que nous avons évoquées précédemment. En effet, il induit un risque évident de sortir de sa spécialité par le souhait de capter des dossiers en vue d’augmenter le chiffre d’affaires. Il incite donc à la création d’une forme de concurrence interne, déspécialisante. Il ne favorise en aucune manière la gestion du cabinet et la gestion collective, le temps à impartir à ces actions étant le plus souvent vécu comme pure perte. Enfin, il gomme le plus souvent l’indispensable dimension humaine nécessaire au socle du travail collectif. Il est à l’origine de nombreuses querelles au sein des cabinets ou encore à l’origine de cabinets fonctionnant somme des SCM, sans projet commun autre que celui de partager au mieux quelques charges.

 

3.  Systèmes mixtes

Faisant le constat que les préceptes préalablement décrits représentent des extrêmes, de nombreux cabinets de toutes tailles ont entrepris des refontes de leur système de répartition, visant à mâtiner et à ne conserver que les avantages préalablement décrits. Le jeu de cette mixité, résidera dans le fait d’équilibrer les meilleurs critères de répartition à une réalité économique et de fonctionnement.

 

4.  Cas de la rémunération du capital détenu

A l’instar de sociétés traditionnelles, certains cabinets prônent des systèmes de répartition du résultat rémunérant le capital. Il convient de noter que dans ce cas précis, et sans entrer dans un débat sur la capitalisation et la patrimonialité des structures, il ne peut s’agir que d’une forme résiduelle de répartition, assimilable aux dividendes et qui viendra après la répartition de la part du résultat correspondant à la contribution de chacun (à son industrie).


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