La gestion du contentieux - Une prise en compte propre à chaque situation et à chaque entreprise

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Explications sur les réalités différentes dans un groupe ou une PME de la pratique du contentieux, par Christine Guerrier et Carole Dupessey.

Comment le suivi des dossiers contentieux est-il géré au sein de votre Direction Juridique?

Christine.Guerrier : Il existe depuis longtemps au sein de la Direction Juridique Groupe, un département "Résolution des différends et contentieux" qui est en charge de l’ensemble des dossiers contentieux du Groupe. Le Directeur Juridique  "Résolution des différends et contentieux" rapporte au Directeur Juridique et Contrat du Groupe Thales.

Carole.Dupessey : Ma formation d’origine est une formation d’avocate. J’ai exercé de 1987 à 1992 au barreau de Lyon avant d’intégrer en janvier 1993 la société familiale Dupessey. J’ai tout de suite occupé une fonction juridique. Cette société est une entreprise de transports où les dossiers tournent autour de l’assurance, des véhicules sinistrés, de la gestion du personnel et éventuellement des problèmes avec les clients mais qui sont presque inexistants. Lorsque j’ai pris la direction effective de l’entreprise Dupessey en 2008, j’ai recruté, au mois de mai un responsable juridique. C’est un jeune, titulaire d’un DEA de droit des transports. En parallèle, j’ai formé à la gestion des litiges et des assurances notre standardiste.

Avez-vous une direction, ou des juristes, uniquement dédiés au contentieux ? Si oui, combien sont-ils, et quels sont leurs profils ?

C.G. : Le département est composé de quatre juristes et d’un ingénieur basé au siège du Groupe et de deux juristes basés au Royaume-Uni. Ce sont tous des juristes expérimentés qui ont eu pour la majorité d’entre eux une expérience de juristes  "opérationnels" au sein des filiales du Groupe. Un juriste dédié au contentieux doit pouvoir comprendre les enjeux juridiques bien sûr, mais également les enjeux stratégiques de l’entreprise ainsi que les aspects techniques et financiers d’un dossier. Compte tenu de l’activité de haute technologie de notre entreprise, la plupart des dossiers que nous traitons ont une forte composante technique et nos interlocuteurs internes sont en général des ingénieurs de grandes écoles peu habitués à échanger avec des juristes, des avocats ou des arbitres. C’est la raison pour laquelle notre équipe comprend un ingénieur qui se charge de la "traduction" en langage profane des explications techniques fournies par nos opérationnels et s’assure de la compréhension par les opérationnels des questions posées par les juristes.

C.D. : Non. Je n’ai que deux salariés formés au droit, le responsable juridique et la standardiste devenue assistante de direction.

Lors d’une crise, comment s’opère l’intervention de la Direction Juridique ? Les juristes prennent-ils part aux cellules de crise ?

C.G. : L’intervention et le rôle de la Direction Juridique sont variables selon la nature de la crise et de son ampleur. Elle analysera les conséquences à attendre des faits à l’origine de la crise et anticiper les développements et apportera son éclairage pour les actions de nature juridique qui pourraient être entreprises, puis interviendra pour mettre en œuvre les actions décidées par la cellule de crise. Sur certains sujets particuliers, une équipe multidisciplinaire sera mise en place et se réunira de façon régulière.

C.D. : J’interviens directement en soupape de Romain Guillot, responsable juridique qui est également responsable des ressources humaines. Il fait partie du comité de direction et, lors d’une crise, nous intervenons en binôme.

Comment le juriste communique-t-il au sein de votre entreprise et en externe, notamment en cas de crise ?

C.G. : La cellule de crise définit la communication propre à chaque crise. Il n’y a pas de règle générale établie et la réaction doit être fonction de la nature de la crise. La Direction Juridique fera des recommandations, et participera à la rédaction des communiqués de presse en liaison avec la Direction de la Communication et les différentes parties prenantes.

C.D. : En cas de crise, je m’occupe de la communication avec Monsieur GUILLOT, Directeur des Opérations, RH, Juridique et Qualité.

Quelle est votre organisation pour prévenir les litiges ?

