BARO ALTO pour la lisibilité pénale

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Interview de Caroline Joly, Avocate Associée, cofondatrice du cabinet BARO ALTO.

Un groupe d’avocats et d’experts travaille pour tenter d’améliorer la lisibilité du droit pénal des affaires et son application en France et en Europe.

Caroline Joly, Avocate associée du cabinet BARO ALTO, est à l’initiative d’un travail de réflexion multidisciplinaire sur le sujet. Elle a réuni une équipe composée, notamment du cabinet Maisonneuve et du Professeur Pascal Beauvais qui, en s’appuyant sur le droit comparé, entend proposer plus de clarté aux règles relatives aux règles de cumul de responsabilité pénale des dirigeants et de leur entreprise. Ce travail est soutenu par le Think-tank 2IES qui jugeait utile de repenser en profondeur ces questions de responsabilité.

Le premier objectif de ce groupe de travail est de lever le flou sur l’articulation de la responsabilité pénale des dirigeants et de leur entreprise. Un talon d’Achille de la procédure pénale française comme le montre la dernière étude internationale menée par BARO ALTO en partenariat avec les avocats de son réseau IR GLOBAL.

La lisibilité des règles pénales est-elle un enjeu majeur pour les dirigeants d’entreprises et plus généralement pour les acteurs de la justice pénale ?

Je pratique la matière pénale depuis près de trente ans et ai ainsi défendu des centaines de dirigeants ou leur entreprise.

C’est de cette expérience, ainsi que des incohérences et différences de traitement qui en sont ressorties, que me sont apparues la nécessité et l’envie de contribuer à la clarification du droit pour une meilleure justice pénale.

Ces questions qui lient réflexions théoriques et pratiques m’intéressent de longue date puisqu’il y a quatre ans, nous avions déjà sorti le livre blanc sur la réputation pénale du dirigeant.

Désormais, afin d’aller plus loin et de nourrir notre réflexion nous avons réuni plusieurs parties prenantes (experts, universitaires, magistrats…) et nous nous sommes appuyés sur notre réseau international de praticiens IR GLOBAL. Le professeur Pascal Beauvais qui a organisé un séminaire international de droit pénal comparé sur le sujet est associé à cette réflexion. Notre projet de travail compte, par ailleurs, l’appui de l’Institut pour l’innovation économique et sociale (2IES), think-tank créé par des dirigeants d’entreprise pour identifier et diffuser des idées nouvelles et des solutions transversales sur les enjeux économiques et sociaux.

Il a pour objectif d’explorer une zone marquée par l’incertitude et l’absence de critères effectifs et appliqués du droit pénal des affaires et d’aboutir à des propositions concrètes.

Quelle zone d’ombre fait naître un aléa pénal pour les acteurs économiques aujourd’hui ?

La question de l’articulation de la responsabilité pénale des dirigeants et de leur entreprise apparaît complexe et en pleine évolution, depuis que la responsabilité pénale des personnes morales a été consacrée par le législateur français.

Or, la pratique montre que, faute de critères précis et appliqués, les décisions des tribunaux et des cours d’appel fluctuent en matière de cumul de responsabilité pénale des dirigeants et de leur entreprise.

Ainsi, pour une même infraction et des faits similaires, des différences significatives de traitement, quant au choix de la personne poursuivie (personne morale et/ou son dirigeant) et sur la nature et le quantum des peines existent.

Il en résulte une insécurité juridique patente dans une matière où les enjeux financiers et humains sont très importants. Ce flou est source d’arbitraire, d’inégalités et ne contribue pas à l’indispensable légitimation de la justice pénale économique en France.

Il nous paraît nécessaire d’arriver à un régime mieux pensé et plus précis qui ne sacrifie pas l’un des acteurs au détriment de l’autre.

Nous nous sommes donc saisis de ce sujet en vue de proposer, avec notre groupe de travail, des solutions pour faire évoluer l’application des règles de cumul de responsabilité qui constitue, pour nous, un enjeu majeur du droit pénal contemporain des affaires.

Les dirigeants en France sont-ils davantage exposés aux risques du cumul de responsabilité pénale ? 

BARO ALTO, avec l’appui de son réseau international IR GLOBAL, a mené une étude sur 20 pays outre la France afin de réaliser une première cartographie internationale des différents systèmes existant et des règles relatives à l’articulation de la responsabilité pénale des dirigeants et de leur entreprise.

Cette étude fait ressortir les points communs et les différences entre les différents régimes juridiques existant à travers le monde.

Il en ressort que :

  • Le cumul de la responsabilité de la personne morale et des dirigeants existe dans la plupart des pays étudiés ;

  • Certains pays ont adopté, comme en France, une responsabilité pénale générale de la personne morale par exemple l’Angleterre et les Pays-de Galle, la Roumanie ou la Belgique, tandis que d’autres l’ont limité à certaines infractions tels que l’Espagne et la Pologne ;

  • De nombreux systèmes ont opté pour un régime de responsabilité dit « directe » de la personne morale là où en France la responsabilité de la personne morale suppose la caractérisation préalable d’une infraction d’une personne physique, ce qui pourrait constituer, en France, une piste d’amélioration du système existant ;

  • Dans de nombreux Etats, la responsabilité pénale des personnes morales demeure récente et n’est pas encore pleinement voire pas du tout appliquée. Les questions relatives à la mise en œuvre de cette responsabilité concomitamment avec celle des dirigeants se posent donc avec bien moins d’acuité qu’en France.

Si cette première étude a fait ressortir que le besoin de clarification et les problématiques soulevées par de nombreux praticiens et théoriciens français quant aux règles de cumul de responsabilité pénale de la personne morale et du dirigeant ne se posaient pas forcément dans tous les systèmes juridiques, elle a permis d’établir une cartographie dynamique des différents systèmes existant.

Cette cartographie permet ainsi d’apprécier quelles règles et solutions ont pu être adoptées pour introduire la responsabilité pénale de la personne morale et son articulation avec celle de son dirigeant dans les différents systèmes juridiques étudiés. Ces différentes règles et solutions peuvent servir d’inspiration au législateur français pour améliorer le système existant.

En conséquence, nous partageons nos résultats sous la forme de cette cartographie pour faire réagir les praticiens et théoriciens du droit, mais également les dirigeants qui auraient été face à une telle situation ou qui souhaitent s’informer sur cette situation juridique.

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