CEDH : illégalité de la restriction des communications entre l’avocat et l’accusé pour secret d’Etat

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Si rien ne s’oppose à l’application du devoir de silence à un ancien membre des services de sécurité poursuivi pour divulgation de secrets d’Etat, la restriction des communications entre l’avocat et l’accusé pour une telle raison est contraire à la Convention EDH.

Un ancien membre des services secrets néerlandais, tenu à un devoir de silence même après la cessation de ses fonctions, a été accusé d’avoir révélé des secrets d’Etat à des personnes non autorisées. Il fut avisé par l’agence, avant son jugement, que discuter d’informations relevant de son devoir de silence avec quiconque, y compris avec son avocat, serait constitutif d’une infraction pénale distincte. L’accès de la défense aux documents fit également l’objet de restrictions. 
Une exemption sous condition a permis au requérant de ne révéler qu’à ses avocats les informations strictement nécessaires à sa défense. En appel, le requérant se plaignit, en vain, de ne pas avoir été autorisé à livrer les noms des membres des services secret qu’il souhaitait convoquer en qualité de témoins. Tous les membres de l’agence qui comparurent furent autorisés à refuser de répondre aux questions de la défense susceptibles de compromettre le secret des renseignements.
Devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), le requérant soutenait que son procès pénal ultérieur avait été inéquitable.

Dans une décision du 25 juillet 2017, la CEDH reconnaît qu’aucune raison ne s’oppose à l’application du devoir de silence à un ancien membre des services de sécurité poursuivi pour divulgation de secrets d’Etat.
Toutefois, la Cour juge que, le requérant ayant été menacé de poursuites s’il venait à les révéler à ses avocats, la communication entre lui et ces derniers n’était pas libre et sans restriction quant à sa teneur, ce qui a nui à l’équité de la procédure dirigée contre lui. Il y a donc eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme (Convention EDH) (droit à un procès équitable).

Par ailleurs, la CEDH retient que le requérant estimait que les conditions de l’agence relatives à l’audition de ses membres lui avaient fermé l’accès à des informations susceptibles de faire douter de sa culpabilité. 
Toutefois, si jeter le doute sur l’auteur d’une infraction en cherchant à démontrer que celle-ci a pu être commise par quelqu’un d’autre est une stratégie de défense légitime en matière pénale, cela n’implique pas qu’un suspect puisse formuler des demandes d’information spécieuses dans l’espoir qu’une autre explication puisse apparaître. 
En l’espèce, l’arrêt d’appel s’est basé sur 53 éléments de preuve différents, plusieurs rattachant directement le requérant aux faits reprochés. 
La Cour juge donc qu’il n’y a pas eu violation du droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et du droit d’obtenir la convocation et l’interrogation de témoins.
Un nouveau procès ou la réouverture de la procédure représente un moyen approprié de redresser la violation des prescriptions de l’article 6 de la Convention EDH en première instance.


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