CEDH : violation de la liberté d'expression d'un avocat qui critiquait un juge

Avocat
Outils
TAILLE DU TEXTE

La condamnation d’un avocat à des dommages et intérêts excessifs pour atteinte à l’honneur personnel et professionnel et à la réputation d’un magistrat emporte violation de sa liberté d’expression.

M. P., avocat au Portugal, adressa une lettre au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour se plaindre du manque d’impartialité d’un juge suite à une affaire dans laquelle il plaidait. Après le classement sans suite de l’affaire par le CSM, le juge engagea une action en responsabilité civile, et le tribunal de Lisbonne y fit partiellement droit, condamnant le requérant à payer 50.000 € de dommages et intérêts. Le requérant interjeta appel du jugement. La cour d’appel de Lisbonne annula le jugement et ordonna le renvoi de l’affaire en première instance. 
Le tribunal de Lisbonne reprit l’établissement des faits, tint une nouvelle audience et rendit un jugement condamnant le requérant à verser au juge la même somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts. Le tribunal écarta les allégations de corruption et de manque d’impartialité prononcées par le requérant à l’encontre du juge.
Les deux parties firent appel : le tribunal rejeta l’appel de l'avocat et fit partiellement droit au recours du juge, portant le montant des dommages et intérêts à 100.000 €. L'avocat se pourvut en cassation. La Cour suprême ramena l’indemnisation à 50.000 €.
Le conseil de l’Ordre des avocats prononça un blâme à l’encontre du requérant, celui-ci n’ayant pas averti le juge qu’une plainte contre lui allait être déposée devant le CSM conformément au statut de l’Ordre.

Invoquant l’article 10 de la Convention EDH, le requérant s’est plaint d’une atteinte à sa liberté d’expression du fait de sa condamnation pour atteinte à la réputation d’un juge.

Par un arrêt du 12 février 2019, la Cour européenne des droits de l’Homme estime que l’indemnité de 50.000 € que le requérant a été condamné à verser au juge est excessive, d’autant que les accusations n’ont pas été faites publiquement mais au moyen d’une plainte par lettre adressée au CSM. Si les déclarations litigieuses ont fait l’objet de discussions dans le milieu judiciaire, la Cour estime que le requérant ne saurait être tenu pour responsable des fuites d’une procédure censée rester confidentielle.
La Cour conclut que l’ingérence dans la liberté d’expression du requérant n’était pas nécessaire dans une société démocratique.