C.G. : Depuis quelques années nous avons établi des règles de rédaction des clauses de règlement des litiges dans les contrats commerciaux qui comportent le recours à des méthodes de règlement alternatif des différends telle que la médiation. De cette façon, nombre de litiges se résolvent amiablement. Par ailleurs, le département "Résolution des différends et contentieux" intervient en cas de difficultés rencontrées dans l’exécution des contrats en lien avec les juristes et contracts managers des unités opérationnels afin de résoudre ces difficultés le plus en amont possible et d’éviter ainsi les contentieux.

C.D. : Le mot d’ordre de la société est réactivité. Traiter les problèmes à l’origine évite les dérives. Si le litige concerne le personnel, nous essayons d’avoir un suivi rigoureux. Les conducteurs (qui représentent 85% du personnel) sont sur la route, lors qu’il y a un souci, ils appellent le service du personnel et nous devons leur apporter des réponses rapides. Au niveau des clients, nous répondons également rigoureusement.

Disposez-vous d’un code de bonne conduite ?

C.G. : Le Groupe a un code d’éthique et des guides de bonnes pratiques.

C.D. : Pas vraiment. Il faut faire preuve de bon sens. Au niveau des conducteurs, il existe un manuel remis à jour chaque année, qui rappelle les règles à respecter (réglementation sociale, sécurité...).

Quelles opérations de sensibilisation et actions pédagogiques menez-vous dans votre entreprise pour prévenir les contentieux ?

C.G. : Nous intervenons très régulièrement dans les actions de formation interne, tant vis à vis de populations particulières telles que les acheteurs, les "contracts managers" par exemple que vers des comités de direction sur des thèmes spécifiques dans le cadre du programme de conformité mise en place par le Groupe Thales.

C.D. : Nous misons plutôt sur la formation. Au niveau du personnel, je demande au service RH d’être réactifs afin de répondre rapidement aux problèmes. Lorsqu’il y a un souci avec un salarié, nous essayons de le régler en amont. Nous faisons de même pour les clients. Cette proximité nous permet d’éviter les contentieux, qui sont donc très peu nombreux au sein de l’entreprise.

A partir de quel moment faites-vous appel à des conseils extérieurs (avocats) ? Leur laissez- vous une marge de manœuvre importante dans la gestion du contentieux, ou êtes-vous au contraire très "interventionnistes" dans la gestion du contentieux ?

C.G. : Nous demeurons très présents dans la gestion du contentieux et nous travaillons en lien très étroit avec les conseils extérieurs. Dans la mesure du possible, nous nous efforçons de constituer le dossier et d’en faire une analyse avant de le transférer au conseil externe.

C.D. : Lorsqu’il y un problème commercial, nous saisissons nous-mêmes le Tribunal de Commerce puisque l’intervention d’un avocat n’est pas obligatoire. Lorsqu’il s’agit d’un problème avec un salarié, cela dépend du lien avec lui. Nous faisons de temps à autre intervenir un cabinet d’avocats pour qui nous préparons le dossier. En matière pénale, j’interviens directement devant le Tribunal.

Vos juristes vont-ils jusqu’à plaider eux-mêmes certains dossiers, dans les cas ou la loi le leur permet ?

C.G. : Nous ne plaidons pas en général les dossiers, même quand il n’est pas indispensable au regard des règles procédurales de recourir à un avocat. Nous n’en avons simplement pas le temps et les métiers sont légèrement différents. Certains d’entre nous ont été inscrits au Barreau, et donc dans ce cadre ont régulièrement plaidé des dossiers, aussi nous pouvons convenir avec l’avocat de l’orientation que doit prendre le dossier de plaidoirie sans pour autant assister systématiquement assister à l’audience. Nous sommes par contre toujours présents dans les arbitrages où les parties ont la possibilité de contrôler les règles de procédure.

C.D. : Oui, devant le Conseil de prud’homme et le Tribunal De Commerce. Pour les autres juridictions, nous n’avons pas le droit.

Propos recueillis par Éloïse Rigenbach

A propos

JEM11Cet article provient du numéro 11 de Juriste Entreprise Magazine (JEM), magazine de l'Association Française des Juristes d'Entreprise (AFJE) dont le dossier spécial est consacré au contentieux.

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