Michel Sapin : « C'est le comportement le plus éthique qui peut permettre d'avoir la compétitivité la plus grande »

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Le Monde du Droit a interrogé Michel Sapin qui vient d'être promu associé au sein du cabinet Franklin. L'ancien ministre de l'Economie et des Finances de François Hollande revient sur sa pratique au sein du cabinet d'avocats d'affaires indépendant.

Quelle est votre réaction à la suite de votre nomination en tant qu'associé au sein du cabinet Franklin ?

C'est un plaisir de travailler avec des associés comme ceux qui composent le cabinet Franklin. En ce qui me concerne peut être certains ont-ils pu s’interroger pour savoir si devenir avocat à 67 ans, lorsque l’on a été longtemps ministre et parlementaire, est un engagement durable. Ils ont aujourd’hui la réponse. Si je suis devenu avocat, c'est pour m'inscrire dans la durée et c’était mon objectif dès mon arrivée. Et les trois années où je fus « senior advisor » m’y ont bien préparé.

Quelle est la spécificité de votre pratique ?

La spécificité de ma pratique est de ne pas avoir de spécificité ! Plus exactement, d'avoir la capacité de travailler dans des domaines variés. Je travaille avec la plupart des associés du cabinet sur l'analyse stratégique des dossiers, la construction des problématiques. J'interviens également à l'international, en particulier pour l'Afrique, puisque c'est un continent que je connais bien. J'ai des domaines plus particuliers d'intervention. En matière de conformité, je traite de la question de la lutte anticorruption, de la prévention de la corruption. J'accompagne des entreprises dans la mise en place de leur plan de prévention, dans leur dialogue éventuel avec les autorités de contrôle. Il m'arrive aussi d'accompagner des entreprises ou des dirigeants dans le cadre de CJIP ou de CRPC D'ailleurs, je trouve que ce sont là de très beaux outils qui valent le coup d'être utilisés intelligemment par les entreprises comme par les magistrats.
Un autre domaine d'intervention est la question financière, et notamment tout ce qui concerne les dettes souveraines. Je travaille beaucoup avec des États en situation difficile pour les accompagner dans l'analyse de leur dette publique et la définition d’une stratégie de négociation, renégociation, restructuration y compris en lien avec les autorités internationales. Je travaille également à l’élaboration de stratégies de diversification des sources de financement de pays en développement.

Est-ce que votre passé de ministre vous aide pour ce type de dossiers ?

Oui, ça aide, mais pas pour ce que l'on croit, si je puis dire. Le carnet d'adresses, cela ne dure pas longtemps. L'expérience de ministre vous apprend une manière de faire, l'approche politique au bon sens du terme. Cela aide aussi dans la définition des stratégies de caractère strictement juridique.

Quels sont vos objectifs ?

Je veux vraiment m'inscrire dans la continuité. C'est la manière dont j'ai travaillé au sein de Franklin et dont l'ensemble des associés ont travaillé avec moi. C'est ce qui a donné satisfaction à mes associés. Je souhaite approfondir cette caractéristique qui fait que je travaille avec tout le monde. Une très grande horizontalité avec des associés qui sont extrêmement ouverts à la coopération, ce qui peut parfois changer par rapport à d'autres cabinets un peu trop sectorisés. Nous n'avons pas de terrain interdit. Le cabinet Franklin est 100 % français, totalement indépendant. Il n'est pas inscrit dans un réseau et ne rencontre pas les problèmes de conflits d'intérêts contrairement aux cabinets intégrés dans des réseaux internationaux. 100% français donc mais aussi 100% tourné à l’international Franklin travaille avec d'autres cabinets dans le monde entier en toute liberté du fait de son indépendance. Pour conclure, je dirais que ce que j'ai pu faire en tant que ministre, en particulier avec les « lois Sapin », c'est d'essayer de réconcilier la compétitivité et l'éthique. Ce n'est pas forcément ainsi que raisonnent les cabinets d'avocats d'affaires. Au sein du cabinet Franklin, nous avons un très grand sens de l'éthique. Je crois que c'est le comportement le plus éthique, et non pas le comportement à la marge, qui peut permettre d'avoir la compétitivité la plus grande et de prévenir ou surmonter des difficultés que peuvent rencontrer les entreprises comme les institutions publiques.

Propos recueillis par Arnaud Dumourier (@adumourier)