Yves Wehrli, Associé, Clifford Chance

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Yves Wehrli - Avocat - Clifford Chance

"Jouer collectif". Ce pourrait être le fil conducteur d’Yves Wehrli, managing partner du cabinet d’avocats Clifford Chance, lui qui, à 20 ans, a bien failli devenir joueur de football professionnel.Yves Wehrli Avocat

Lorsqu’à la fin de l’entretien, une fois évoqués parcours, valeurs et croyances professionnelles, arrive le temps de la dernière question, celle qu’on ne lui a pas encore posée et qu’il voudrait bien qu’on lui pose, Yves Wehrli la pose lui-même : "La vie d’un homme doit-elle être faite d’une seule expérience professionnelle et que faire après ce métier ?"

Jouer collectif. Là, c’est avec lui-même qu’il joue. Jouer à s’imaginer ailleurs. Yves Wehrli a un parcours linéaire, bien rempli. Entré chez Clifford Turner en 1980 comme stagiaire, associé en 1988, l’année même où Clifford Turner fusionne avec Howard Chance pour devenir Clifford Chance, managing partner en 1999. Voilà 30 ans de carrière d’un seul tenant.

Alors vient cette idée, visiblement lancinante, que connaissent bien les grands sportifs, ce besoin d’aller plus loin, de se mesurer à autre chose, de se dépasser, "la seule course qui ne finit jamais" pour reprendre un slogan des milieux automobiles qu’Yves Wehrli connaît bien puisqu’il est devenu l’avocat des grands évènements sportifs.

Mais commençons par le début. S’il fallait retenir trois étapes qui ont contribué à façonner le parcours d’Yves Wehrli, ce serait sans doute Airbus, New York et la Coupe du Monde de football.

En 1985, le cabinet demande à Yves Wehrli de se rendre chez Airbus à Toulouse pour y passer six mois en détachement. "Une expérience exceptionnelle qui m’a appris une façon différente de travailler. Je n’ai plus travaillé de la même manière après". Un détachement, les avocats le savent, c'est acquérir une meilleure connaissance du monde de l'entreprise et un même langage que le client, précis, factuel, concret.

Puis ce fut New York en 1990. Yves Wehrli y passe plus de deux ans. "C’est le marché le plus sophistiqué du monde, hyper concurrentiel. Un marché qui vous apprend l’humilité". Qui vous apprend aussi à avoir une démarche plus entreprenante. Un avocat américain accompagne son client partout où le conduisent ses affaires y compris à l’étranger et reste à ses côtés parce qu’il est celui qui connaît bien son client.

"Les grandes économies du monde, lorsqu’elles s’exportent, emportent dans leurs bagages leurs financiers, leurs banquiers d’affaires et leurs avocats. Pas étonnant que les plus grands cabinets du monde soient américains ou anglais" constate Yves Wehrli.

Alors qu’il est encore à New York, Yves Wehrli voit dans USA Today que la France s’est vue octroyer l’organisation de la Coupe du Monde de football en 1998. Il veut en faire le dossier de sa vie.

Clifford Chance répond à l’appel d’offre lancé par le comité d’organisation de la Coupe du Monde et remporte le marché. "Sur le plan humain, cela a été une expérience extraordinaire !" indique Yves Wehrli. "Notre cabinet a pris en charge toute la partie juridique de la Coupe du Monde, les contrats, l’utilisation des droits et des technologies, la location des stades, la billeterie, … c’était passionnant !"

Dans l’industrie du sport, Clifford Chance a su se rendre incontournable : le cabinet s’occupe depuis 1999 de toutes les cessions de droits pour la télévision concernant le football, il a effectué la première introduction en bourse d’un club de football, il était présent aux championnats du monde d’athlétisme en 2003, pour le rugby en 2007, il assiste les grandes fédérations et prépare actuellement la candidature française à l’Euro en 2016.

En novembre 2009, Yves Wehrli a été sollicité afin de participer au Panel de contrôle financier de l’UEFA, lequel doit vérifier que les clubs remplissent tous les critères exigés par le système de licence européenne. Il doit aussi jouer un rôle important dans l’installation et l’évaluation du concept de fair-play financier, un projet porté par le président de l’UEFA, Michel Platini.

Depuis qu’Yves Wehrli est managing partner, la taille du cabinet a été multipliée par trois. Il y consacre environ deux tiers de son temps. Mais rien ne remplace, pour lui, la relation avec le client. "Suivre un client, c’est avoir la satisfaction d’un long travail accompli. Cela va souvent au-delà de l’aventure professionnelle lorsque qu’un lien d’amitié se crée, parce que vous avez passé des nuits entières à ses côtés dans une affaire" indique Yves Wehrli.

Gérer un cabinet c’est aussi apprendre aux jeunes avocats les fondamentaux du métier. Leur apprendre à être bon dans la qualité de l’écrit technique mais aussi dans tout ce qui entoure un dossier, l’attention portée au client, le détail, l’aspect humain. "Je leur dis d’être ambitieux avec humilité car l’un sans l’autre n’est qu’arrogance. Et dans notre métier, ce qui nous guette souvent c’est l’arrogance. Beaucoup de mes confrères gagneraient à être plus simples" remarque Yves Wehrli.

Il y a deux mots auxquels Yves Wehrli attache beaucoup d’importance : "qualit é" et "complémentarité". "Qualité" parce qu’on veut faire partie de l’élite du marché. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut de la "complémentarité" aussi, c'est-à-dire la capacité des gens à travailler ensemble, capacité d’un associé à être en première ligne sur un dossier et le mois suivant de laisser le leadership à quelqu’un d’autre sur un autre dossier parce qu’il est plus pointu dans ce domaine et le faire avec la même efficacité.

Les clients sont de mieux en mieux organisés. Aujourd’hui les directions juridiques des grands groupes sont devenues très compétentes. "Il ne suffit pas juste de leur apporter du droit, il faut aussi leur apporter une bonne connaissance de l’industrie qui est la leur" souligne Yves Wehrli.

Et puis, il y a une vie après le cabinet, même pour Yves Wehrli. "J’accepte de consacrer beaucoup de temps à ce métier, alors le week end est pour moi une parenthèse, riche, avec des voyages, des amis. La vie de famille est très importante. Lorsque je rentre chez moi, je retrouve un havre de paix". Voilà de quoi maintenir un bon équilibre … jusqu’au prochain métier.

 

 

Ecrit par Axelle de Borger


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